La réussite de la transition écologique passera par une transition sociale

À l'occasion du Forum Zéro Carbone, qui s'est tenu à Paris le 8 décembre, La Tribune a voulu associer au débat toutes les parties prenantes, dont les partenaires sociaux. Principal enseignement de la dernière partie de la journée : non seulement les initiatives pour l'avènement d'une économie zéro carbone devront impérativement être co-construites et les efforts, collectifs, mais en plus, l'exercice exige une réforme du fonctionnement des organisations, voire du capitalisme...
(Crédits : DR)

Comment embarquer les citoyens dans leur ensemble pour faire en sorte d'atteindre, le plus rapidement possible, une économie zéro carbone ? Car c'est bien ce qui est nécessaire si l'on veut l'avènement d'une telle société...

Reste que pour l'heure, certains estiment que les efforts, en matière d'économie d'énergies, notamment, sont loin d'être équitablement partagés, comme en atteste la controverse estivale sur les jets privés. Face aux contraintes venues « d'en haut », y a-t-il un risque qu'au lieu de s'exécuter, les citoyens se rebellent ? La crise des Gilets jaunes ne peut que servir de rappel...

Et face aux nouvelles ambitions des entreprises, ne serait-ce qu'en raison de la prégnance, de plus en plus forte, de leur responsabilité sociale et environnementale, les salariés auront-ils leur mot à dire ? À ces questions, les invités de la session intitulée : « Notre société craquera-t-elle avant la planète ? », ont apporté des réponses. Souvent tranchées.

Gouvernance des entreprises

« La société est totalement incandescente et on ne pourra pas relever certains défis écologiques si l'on ne traite pas le sujet social. Les interactions entre enjeux sociaux et enjeux environnementaux sont très fortes », a ainsi déclaré Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, syndicat qui a lancé, avec 18 organisations de la société civile, le « pacte de pouvoir de vivre », au printemps 2019.

Les enjeux sociaux sont en effet nombreux. Ils vont de la reconversion de certains salariés de l'automobile, à l'heure où les constructeurs poussent les véhicules électriques, à la formation de techniciens chargés de la rénovation thermique des bâtiments, en passant par une gouvernance qui permettrait aux salariés d'avoir une prise réelle sur les choix des entreprises. Le tout sur fond de salaires décents et de conditions de travail correctes.

Autrement dit, de dialogue social accru. Or la France ne brille pas par la qualité de son dialogue social ni par ses avancées en matière de gouvernance. « Les efforts nécessaires requièrent de la démocratie et la participation des salariés », confirme pourtant l'économiste Patricia Crifo, professeure à l'École polytechnique et directrice du Master Economics for Smart cities and Climate Policy.

Or selon le dernier baromètre de l'Institut français des Administrateurs et d'Ethics & Board, les administrateurs salariés comptent pour 13,7% des membres du conseil d'administration des entreprises du SBF 120, alors qu'ils sont un tiers dans de nombreux pays européens. Autant dire qu'ils ne forment pas forcément une « masse critique », nécessaire pour infléchir les décisions en France. Une situation qui fait écho à la faible présence d'administratrices dans les conseils, et en particulier dans les instances qui statuent sur des sujets clés comme la rémunération des dirigeants...

À cet égard, Michel Bisson, maire de Lieusaint (Seine-et-Marne) et président de l'agglomération Grand Paris Sud, n'a pas hésité à assurer qu'il fallait « une déconstruction du patriarcat », de nature à engendrer une révolution féministe... Ce qu'il entend par là, à l'instar d'autres invité(e)s au débat, c'est que le capitalisme, dominé par les hommes et tourné avant tout vers l'exploitation de la nature pour le profit, est à revisiter, puisqu'il n'a produit que dégâts sociaux, notamment sous forme de délocalisations et de destructions d'emplois, et crise environnementale...

Baisser la TVA sur les produits de seconde main

Les évolutions nécessaires seront-elles au rendez-vous ?

Si de nombreux jeunes, militant(e)s et chef(fe)s d'entreprise, eux aussi participant(e)s au Forum Zéro Carbone, enchaînent les campagnes de sensibilisation et les initiatives pour un changement de paradigme, à base de sobriété aussi bien énergétique qu'en matière de consommation de biens et d'alimentation, l'État est loin de rester inactif. Certes, Michel Bisson l'a rappelé, les territoires et les entreprises implantées partout en France doivent être au cœur de la transformation, puisqu'un grand plan vélo, par exemple, décidé par l'État ne peut avoir du succès que si les maires font construire des pistes cyclables...

Mais Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et ancien maire d'Angers, est particulièrement conscient des chausse-trappes : « Une entreprise a beau être implantée sur un territoire, si elle se fournit avec des produits venus du bout du monde, cela n'a aucun sens », dit-il. S'il se félicite du fait que l'Europe soit le premier continent à imposer (à partir de 2023) le protectionnisme climatique (via le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pour les importations de produits à haute intensité de carbone, venus de pays aux normes environnementales moins strictes qu'en Europe), il avance aussi d'autres idées, comme une baisse de la TVA sur les produits de seconde main. Cette volonté « d'aligner la fiscalité sur la vertu », sera prochainement débattue dans le cadre de la planification écologique, a-t-il indiqué.

Et pas question, pour lui, de jeter le capitalisme avec l'eau du bain, même s'il faut, d'urgence, le réformer. Au point qu'il pourrait, en toute logique, puisque pour atteindre les objectifs de développement durable, il faut revisiter le fonctionnement de l'économie et des relations dans l'entreprise, cumuler la charge de ministre de la Transition écologique et celle de ministre de l'Économie et des Finances ? Il n'a pas voulu se prononcer !

Commentaires 4
à écrit le 15/12/2022 à 17:21
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Toujours cette vieille lune de changer le capitalisme qui évolue en s’adaptant. Et puis je ne sais pas si l’auteur de cet article a remarqué que sur la planète, nous étions loin d’être les seuls à décider…….

à écrit le 15/12/2022 à 16:12
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La "transition", c'est faire comme avant... donc le social n'a rien a voir ! Par contre, une "bifurcation" demande l'adaptation du social et la sortie de "la politique de l'offre" permanente !

à écrit le 15/12/2022 à 15:19
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Il n'y aura pas de transition écologique

le 15/12/2022 à 16:09
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Dommage pour vous car elle est déjà en route et pour s'en convaincre il suffit de jeter un regard seulement 10 ans en arrière pour s'en convaincre ou en avoir la preuve.

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