Mobilisation contre la réforme des retraites : la CGT rêve de refaire 1995 !

Par latribune.fr  |   |  1849  mots
Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT (Crédits : Reuters)
Dans l'énergie, les transports, la fonction publique... les syndicats préparent la journée de mobilisation du 19 janvier en espérant qu'elle donne le départ d'une puissante mobilisation sur les retraites dans la durée. Philippe Martinez, le leader de la CGT, compte faire mieux qu'en 1995. Ce jeudi, les syndicats CGT de la branche pétrole ont appelé à plusieurs mouvements de grève les 19 et 26 janvier ainsi que le 6 février avec « si nécessaire, l'arrêt des installations de raffinage.» De son côté, Elisabeth Borne, à appelé à « ne pas pénaliser les Français »

Faire mieux qu'en 1995. Philippe Martinez en rêve pour la journée de mobilisation du 19 janvier contre le projet de réforme des retraites. Interviewé sur BFMTV mardi soir, le leader de la CGT a estimé que le mouvement contre le plan Juppé à l'époque, qui avait rassemblé jusqu'à entre un et deux millions de personnes le 12 décembre 1995, était « une bonne référence ». « On peut faire mieux même (...) le contexte est différent », a-t-il lancé, notant la « tension sociale » qui traverse le pays en raison de l'inflation. Pour autant, le secrétaire général de la CGT reconnaît que le « le monde du travail a changé » par rapport à 1995, avec davantage de précarité : « Faire grève quand on est précaire c'est très dur. Pas seulement parce qu'on perd du salaire, mais parce qu'on risque sa place ».

Mais au-delà de la journée du 19 janvier, Philippe Martinez espère un conflit aussi dur qu'en 1995, lequel avait été marqué par plusieurs semaines de grèves des fonctionnaires. Les trains et les métros avaient notamment été paralysés pendant plus de trois semaines, poussant le gouvernement à retirer les mesures de retraites pour les agents de l'Etat et des services publics de son plan de redressement de la Sécurité sociale.

De son côté, la Première ministre, Elisabeth Borne, à appelé ce jeudi les syndicats à « ne pas pénaliser les Français ». « Pour les syndicats, c'est un appel à la responsabilité », a dit la Première ministre en marge d'un déplacement à Disneyland Paris. « Il y a un droit de grève, il y a un droit à manifester », mais « c'est important aussi de ne pas pénaliser les Français », a-t-elle prévenu. « On peut faire grève mais il faut aussi être attentif au quotidien de nos concitoyens », a insisté la cheffe du gouvernement devant des journalistes. « On est dans une période qui peut être compliquée, avec de l'inquiétude notamment sur l'inflation. Trouvons des modes d'action qui ne pénalisent pas nos concitoyens », a poursuivi Elisabeth Borne.

Front syndical

Un message qui ne semble pas avoir été entendu. Faisant front uni pour la première fois depuis douze ans, les huit principaux syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU) prévoient une « puissante » mobilisation le 19 janvier, espérant qu'elle « donne le départ d'une puissante mobilisation sur les retraites dans la durée ». La manifestation aura en effet valeur de test : « Le 19 sera très déterminant comme entrée en matière. Si la mobilisation est très élevée, cela donnera confiance pour aller plus vite, plus fort », souligne auprès de l'AFP Simon Duteil, de Solidaires.

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De son côté, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT ne s'est pas risqué à faire des prévisions. « Ce que je sais, c'est que le mécontentement est extrêmement fort. Ce sentiment d'injustice est très profond aujourd'hui dans le monde du travail, et cette réforme est ressentie de manière très négative », a-t-il souligné sur France Inter mercredi. Pour autant, sous couvert d'anonymat, un responsable syndical se garde de tout triomphalisme : « On est un peu fébrile. On ne sait pas si ça va vraiment marcher. On n'arrive pas à sentir le terrain (...) La manifestation, ce n'est pas presse-bouton. On espère, ce n'est pas évident », admet-il. Selon les derniers sondages, une large majorité de Français est opposée au relèvement de l'âge légal. Des sources sécuritaires notent un climat social tendu, et craignent une large mobilisation. Une intersyndicale aura lieu dès le 19 au soir, au siège de Solidaires, pour décider des suites du mouvement, avec peut-être une nouvelle journée de mobilisation dès la semaine suivante.

« On peut avoir une deuxième journée très rapprochée pour ne pas casser la dynamique », dit Céline Verzeletti, secrétaire confédérale CGT. Si la mobilisation est plus difficile qu'en 1995, « on peut bloquer plus facilement l'économie » avec un petit nombre de grévistes, note-t-elle. La grève des raffineurs cet automne en a été l'illustration. Les employés des raffineries du groupe TotalEnergies et de son concurrent Esso-ExxonMobil seront à nouveau en grève le 19.

Blocage des raffineries ?

Mais le mouvement ne va pas s'arrêter là. Ce jeudi, les syndicats CGT de la branche pétrole ont en effet appelé à plusieurs mouvements de grève les 19 et 26 janvier ainsi que le 6 février avec « si nécessaire, l'arrêt des installations de raffinage », selon un communiqué diffusé par Eric Sellini, coordinateur national du syndicat pour TotalEnergies. L'appel entraînera des « baisses de débit » et « l'arrêt des expéditions ». Le 6 février, une « grève reconductible avec, si nécessaire, l'arrêt des installations de raffinage » sera « proposée aux salariés », indique la CGT.

