Sondage : la mobilité, indispensable à la qualité de vie des Français

Par Dominique Pialot  |   |  1170  mots
La densité de l'offre de transports ne favorise pas toujours l'accès à la mobilité pour tous (Crédits : Pascal Rossignol)
Le sondage publié par le Laboratoire de la mobilité inclusive à l’occasion des Rencontres qui se tiennent ce 29 mai montre qu’une grande majorité des Français, et pas seulement les plus fragiles, estiment que la capacité à pouvoir se déplacer facilement est une condition sine qua non de leur qualité de vie.

[Article publié le 29 mai à 8h17, mis à jour à 16h25 avec un graphique de notre partenaire Statista]

Fondé en 2013, le Laboratoire de la mobilité inclusive étudie depuis le rôle de la mobilité dans la vie des populations les plus fragiles et cherche à faire reconnaître la mobilité comme une condition essentielle à l'exercice des droits de liberté, d'égalité et de citoyenneté. Traditionnellement, les deux facteurs qui limitent le plus la mobilité sont de nature géographique dans les territoires à faible densité, et les difficultés de certaines populations (en situation de handicap, personnes âgées, jeunes et foyers modestes) pour utiliser les équipements existants, ce qui représente pas moins de 7 millions de personnes empêchées dans leur mobilité.

Une majorité de Français concernés

Mais le sondage « La mobilité et l'accès des Français aux services de la vie quotidienne », commandé à l'Institut Elabe et publié ce 29 mai, prouve que c'est un enjeu majeur pour l'ensemble des Français, quels que soient leur âge et leur lieu de résidence. En effet, ils sont 65% à considérer que la capacité à se déplacer facilement est indispensable à leur qualité de vie quotidienne. Ils sont même 30 à 40% à avoir déjà dû renoncer ou repousser une activité du quotidien (sortie culturelle ou de loisirs, démarches administratives, rendez-vous médical, activité sportive ou courses alimentaires. Sur le plan de l'emploi, 30% des personnes interrogées ont déjà envisagé de changer de mode de vie en pratiquant le télétravail, en se mettant à temps partiel, voire en arrêtant de travailler ! Ce sont les jeunes actifs  et les habitants de zones urbaines qui sont le plus tentés par ce changement de vie.

Les plus concernés par ces difficultés sont les usagers réguliers des transports en commun et les personnes sans voiture. Comme l'avaient déjà démontré de précédentes études du think tank, les jeunes entre 18 et 25 ans sont parmi ceux qui souffrent le plus de cette difficulté à se déplacer, et les actifs plus affectés que les retraités.

La mobilité des Franciliens en question

Mais le principal enseignement de ce sondage, ce sont probablement ces 54% d'habitants de la région parisienne, qui concentre pourtant le plus large choix de moyens de transport, ayant déjà renoncé à une sortie culturelle ou sportive pour cause de difficultés à se déplacer. 32% de cette population ont même parfois renoncé à se rendre dans un lieu inconnu. C'est plus que la moyenne nationale. Ce résultat prouve qu'au-delà du choix, c'est la question de la fluidité, mais aussi le manque de maîtrise du « mode d'emploi » du réseau de transports, qui handicape une grande partie de la population francilienne. En cause, selon Valérie Dreyfuss, la déléguée générale du Laboratoire de la mobilité inclusive, une offre pléthorique et des transformations très rapides qui nécessiteraient un accompagnement afin que ces populations parviennent à maîtriser la multimodalité.

Au niveau national, ils sont 29% à avoir renoncé à un déplacement par crainte de se perdre, et 22% par incapacité à construire leur itinéraire.

Côté solutions, 53% des Français évoquent un coût des transports moins élevé, et 35% des horaires et une fréquence plus adaptés à leurs besoins. Mais aussi, surtout parmi les jeunes (de 18 à 34 ans), l'acquisition d'un véhicule (20%). Le développement du co-voiturage (10%) ou de services de location de voitures ou scooters (8%) viennent loin derrière.

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[Côté solutions, 53% des Français évoquent un coût des transports moins élevé. Cliquez sur l'infographie pour l'agrandir. Crédit : Statista*]

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Avant la mobilité, rendre l'information accessible

C'est pourquoi, si elle reconnaît le potentiel des nouveaux services de mobilité liés au numérique, Valérie Dreyfuss rappelle l'une des recommandations du groupe de travail « Mobilités plus solidaires » que le Laboratoire de la mobilité inclusive a présidé dans le cadre de la préparation du projet de loi d'orientation sur les mobilités (LOM) : favoriser une information fiable et centralisée, accessible à tous aussi bien de façon numérique que via des plateformes téléphoniques ou des relais de proximité « en dur ».  Il apparaît également nécessaire de développer le conseil et l'apprentissage de la mobilité de façon individuelle, par exemple auprès des personnes âgées lorsqu'elles doivent cesser d'utiliser leur véhicule personnel. Il faudrait pour ce faire essaimer la centaine de plateformes de mobilité qui existent déjà, mais ne touchent qu'environ 100.000 personnes.

Limiter à la fois les déplacements et l'isolement

Sur le plan sociétal, la conséquence la plus directe de ces renoncements à se déplacer : l'isolement. En effet, que ce soit pour rendre visite à leur famille (37%) ou à des amis (34%), les Français sont nombreux à avoir renoncé faute d'un accès à un moyen de transport. Le laboratoire plaide également pour des changements au sein des entreprises, dans l'organisation de l'espace en rapprochant services et biens des populations, et pour une dématérialisation accrue, qui permettrait de limiter le besoin de se déplacer. Le développement des services de mobilité inversée (par exemple des facteurs livrant courses et médicaments) va dans le même sens. Autant de solutions qui impliquent une meilleure transversalité des politiques publiques. À plus long terme, il paraît tout aussi essentiel de pratiquer un urbanisme favorisant une plus grande mixité fonctionnelle au sein d'un même espace. À la clé, seuls les déplacements à réelle « valeur sociale ajoutée » pourraient être conservés.

Éliminer les « zones blanches de mobilité »

Sur le plan financier, plutôt que la gratuité totale des transports publics, le Laboratoire plaide pour un « droit de tirage mobilité » dont disposerait chaque Français, qui pourrait l'utiliser selon ses besoins. Ce dispositif est actuellement en test à Mulhouse. De façon générale, Valérie Dreyfuss souhaiterait voir les aides plus adaptées au niveau de revenus réels. Ainsi, les retraités bénéficient aujourd'hui de conditions préférentielles alors que tous ne disposent pas du même budget.

Autre cheval de bataille du Laboratoire : la chasse aux « zones blanches de mobilité », ces trois-quarts du territoire français (soit 25,000 communes et 19 millions d'habitants) qui ne sont couverts par aucune Autorité organisatrice de mobilité. Pourtant, leur présence sur un territoire est un pré-requis pour l'accès à la mobilité au plus grand nombre.

Coïncidant parfois avec les zones blanches numériques, ces zones blanches de mobilité accentuent encore la fragilité de certains territoires. D'où la toute première mesure proposée par l'atelier « Mobilité plus solidaires »  supprimer ces zones blanches et élargissant hors AOM la compétence des régions à l'ensemble des mobilités, qui deviendraient alors « autorités organisatrices de la mobilité régionale ».

Une piste que la déléguée générale pourra à nouveau exprimer auprès de la ministre des Transports Élisabeth Borne, qui ouvre ce matin les cinquièmes rencontres de la mobilité inclusive.

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(*) Un graphique de notre partenaire Statista.