La politique sociale de Macron jugée "injuste" par les Français

Par Grégoire Normand  |   |  932  mots
Si des disparités importantes existent entre populations, seuls les sympathisants LREM soutiennent massivement l’action de la majorité : 80% d’entre eux considèrent que la politique gouvernementale est juste. (Crédits : Philippe Wojazer)
Sur la politique sociale menée par Emmanuel Macron, la dernière vague de l'enquête BVA/La Tribune indique que les Français sont déçus. Près de 70% des répondants affirment qu'elle est "injuste".

La remise en cause du modèle social tricolore reste un sujet très sensible chez les Français. Selon le dernier baromètre BVA/La Tribune sur les questions de l'économie, 67% des personnes interrogées estiment que la politique sociale menée par l'actuel chef de l'État n'est pas juste. À la recherche d'économies, le gouvernement étudie actuellement de nombreuses pistes du côté de aides sociales. Si aucune décision n'est encore tranchée, la publication prochainement du rapport "Cap 22" devrait susciter de nombreuses réactions. Surtout que le ministre de l'Économie Bruno Le Maire et le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin ont ravivé les débats ces derniers jours en suggérant une remise en cause de certaines aides.

Pour le pouvoir central, ces réformes, si elles sont décidées, pourraient être complexes à justifier pour des raisons d'économies. En effet, selon un rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale publié mardi 5 juin, le déficit de la sécurité sociale pourrait se réduire à 300 millions d'euros au lieu des 2,2 milliards d'euros initialement prévus en 2018. Le solde annuel pourrait être "quasiment à l'équilibre." Les bonnes performances économiques de la France en 2017, avec un PIB à 2,3%, ont permis d'améliorer sensiblement les comptes de la sécu.

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L'injustice au centre des préoccupations

Après les nombreuses polémiques sur le pouvoir d'achat avec la hausse de la fiscalité sur le tabac et l'essence, et l'augmentation de la CSG, l'exécutif traverse actuellement une séquence difficile. Sur le total des répondants, 32% trouvent même la politique sociale de l'ancien secrétaire général adjoint de l'Élysée "pas du tout juste".

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Par genre, le sentiment d'injustice est plus présent chez les femmes (70%) que chez les hommes (64%). Dans les catégories d'âge, ce sont surtout les 35-49 ans (74%) et les 50-64 ans (73 ans) qui expriment cette opinion. À l'inverse, les moins de 35 ans (60%) et les plus de 65 ans (62%) sont moins nombreux à indiquer une telle position. Pourtant, ces derniers n'ont pas manqué de manifester leur colère ces derniers mois avec la hausse de la CSG qui concerne environ 60% d'entre eux.

Les résultats par profession sont sans surprise. Les employés et ouvriers sont 75% à penser que sa politique est "injuste" contre 48% chez les cadres.

Concernant la question de l'aide aux plus démunis, l'institut de sondages informe que 55% des interrogés déclarent que le gouvernement n'en fait pas assez. 32% jugent qu'il fait ce qu'il faut. Enfin, 11% affirment que l'exécutif en fait trop. Selon les chiffres de l'Insee, il y a actuellement entre 5 et 8,7 millions de pauvres selon le seuil retenu (50% ou 60%) pour un taux de pauvreté estimé autour de 14% (pour le seuil à 60%).

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Le paradoxe des Français

Les résultats obtenus par BVA réservent quelques surprises. Si une bonne majorité estime que le pouvoir actuel n'est pas assez juste, près de 6 répondant sur 10 déclarent qu'il y a trop d'aides sociales en France. Ils se retrouvent dans les propos de Gérald Darmain qui avait déclaré "qu'il y avait trop d'aides sociales en France". Dans l'échantillon retenu, ce sont surtout les plus âgés (65 ans et plus : 68%) et les plus aisés (foyers ayant des revenus mensuels de 3.500 euros et plus : 67%) qui se retrouvent dans cette perception.

L'organisme de sondages note également qu'il existe sur ce point un vrai clivage sur la question du nombre d'aides. 71% des sympathisants de La République en Marche, 92% des sympathisants Les Républicains et 76% des sympathisants du Front national estiment qu'il y a trop d'aides sociales en France, quand les sympathisants de la gauche sont moins d'un quart à adhérer à cette idée (24%, PS : 17%, LFI : 26%).

Pas de solution majoritaire

Interrogés sur les possibles leviers à activer pour réaliser des économies, les Français sont loin d'être unanimes. Pour 44% des répondants, il faudrait davantage baisser le nombre de bénéficiaires. Cette option est surtout citée par les partisans du parti de Marine Le Pen (73%) et chez les proches Les Républicains (54%) mais aussi les 35-49 ans (50%) et les 50-64 ans (48%).

Pour 30% des interrogés, il faudrait réduire la durée des aides sociales. Une proposition choisie par 47% des moins de 35 ans, 48% des sympathisants LREM et 45% des sympathisants du Parti socialiste. Enfin pour 9% seulement, il faudrait diminuer les montants perçus.

Un modèle pour d'autres pays

L'autre surprise du sondage est que si une majorité des sondés (57%) pensent que le système de sécurité sociale coûte trop cher à la société, "ce sentiment est en forte baisse depuis 2014 (-10 points)". Et les Français estiment par ailleurs que ce système de protection sociale peut servir de modèle à d'autres pays (83%). Les fondements de l'État-providence pourraient donc être difficiles à remettre en question.

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Méthode : Enquête réalisée auprès d'un échantillon de Français interrogés par Internet du 4 au 5 juin 2018. Échantillon de 1.018 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l'échantillon a été assurée grâce à la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, CSP du chef de famille et de la personne interrogée, après stratification par région et catégorie d'agglomération.