Les mesures réclamées par les "gilets jaunes" pourraient doper le pouvoir d'achat

Par Grégoire Normand  |   |  952  mots
Le mouvement des "gilets jaunes" a coûté 0,1% point de croissance à la France estime l'Insee. (Crédits : Reuters)
L'arsenal de mesures annoncé par Emmanuel Macron il y a quelques jours devrait accélérer la consommation des ménages au premier trimestre 2019 selon les dernières projections de l'Insee.

Alors que le mouvement des "gilets jaunes" tend à s'essouffler après plusieurs semaines de mobilisation, l'Insee, dans sa dernière note de conjoncture publiée mardi 18 décembre, a divisé par deux ses prévisions de croissance pour les trois derniers mois de l'année passant de 0,4% en octobre à 0,2%, portant la croissance annuelle à 1,5%. La morosité du climat des affaires, un environnement international peu porteur et une consommation en berne durant les semaines de mobilisation ont amené les statisticiens de l'organisme public à réviser à la baisse leurs projections pour ce dernier trimestre 2018.

Malgré une fin d'année plus difficile pour l'économie tricolore, la demande intérieure pourrait rebondir durant les trois premiers mois de l'année. Les mesures annoncées par Emmanuel Macron le 10 décembre dernier à la suite des revendications des "gilets jaunes" pourraient doper le pouvoir d'achat des Français selon les dernières estimations de l'Insee. Surtout que, selon les propos de Julien Pouget, chef du département de la conjoncture, "après une décennie, le pouvoir d'achat d'achat par unité de consommation n'a quasiment pas progressé au niveau global."

> Lire aussi : Smic, CSG, heures supp : une opération déminage à 10 milliards pour Macron

Un pouvoir d'achat boosté

L'élargissement et l'accélération de la revalorisation de la prime d'activité, la défiscalisation des heures supplémentaires, l'annulation de la hausse de la CSG pour une bonne partie des retraités auraient des effets non négligeables sur le porte-monnaie des Français. Dans leurs travaux, les économistes de l'Insee estiment que l'impact global "serait de 0,5 point de revenu disponible brut (, RDB, c'est-à-dire les revenus dont disposent les ménages après opérations de redistribution) durant le premier trimestre 2019." "Cet ordre de grandeur" reste soumis à beaucoup d'incertitudes comme le calendrier et les modalités de mise en oeuvre de tous ces dispositifs. La prime exceptionnelle de fin d'année annoncée par certaines entreprises pourrait venir soutenir le pouvoir d'achat des Français mais il est encore difficile à l'heure qu'il est de déterminer les conséquences précises des différentes annonces.

> Lire aussi : Gilet jaunes : le gouvernement demande aux entreprises de mettre la main à la pâte

Surtout, ces mesures s'ajoutent à d'autres déjà effectives. Julien Pouget rappelle à ce sujet que "avant même le durcissement du mouvement des 'gilets jaunes', on a vu dans cette enquête une dissonance très marquée au mois de novembre, entre une progression de pouvoir d'achat qui a eu lieu au niveau global au quatrième trimestre avec la baisse de la taxe d'habitation, la réduction des cotisations pour les salariés mais la confiance des ménages est ressortie en berne."

En tenant compte de l'évolution de l'inflation liée notamment à la stabilisation des prix de l'énergie et une baisse notable des prix du pétrole, le pouvoir d'achat du revenu disponible devrait accélérer durant les trois premiers mois de l'année puis ralentirait par contrecoup au second trimestre (0,2%). Au final, cette politique économique en faveur de la demande pourrait être favorable à l'activité française selon l'Insee.

"Le dynamisme enregistré en fin d'année 2018 couplé à l'effet de ces mesures conduirait à un acquis de croissance annuelle du pouvoir d'achat du RDB de +2,0 % à mi-2019, supérieur à la croissance du pouvoir d'achat prévue pour l'ensemble de l'année 2018."

En dépit des inquiétudes récentes du ministre de l'Economie Bruno Le Maire et de certains secteurs, la croissance du PIB pourrait ainsi rebondir dans les jours à venir si les mesures se mettent en place rapidement et si le niveau de confiance des Français est favorable. Au total, l'Insee estime que la consommation des ménages rebondirait au premier trimestre à 0,7%, ce qui constituerait un record depuis huit trimestres. Enfin, elle resterait "solide" au second trimestre à 0,5%, bien qu'elle ralentisse.

0,1 point de croissance en moins

Le mouvement de colère des dernières semaines a eu des répercussions sur certains secteurs de l'économie française. Pour l'industrie, les blocages d'accès routiers et de dépôts de pétrole ont pu entraîner "des retards de livraison et certaines entreprises peuvent pâtir de problèmes d'approvisionnement." Selon les prévisionnistes, ces blocages semblent à cette heure de moindre ampleur que les grèves de 1995, qui avaient pénalisé la croissance français de 0,2 point sur un trimestre.

Toutes ces mobilisations pourraient avoir des conséquences sur la consommation au niveau local. Si des dépenses peuvent être reportées pour certains biens, cet effet de report "est en général moindre pour les dépenses en services (en particulier dans l'hébergement-restauration, les loisirs, les transports) qui pourraient donc connaître des pertes sèches plus marquées." Par ailleurs, le tourisme pourrait également être touché même s'il est encore difficile d'avoir des chiffres précis. Au total, l'institut de statistiques évalue que la mobilisation des "gilets jaunes" pourrait ôter 0,1 point de croissance sur le dernier trimestre 2018. "Cette estimation est néanmoins soumise à beaucoup d'aléas, ne serait-ce que sur la durée du mouvement" rappellent les auteurs de la note.

> Lire aussi : "Gilets jaunes" : "Les pertes sont estimées à 1 milliard d'euros pour le commerce"

Une épargne en hausse

Les effets de ces mesures pourraient cependant être limitées si les Français préfèrent épargner. En effet, après avoir atteint 14,2% en 2017, le taux d'épargne pourrait s'établir à 14,7% en 2018 et "se maintiendrait un peu au-dessus de ce niveau au cours du premier semestre 2019 (15,2 % en acquis à mi-2019)." Par ailleurs, la mise en oeuvre du prélèvement à la source à partir du premier janvier 2019 pourrait avoir un effet "psychologique" sur les ménages.