Présidentielle 2017 : cinq choses à savoir sur les affaires Le Pen

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  1171  mots
Dans une interview au journal La Provence dimanche, Marine Le Pen a de nouveau dénoncé une "instrumentalisation de la justice" mise en oeuvre, selon elle, pour casser la dynamique du Front national.
La campagne de la candidate frontiste est, comme son rival François Fillon, émaillée d'affaires judiciaires. Emplois fictifs au Parlement européen, dépassement des comptes de campagne sur fond de surfacturations à la Bygmalion, voici en cinq points l'essentiel à retenir de ces affaires en cours.

François Fillon n'est pas le seul à voir sa campagne perturbée par des affaires judiciaires. Le Front national (FN) est également soupçonné de délits dans une série d'affaires : des emplois fictifs d'assistants d'eurodéputés frontistes, aux surfacturations de la société d'événementiel Riwal.

A la différence du candidat des Républicains, Marine Le Pen ne semble pas touchée par ces procédures et demeure en tête des intentions de vote, autour de 27% au premier tour selon les sondages. Reste que ces affaires sont du même acabit que celles de la droite, alors même que le FN ne cesse pourtant de critiquer le manque de probité de ses concurrents.

■ L'affaire des assistants parlementaires européens : de quoi s'agit-il ?

L'affaire débute en 2014. Le gendarme anti-fraude européen l'Olaf reçoit un courrier anonyme accusant le Front national d'employer des assistants parlementaires qui travailleraient en réalité pour le compte du parti et non des députés.

L'année suivante, le président du Parlement européen l'Allemand Martin Schultz (SPD) saisit le parquet de Paris et l'Olaf après avoir découvert que 20 assistants d'eurodéputés frontistes figurent sur l'organigramme du parti.

Confiée à des juges d'instruction, l'affaire a resurgi dans l'actualité en début de semaine passée avec la perquisition du siège du FN à Nanterre. Puis le placement en garde à vue de Catherine Griset et Thierry Légier mercredi. La première est la chef de cabinet de Marine Le Pen, elle a été mise en examen pour recel d'abus de confiance à la sortie de sa garde à vue. Le second est le garde du corps de la présidente du FN, il a été relâché sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui à ce stade.

> Lire aussi : Marine Le Pen nie avoir reconnu des emplois fictifs d'assistants au Parlement européen

■ Convoquée par la police, Marine Le Pen refuse de se présenter

Marine Le Pen avait jusqu'au 31 janvier pour rembourser au Parlement européen les salaires de ses assistants, soit près de 300.000 euros. La présidente du FN a refusé de s'y soumettre. Désormais, elle fait l'objet d'une procédure de recouvrement et à des retenues sur salaire depuis mi-février par Strasbourg.

Le jour de la mise en garde à vue de Catherine Griset et de Thierry Légier, la présidente du FN était convoquée par la police pour une audition libre. Là aussi, elle a refusé de se soumettre à la procédure. Son avocat Me Rodolphe Bosselut fustige la "précipitation" présumée des enquêteurs :

"Elle considère que le risque, c'est l'instrumentalisation de la justice durant la campagne électorale." (...) "Elle se rendra à toute convocation après les élections", a assuré Me Bosselut, refusant de préciser s'il parlait des élections présidentielle ou législatives.

■ Riwal : le Bygmalion du Front national

À l'image des surfacturations de meetings de l'UMP par la société Bygmalion, le Front national a lui aussi son affaire avec une société d'événementiel : Riwal.

Dirigée par Frédéric Chatillon, proche de Marine Le Pen et ancien président du GUD (un groupe étudiant d'extrême droite), la société est soupçonnée d'être au cœur d'un montage consistant à surfacturer des prestations pour la campagne présidentielle de 2012 à travers le micro-parti Jeanne, ce au détriment de l'Etat chargé de rembourser les frais de campagne. Riwal, le Front national et deux de ses dirigeants - le trésorier Wallerand de Saint-Just et le vice-président Jean-François Jalkh - sont renvoyés en correctionnel dans cette affaire.

Ce n'est pas tout. Frédéric Chatillon a été mis en examen pour abus de biens sociaux dans une enquête sur le financement des campagnes frontistes de 2014 et 2015, selon les informations du journal Le Monde publiées samedi. L'information judiciaire avait été ouverte par le parquet de Paris en octobre.

■ Une nouvelle affaire d'emploi fictif sur fond de financement détourné de campagne électorale

A la suite de ces affaires, Mediapart et Marianne ont fait de nouvelles révélations dimanche sur les pratiques du parti frontiste. Gaël Nofri, un ancien conseiller de Marine Le Pen pour la campagne présidentielle de 2012, affirme avoir reçu, à la fin de la campagne, des fiches de paie du Parlement européen le présentant comme assistant de Jean-Marie Le Pen. Or, "je n'ai évidemment jamais été au Parlement européen", assure-t-il à Mediapart. "Et d'ailleurs, je n'ai jamais signé de contrat en ce sens."

Gaël Nofri fait une hypothèse à Mediapart : "À la fin de la campagne, ils se sont peut-être rendus compte qu'ils avaient dépassé les plafonds [des dépenses de campagne remboursées par l'État - ndlr]. Ils ont essayé de me balancer sur le Parlement européen."

Du côté de Jean-Marie Le Pen, on assure que Gaël Nofri a produit des notes sur des enjeux au niveau de la circonscription du député et de l'Europe. Reste qu'en se présentant à Pôle emploi après la présidentielle, Gaël Nofri apprend qu'il ne peut pas bénéficier de ses droits au chômage car les cotisations sociales n'ont pas été versées par le parti. C'est alors que Nicolas Crochet, expert-comptable attiré du FN et vieil ami de Marine Le Pen, lui aurait fait signé un contrat dans son cabinet Ambroise Audit. Si ces accusations sont confirmées, il s'agit alors d'un emploi fictif. Aujourd'hui Gaël Nofri est membre du parti Les Républicains.

■ La défense de Marine Le Pen dimanche

Dans une interview au journal La Provence dimanche, Marine Le Pen a de nouveau dénoncé une "instrumentalisation de la justice" mise en oeuvre, selon elle, pour casser la dynamique du Front national. La candidate à la présidentielle dénonçait notamment la sortie du Premier ministre, Bernard Cazeneuve ayant estimé qu'elle se plaçait au-dessus des lois en refusant la convocation de la police dans l'affaire des assistants parlementaires européens.

"Le parquet instruit cette affaire depuis deux ans. Pourquoi une telle agitation au moment où je connais une dynamique électorale ? Pourquoi pas avant ? Pourquoi pas après les élections", s'est interrogé Marine Le Pen.

En meeting à Nantes dimanche, Marine Le Pen a fustigé le travail des médias et promis de mettre en place un Etat "neutre et impartial" si elle venait à accéder au pouvoir, avec des fonctionnaires "soumis à un strict devoir de réserve dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions". Visant implicitement les juges, la présidente du FN a promis de "revoir [leur] formation" une fois élue à l'Elysée.

"La formation des magistrats sera revue, car nous ne pouvons plus supporter le laxisme qui prévaut dans la magistrature aujourd'hui."

"La justice est une autorité, pas un pouvoir ; les magistrats sont là pour appliquer la loi, pas pour l'inventer ou contrecarrer la volonté du peuple."

(avec Reuters)