Nicolas Hulot mobilise des personnalités autour de sa mission

Par Dominique Pialot  |   |  958  mots
Nicolas Hulot compte sur un groupe de personnalités pour l'aider à orchestrer sa mission. (Crédits : GONZALO FUENTES)
Le ministère de la Transition écologique et solidaire installe ce 30 mars le comité de l’accélérateur de la transition écologique, composé de 15 personnalités sous l’égide de Jean-Dominique Senard.

« Pas de rapport, surtout pas ! » s'exclame-t-on au cabinet de Nicolas Hulot, à propos des missions du comité AcTE (Accélération de la transition écologique) constitué ce 30 mars à l'initiative du ministère. C'est à Jean-Dominique Senard, qu'il revient de coordonner ce qui se veut un think tank plutôt qu'un comité institutionnel. « Nous allons travailler dans la durée, très différemment ce que nous venons de faire avec Nicole Notat - 200 auditions en deux mois pour élaborer le rapport qui leur avait été commandé dans le cadre du projet de loi PACTE, Ndlr. », explique à La Tribune le patron de Michelin.

Ce comité est né du projet de décliner le « Green new deal » cher au ministre, visant à faire marcher ensemble économie et écologie, voire à faire de la transition énergétique la mère de tous les relais de croissance.

"L'objectif est de construire le futur de l'économie  française et de le rendre désirable, parce que pour beaucoup de nos concitoyens, la transition écologique est abstraite, il faut qu'ils puissent en saisir les bénéfices", a déclaré Nicolas Hulot en installant le comité vendredi 30 mars dans l'après-midi.

« Il doit permettre un dialogue renforcé entre les acteurs publics et les acteurs économiques et financiers, les économistes mais aussi les spécialistes des questions d'emplois, de compétences et de formation professionnelle pour déboucher sur de nouveaux partenariats permettant d'amplifier la nécessaire transformation de l'économie française », détaillait le communiqué du ministère.

Le groupe dévoilé ce 30 mars se compose de 15 personnalités issues du monde de l'entreprise et de la finance, mais aussi un économiste et deux élus. Des représentants de grands groupes (Pierre-André de Chalendar pour Saint-Gobain) y côtoieront des fondateurs de startups telles qu'Olivier Hersent, dirigeant d'Actility (M2M) ou d'entreprises de l'économie sociale et solidaire (Wimoove, spécialiste de la mobilité durable) et des financiers (Jean-Laurent Bonnafé, qui préside BNP Paribas) ou Thierry Déau, fondateur du fonds d'infrastructures Meridiam, ainsi que des élus tels que le député vert européen luxembourgeois Claude Turmes. Patrick Oliva, ancien du groupe Michelin et  cofondateur de PPMC (Paris Process on Mobility and Climate), Marion Guillou, qui porte la vision du monde agricole ainsi que la fondatrice et directrice du cabinet de conseil en marketing et développement durable Ethicity, Elizabeth Pastore-Reiss, ou encore Laeticia Vasseur, fondatrice de l'association Halte à l'obsolescence programmée (HOP), phosphoreront également de concert. .

Du sens, du liant et des emplois

Pour l'économiste Alain Grandjean, qui en est également, il s'agit de « mettre du sens et d'apporter du liant » dans la multitude de programmes et autres feuilles de route engagés par le ministère sur les sujets de la transition écologique : loi de transition énergétique, plan climat, plan de rénovation énergétique, feuille de route de l'économie circulaire, groupes de travail lancés dans le cadre du plan de libération des énergies renouvelables, Assises de la mobilité, etc.

L'objectif du ministre, à travers ce comité, est en effet d'agréger l'ensemble de ces éléments, mais aussi de s'attaquer à des sujets transverses.

Ainsi Laurence Parisot, également membre du comité, est d'ores et déjà chargée d'une mission concernant les filières, les emplois et les enjeux de formation. Des sujets déjà explorés en son temps par Michèle Pappalardo, actuelle directrice de cabinet de Nicolas Hulot, lorsqu'elle dirigeait le Commissariat général au développement durable (CGDD).

Prospective et vision internationale

Le ministre, qui sera en contact direct avec les membres du comité, attend qu'ils le « challengent » sur les différents programmes, leur mise-en-œuvre et leurs résultats. Ces représentants du monde économique sont également attendus sur leur vision prospective (entre les feuilles de route à 5 ans et les objectifs à l'horizon 2050) et leurs retours d'expériences internationales, qui ne sont pas à proprement parler les points forts d'un ministère. On mise aussi sur ces personnalités qui rayonnent au-delà de leur fonction pour diffuser au sein de leurs réseaux une image dynamique et positive du nouveau monde qui se dessine, mais aussi pour porter le sujet auprès d'autres ministres, notamment à Bercy. Il leur est également demandé d'organiser trois séminaires par an afin de rendre ce nouveau monde séduisant et de plus en plus familier aux yeux du grand public.

Il s'agit aussi d'éviter de nouveaux fiascos comme sur le solaire ou la voiture électrique, sur lesquels la France a été pionnière mais figure aujourd'hui parmi les cancres de ces secteurs.

Blocages comptables et financiers

Outre les différents secteurs d'activités concernés (l'énergie n'étant considérée que « comme un support, qui ne représente que 2% de la valeur ajoutée française »), le comité a pour mission d'identifier des sujets transverses, notamment les « blocages d'ordre institutionnel, financier ou comptable » évoqués par Alain Grandjean (règles de comptabilisation du déficit budgétaire, normes comptables IFRS très court-termistes). L'économiste (déjà président du Comité des experts du débat national sur la transition énergétique en 2012/2013) entend bien porter sur le devant de la scène les sujets de finance durable, de collaborations public/privé, de mécanismes de financement, ainsi que le contexte européen de tous ces chantiers.

« Nous allons tenter d'articuler tous les thèmes de la transition écologique pour que l'économie française en tire le meilleur, annonce Jean-Dominique Senard. C'est là que naissent l'innovation et la technologie, je le vois tous les jours au sein de Michelin », conclut-il.

Ne reste plus qu'à miser sur l'entregent de ce beau monde pour convaincre au-delà du cercle des initiés et adeptes de longue date.