Outre les raffineries, un conflit « dur » est de manière générale à prévoir dans tout le secteur de l'énergie, compte tenu de la suppression du régime spécial des électriciens et des gaziers, a prévenu de son côté Francis Casanova, délégué syndical central CGT chez le gestionnaire des lignes à très haute et haute tension RTE. « Je pense qu'on va rentrer dans un conflit dur, qui va durer, parce qu'on imagine bien que le gouvernement ne va pas céder en quelques jours », a indiqué Francis Casanova, délégué syndical central CGT chez le gestionnaire des lignes à très haute et haute tension RTE.

« Les modalités locales restent à définir, pour autant, le 19 janvier, l'appel est à être massivement dans la rue. Si les électriciens et gaziers sont massivement en grève et dans la rue, ça veut dire qu'ils ne sont pas sur les réseaux et sur les moyens de production, donc il y a forcément un effet sur le système », avec de possibles baisses de charge dans les centrales électriques, a indiqué Fabrice Coudour, secrétaire fédéral FNME-CGT, premier syndicat des industries électriques et gazières.

Au-delà du recul de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans d'ici à 2030, les salariés de l'énergie seraient particulièrement touchés par cette réforme si elle était menée à bien, compte tenu de la suppression annoncée de leur régime spécial de retraite qui prévoit un calcul plus avantageux de leurs pensions, sur les six derniers mois de salaire.

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« Clairement, le gouvernement a déclaré une guerre sociale aux salariés, dont les salariés des IEG (industries électriques et gazières). Donc, au sein d'EDF, avec l'intersyndicale, la CFE-Energie se prépare à mobiliser massivement le 19 janvier », a déclaré à l'AFP Amélie Henri, secrétaire nationale CFE-Unsa énergies pour EDF, deuxième syndicat du secteur. Outre cet appel à manifester le 19 janvier, elle prévoit d'ores et déjà ce jour-là un « appel à baisse de charges », soit des baisses de production des centrales électriques, qui visent à pénaliser EDF, mais sans occasionner de coupures.

Les syndicats de RATP et la SNCF appellent à une « grève puissante »

En pointe dans le conflit de l'hiver 2019-2020, lors de la précédente tentative de réformer les retraites, les syndicats de la RATP ont promis de « mettr(e) tout en œuvre pour s'opposer » à la réforme portée par Elisabeth Borne. Ce dernier décalerait de deux ans l'âge légal de la retraite, y compris pour les salariés au statut RATP qui peuvent partir en retraite anticipée. La modification de la durée de cotisation les concernerait également, dénonce l'intersyndicale. La clause dite du « grand-père » permet certes de ne pas toucher au calcul de la pension pour les salariés déjà en place affiliés aux régimes spéciaux. Pour ces derniers, ce sont les six derniers mois de salaire qui sont pris en compte et non les 25 meilleures années, comme dans le régime général. Mais les nouveaux entrants seraient affiliés au régime général.

D'autres fédérations appellent, elles aussi, à la mobilisation. FO-Transports et logistique, qui rassemble aussi bien les routiers que les ambulanciers, chauffeurs de car ou transporteurs de fonds, souhaite aller « au bout du possible dans ce combat ». La fédération veut lancer un mouvement « en illimité » à partir du 19 janvier pour préparer « la riposte massive et dure ».

A la SNCF, le message de l'intersyndicale composée de la CGT, l'Unsa, SUD et la CFDT est clair : « opposition totale au recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans accompagné d'une hausse de la durée de cotisation ». Les quatre organisations « sont prêtes à lancer la bataille nécessaire » et appellent dans un communiqué « à une grève puissante » dans le rail le 19 janvier, première date choisie pour une manifestation interprofessionnelle d'ampleur.

« La division et l'inaction n'ont pas leur place », ont insisté les quatre fédérations cheminotes qui appellent la direction de la SNCF à ne pas « être le relais de cette contre-réforme ».

Fonction publique : les syndicats prêts à étendre le mouvement

Même volonté d'en découdre dans la fonction publique. Dans un rare communiqué commun, les huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique (CGT, FO, CFDT, Unsa, FSU, Solidaires, CFE-CGC et FA-FP) « exigent du gouvernement le retrait de son projet de reporter l'âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans et d'augmenter la durée de cotisation ».

« Les améliorations évoquées des droits des agents et agentes par la mise en place d'une retraite progressive dans certains cas, la conservation des droits liés au service actif et désormais leur portabilité, ne peuvent en aucun cas compenser le recul de l'âge d'ouverture des droits à la retraite ou l'allongement de la durée de cotisation », affirment-elles.

Les syndicats dénoncent en particulier le fait que le décalage de deux ans de l'âge de départ en retraite s'appliquerait aussi aux agents « bénéficiant du service actif ou superactif », c'est-à-dire ceux qui exercent des métiers pénibles.

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« Au lieu de pouvoir choisir de partir à 52 ans ou à 57 ans, ils et elles seraient obligés de poursuivre leurs missions jusqu'à 54 ans ou jusqu'à 59 ans », déplorent les organisations syndicales.  En conséquence, l'intersyndicale appelle « tous les agents publics à se mobiliser » contre cette réforme « injuste et inutile » et « à s'inscrire massivement dans la première journée de grèves et de manifestations interprofessionnelles le 19 janvier ». Les syndicats de la fonction publique, unis par des revendications salariales en plus de leur opposition commune à la réforme des retraites, tentent par ailleurs de s'accorder sur une date pour une réunion intersyndicale qui pourrait présager de futures mobilisations, a appris l'AFP.

(Avec AFP)