Marlène Schiappa : « Il faut que les banques arrêtent de faire du green washing avec l'épargne des Français ! »

A l'occasion du Mois de l'Economie sociale et solidaire (ESS) et de la COP 27, qui se tient du 7 au 18 novembre 2022 à Charm el-Cheikh, en Égypte, avec une journée, celle du 9 novembre, consacrée à la finance, Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'Economie sociale et solidaire et de la Vie associative auprès de la Première Ministre, patronne un colloque sur la finance solidaire et responsable. Elle détaille pour La Tribune les enjeux, pour la France et le monde, d'une finance et d'une économie au service de la lutte contre le dérèglement climatique, de la solidarité et du pouvoir d'achat.
(Crédits : DR)

Quelle est, de votre point de vue, l'articulation idéale entre finance et lutte contre le dérèglement climatique ?

Certaines ONG accusent les banques d'être une « bombe climatique », au sens où elles financent encore des activités fortement émettrices de gaz à effet de serre. Mais rien n'empêche les institutions bancaires de se mettre au contraire au service de la lutte en faveur du climat ! Et certaines le font déjà. La place financière de Paris est d'ailleurs en avance en matière de verdissement par rapport aux autres pays. Ainsi, le Crédit coopératif et la Banque postale, entre autres, ont pris des engagements clairs pour sortir, d'ici 2030, des investissements néfastes au climat. Les citoyens, consommateurs et épargnants, l'exigent d'ailleurs de plus de plus...

En outre, les banques proposent désormais davantage de produits d'épargne allant dans ce sens, incluant l'assurance vie, dont certains sont labellisés finance solidaire. Ainsi, en 2022, l'éventail de ces produits a connu une augmentation de 26 %, ce qui équivaut à 24,5 milliards d'euros investis en épargne responsable et solidaire. Certes, c'est encore une toute petite partie des montants sous gestion, puisque l'épargne solidaire, par exemple, ne représente que 0,41 % de l'ensemble de l'épargne, mais plusieurs organisations - de Mirova, leader de la gestion solidaire, à Citizen Capital, un fonds d'investissement pionnier de l'impact investing en France, pour n'en citer que quelques unes - sont très actives. De même que Finance for Tomorrow, qui réunit acteurs privés, publics et institutionnels dans le but de faire de la finance verte et durable un élément moteur du développement de la Place de Paris.

Enfin, l'application Rift, lancée en octobre 2021 par Eva Sadoun, cofondatrice de la plateforme d'investissement participatif Lita.co, permet aux particuliers de voir de quoi sont véritablement composés leurs instruments financiers d'épargne et quels en sont les impacts environnementaux et sociaux. Cette appli, qu'on appelle souvent le Yuka de la finance, est très importante, puisqu'elle permet d'offrir la transparence et par là même, la confiance qui manque encore aux épargnants. A cet égard, il faut que les banques arrêtent de faire du green washing avec l'épargne des Français !

Du fait de l'impact du dérèglement climatique sur les populations, en particulier les plus défavorisées, en France et dans le monde, quel doit être, au-delà de la lutte, l'engagement de la finance aux côtés des acteurs de l'ESS ?

En effet, l'impact est particulièrement fort sur les populations des pays en développement, en raison de sécheresses et de rendements agricoles moins élevés, notamment. Et il se mesure aussi en France, puisque les ménages les plus défavorisés sont les plus touchés par la crise énergétique et la transformation nécessaire. Et il en va de leur pouvoir d'achat également. J'ai récemment rendu visite à la Banque alimentaire de la Marne, à Reims, avec la Première ministre, Elisabeth Borne, qui a annoncé la création d'un fonds d'aide alimentaire durable, de 60 millions d'euros en 2023. Il s'agit de privilégier la sobriété et la consommation durable. C'est vrai pour l'alimentaire, et de nombreuses familles y sont forcées, mais c'est vrai également pour une partie de la nouvelle génération, encline à préférer désormais des vêtements de seconde main, par exemple, plutôt que des marques ou des produits de la fast fashion.

Mais il s'agit aussi, avec ce fonds, de mettre en avant les initiatives de nombreuses coopératives agricoles, qui entrent dans le champ de l'Economie sociale et solidaire. Car l'ESS apporte des solutions dans ces domaines. Non seulement en matière d'innovations sociales et d'économie circulaire, mais aussi sous forme de créations d'emplois. Tout cela va dans le sens d'un meilleur pouvoir d'achat pour les Français. Pour l'heure, 10 % des emplois en France proviennent de l'ESS, par le biais des coopératives, des sociétés coopératives de production (Scop), des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC), des organisations mutualistes... Mieux encore, les études montrent que les Scop ont une durée de vie supérieure aux Sarl. Cette pérennité doit donner envie de davantage investir dans l'ESS. Et là encore, les banques doivent être à la manœuvre !

La France est perçue comme en pointe sur l'ESS, y-a-t-il réellement un modèle français ? Pourrait-il « essaimer » ailleurs ?

Oui, il y a bien un modèle français. Entre deux portefeuilles ministériels au sein du gouvernement, j'ai réfléchi à la création d'une entreprise à impact et je suis allée aux Etats-Unis présenter mon projet. Les investisseurs sur place avaient tendance à ne réfléchir qu'en termes de « lucratif » et de « non lucratif ». Et au-delà des entreprises certifiées B Corp, pour les sociétés commerciales répondant à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance et de transparence envers le public, il n'y a pas, là bas, de modèle intermédiaire comme celui, historique, chez nous, des Scop ou des SCIC, dont le but est de générer de l'activité sans s'obséder sur le profit, et lorsqu'il existe, de réinvestir les fonds au bénéfice de l'entreprise et de ses parties prenantes. Il est aussi intéressant de constater qu'en France, les structures de l'ESS apportent, depuis des années, des réponses aux questions qui sont devenues récemment de plus en plus prégnantes chez les citoyens et les salariés, comme le sens du travail et son impact, la gouvernance des entreprises, le partage de la valeur.

En outre, avec Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement, en charge de France 2030, nous avons l'ambition d'accélérer les investissements dans des projets d'avenir et dans l'innovation et cela inclut les structures de l'ESS, un peu partout sur le territoire. Enfin, je cherche, précisément, à faire reconnaître, par le biais d'une résolution de l'Onu, ce modèle français. Cela prendra quelques mois, évidemment, mais je suis accompagnée par de nombreux acteurs de la société civile, dont Pact for impact, une coalition internationale visant à faire reconnaître l'ESS comme acteur majeur du développement durable, et je compte aussi sur les pays de la francophonie pour nous y aider à l'Onu.

Propos recueillis par Irène Frat

Commentaires 3
à écrit le 10/11/2022 à 12:38
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Ce sont des fantoches comme elle qui écœurent les citoyens, les détournent de la politique ou les incitent à voter pour les extrêmes...

à écrit le 10/11/2022 à 8:29
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Elle va encore écrire un livre, que personne ne lira !

à écrit le 09/11/2022 à 19:27
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En fait les gens comme elle ne me font même plus rire de leur incompétence...comment peut-on raconter autant de conneries

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