Croissance : la stratégie de Bercy est en train de payer

Par Fabien Piliu  |   |  820  mots
La reprise est-elle une réalité ? François Hollande l'espère.
Grâce à la hausse de 0,3% au troisième trimestre, l'objectif annuel de croissance sera légèrement dépassé. La prudence affichée par Bercy est récompensée. A moins d'un mois du premier tour des élections régionales, cette petite reprise de l'activité tombe à pic pour le gouvernement. Malheureusement, les créations d'emplois restent trop faibles pour réduire le chômage.

La prudence est mère de sûreté. Michel Sapin, le ministre des Finances le sait désormais. Après avoir, comme la plupart de ses prédécesseurs, d'ailleurs, fait preuve d'un optimisme forcené en matière de prévision de croissance, il a changé de stratégie. Et celle-ci semble payer. En anticipant une croissance de seulement 1% cette année, sur laquelle ont été bâtis les millésimes 2015 de la loi de finances et de la loi de financement de la Sécurité sociale, Michel Sapin a été prudent. A moins d'une panne de l'activité au quatrième trimestre, que les résultats de la plupart des enquêtes de conjoncture ne permettent pas d'envisager, l'objectif de Bercy sera atteint. Il sera même dépassé, le ministre des finances ayant d'ores et déjà annoncé que le PIB progresserait de 1,1% cette année.

Un objectif de croissance annuelle dépassé

Il sera dépassé car l'activité est légèrement repartie au troisième trimestre. Selon l'Insee, en effet, le PIB a augmenté de 0,3% au troisième trimestre, soit 0,1 point de plus que ce que l'institut de statistiques prévoyait. La consommation des ménages, en hausse de 0,3%, et l'investissement des entreprises, qui progresse de 0,7%, ont été les deux moteurs de l'activité.

L'investissement repart donc ? " Ce bon chiffre devra néanmoins être confirmé au fil des trimestres pour qu'une reprise solide s'enclenche. Et tout semble réuni pour y parvenir. Il y a d'abord l'analyse du cycle. La France vient de traverser sa plus longue phase de panne de l'investissement depuis l'après-guerre, signe que les entreprises ont prolongé à l'excès la durée de vie de leur matériel. Deuxième facteur, la facilité d'accès au financement. Les banques prêtent : les flux de crédits nouveaux accordés aux entreprises accélèrent dans un contexte de taux d'intérêt exceptionnellement bas. Enfin dernier facteur, l'activité s'est réveillée ce qui lève l'incertitude sur les débouchés ", explique Alexandre Mirlicourtois au cabinet Xerfi qui n'exclue pas une augmentation de 2% du PIB en 2016, en raison également de la reconstitution des stocks ! " C'est le premier étage de la fusée de la reprise, les entreprises stockent car elles anticipent une hausse à venir de leur activité, les carnets de commandes se remplissant peu à peu. C'est de bon augure car cela est le signe d'un certain optimisme ; optimisme que l'on retrouve dans le climat des affaires qui moyenne de long terme en octobre dernier", poursuit l"économiste.

Le commerce extérieur est toujours en panne.

Il ne reste plus qu'à espérer que le commerce extérieur retrouve des couleurs.  au troisième trimestre, il a pesé sur l'activité, retirant 0,7 point de PIB à la croissance ! En 2014, c'est 0,5 point de PIB que le commerce extérieur avait coûté à la croissance.

Au premier trimestre, le PIB avait fait un bond surprise de 0,7% avant de se stabiliser en avril et juin. Au quatrième trimestre, le PIB devrait augmenter de 0,4% selon les économistes de l'Insee.

" Nous sommes sortis de cette trop longue période de croissance extrêmement faible, extrêmement poussive, et nous sommes entrés dans une nouvelle phase ", a déclaré le ministre à l'AFP, estimant que cette augmentation de l'activité " présage, sans pour autant que ce soit une certitude, une croissance plus élevée pour l'année prochaine ". Le gouvernement table officiellement sur une hausse de 1,5% du PIB en 2016. La prudence reste donc de mise.

Un peu de croissance, peu d'emplois

Sur le front de l'emploi toutefois, parler d'embellie serait bien imprudent. Certes, le nombre de demandeurs d'emplois en catégorie A a reculé de 0,7% en septembre, 23.800 personnes sans aucune activité ayant quitté cette catégorie. Mais sur un an, c'est une augmentation de 3,1% que Pôle emploi observe.

Au total, le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A, B et C s'élevait en septembre à un peu plus de 5,7 millions de personnes en France métropolitaine et dans les Dom, un chiffre en hausse de 5,6% sur un an. Cette dégradation du marché de l'emploi s'explique assez facilement. Les créations d'emplois dans le secteur marchand restent insuffisantes pour faire face à l'augmentation de la population active qui, selon l'Insee, devrait augmenter de 120.000 personnes cette année. " Au troisième trimestre 2015, l'emploi continue d'augmenter dans les secteurs marchands non agricoles (+14.900, soit +0,1 %, après +23.800 au deuxième trimestre). Sur un an, il augmente de 49.200 (soit +0,3 %) ", indique également l'Insee vendredi.

Pour François Hollande, le président de la République, le pari de la croissance est presque gagné. Presque ? Il faudrait que l'augmentation de l'activité soit une tendance lourde. A moins d'un mois du premier tour des élections régionales, cette petite reprise de l'activité tombe à pic pour le gouvernement. En revanche, le pari d'inverser la courbe du chômage ne l'est pas. C'est probablement ce que les électeurs devraient retenir.