Mobilité  : finançons nos startups pour les (re) mettre sur les bons rails  !

L'Europe représente une source inépuisable d'innovations autour de la mobilité. Paradoxalement, la croissance notamment à l'international des startups du Vieux continent sur ce secteur est limitée parce que les investissements sont plutôt tournés vers les Etats-Unis ou l'Asie. Une situation à laquelle il s'agit de remédier. Par Ross Douglas, fondateur & CEO d'Autonomy.
Pendant que nos startups européennes attendaient que les villes étrangères publient des appels d'offres pour pouvoir envisager un développement international, certaines startups chinoises telles qu'Ofo (photo) ou Mobike révolutionnaient en profondeur le marché en produisant et déployant à grande échelle des vélos à bas prix.
Pendant que nos startups européennes attendaient que les villes étrangères publient des appels d'offres pour pouvoir envisager un développement international, certaines startups chinoises telles qu'Ofo (photo) ou Mobike révolutionnaient en profondeur le marché en produisant et déployant à grande échelle des vélos à bas prix. (Crédits : Reuters)

En mars dernier, l'initiative « European Startup Prize for mobility », créé par Karima Delli - présidente de la commission Transports et Tourisme au Parlement Européen - a attiré 500 startups européennes, et donc autant d'innovations dédiées aux nouvelles mobilités. Pour autant, force est de constater que celles-ci sont encore trop peu à sortir du lot et à émerger à l'international. Explications.

Investir rapidement pour résister à la compétition...

Si, en février dernier, la RATP annonçait investir 40 millions d'euros dans le développement de la startup française Cityscoot, l'événement le plus marquant de ce premier trimestre reste le rachat de Mobike par Meituan-Dianping. L'entreprise chinoise, spécialisée dans la livraison de repas, a évalué la jeune pousse du vélo en libre-service, chinoise également, à quelques 3,7 milliards de dollars... Les écarts sont considérables.

Une partie de l'explication réside dans les modèles économiques privilégiés par nos startups européennes. Prenons précisément cet exemple des vélos en libre-service. Ces derniers existent en Europe depuis un demi-siècle maintenant, avec le lancement des White Bikes en 1965 à Amsterdam. L'essor n'a ensuite eu lieu qu'en 2007, avec l'arrivée des Vélib' à Paris : un concept rapidement déployé dans d'autres métropoles européennes. Le problème ? Ce système a toujours eu besoin de subventions de la part des villes d'implantation, notamment pour couvrir les coûts élevés d'installation et de maintenance des bornes et des flottes ! Aussi, pendant que nos startups européennes attendaient que les villes étrangères publient des appels d'offres pour pouvoir envisager un développement international, certaines startups chinoises telles qu'Ofo ou Mobike révolutionnaient en profondeur le marché en produisant et déployant à grande échelle des vélos à bas prix. N'ayant pas besoin de bornes, et soutenues par des investissements massifs, ces dernières ont pu se passer de subventions publiques... et donc d'attendre !

Mais Ofo et Mobike ne sont pas les seules entreprises de mobilité à suivre cette stratégie d'expansion très rapide. Le célèbre Uber est par exemple parvenu à collecter 12 milliards de dollars pour créer son service à la demande dans plus de 600 villes à travers le monde en moins de dix ans. Son plus gros concurrent, l'entreprise chinoise Didi Chuxing, a quant à lui réuni 15 milliards de dollars, et est entré récemment sur le marché européen en investissant dans la startup estonienne Taxify (désormais appelée Txfy en France).

Tous ces nouveaux entrants internationaux ont un point commun : avoir profondément disrupté leurs marchés, et ce par le biais de lourds investissements. Plus que dans tout autre secteur, obtenir des financements rapidement est en effet vital pour les startups de la mobilité, souvent déficitaires dans leurs premières années d'existence. Les jeunes entreprises européennes qui souhaitent développer de nouveaux services de mobilité ont donc besoin d'investisseurs pour croître. C'est là leur seul espoir pour vite atteindre la masse critique d'utilisateurs qui assurera leur pérennité, et pour éviter d'être dépassées par des services similaires développés à l'étranger, eux massivement soutenus financièrement pour accélérer leur implantation en Europe.

Un phénomène qui peine à se cristalliser en Europe

Signe du fort besoin de financement dans le secteur, l'institut McKinsey a publié récemment une analyse des tendances de création et d'investissement dans l'écosystème de la mobilité qui donne un bon aperçu de l'économie de l'innovation dans ce domaine en particulier. Cette analyse nous révèle ainsi que 111 milliards de dollars ont été investis dans plus de 1.000 entreprises de mobilité, entre 2010 et 2017. Près d'un tiers de ces investissements sont opérés dans des entreprises de mobilité partagée, le reste se concentrant sur les tendances de l'automatisation et de la connectivité. Par ailleurs, sur ces 111 milliards de dollars, plus de 60% représentent de gros investissements de plus d'un milliard de dollars, les 40% restants étant divisés en une multitude de micro-financements.

Derrière les Etats-Unis et la Chine qui rassemblent à eux deux les trois quarts des investissements (50% pour les Etats-Unis, 25% pour la Chine), Israël prend la troisième place grâce au rachat de Mobileye par Intel (à hauteur de 15 milliards de dollars). Le seul pays européen à figurer dans le top 10 des fonds reçus dans ce domaine est l'Allemagne, avec un total d'investissement assez modeste de 1,1 milliard de dollars, ce qui représente seulement 1% du total des fonds investis...

Aussi, la hausse récente du taux d'investissement en Asie a beaucoup surpris le marché. Selon le Lufthansa Innovation Hub (qui suit les investissements dans les startups liées à la mobilité et aux voyages), en 2017, les entreprises localisées en Chine et en Inde ont perçu 70% du total des financements, et 12 des 22 startups Voyage et Mobilité les mieux valorisées au monde sont situées à l'Est. La même entité estime même que la part de l'Europe dans l'ensemble des financements mondiaux est passée de plus de 20% en 2013, à seulement 3% en 2017.

Vous l'aurez compris : si l'Europe représente incontestablement une source inépuisable d'innovations autour de la mobilité, la croissance et le déploiement international de ces startups sont trop souvent freinés. Des investissements plutôt traditionnellement tournés vers les Etats-Unis ou l'Asie, ainsi qu'une posture culturellement plus prudente des entrepreneurs expliquent en partie ce phénomène. Il s'agit aujourd'hui de rattraper notre retard, en osant réinventer nos modèles d'entreprise pour nous émanciper des subventions d'une part, et en multipliant les points de rencontre avec les investisseurs internationaux d'autre part.

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Commentaire 1
à écrit le 25/04/2018 à 12:05
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Mettre sur de bons rails! Je ne suis pas certain que cette expression est bien adaptée en ce moment. D'un autre coté le problème aurait été le même si on avait écrit la mobilité reste à quais !

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