Fiscalité : qui a le plus souffert depuis 2011 ?

Par Fabien Piliu  |   |  938  mots
Depuis 2011, les ménages et les particuliers ont vu leur "facture" fiscale augmenter de 67,6 milliards d'euros selon COE-Rexecode
Les ménages et les entreprises ont vu la pression fiscale augmenter de 67,6 milliards d'euros depuis 2011, selon l'institut COE-Rexecode. Et ce sont les ménages qui ont été les plus touchés. Manuel Valls a plaidé coupable.

En 2016, les ménages les plus modestes bénéficieront d'un allègement fiscal de 2 milliards d'euros, comme le prévoit le projet de loi de finances (PLF) actuellement débattu à l'Assemblée nationale. Les entreprises n'ont pas été oubliées par le gouvernement. Elles bénéficieront d'une montée en puissance du pacte de responsabilité entrée en vigueur le 1er janvier 2015, concrétisée par un allégement de 6,5 milliards d'euros des cotisations patronales.

Ces allégements de la fiscalité sont-ils assez importants pour effacer les augmentations récentes ? Une étude réalisée et publiée par l'institut COE-Rexecode recense l'impact financier des nouvelles mesures fiscales intégrées aux loi de finances depuis 2011.

Cumulées année après année, depuis 2011, les nouvelles mesures fiscales intégrées aux PLF et aux projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) ont rapporté 67,6 milliards d'euros à l'Etat, un chiffre en légère baisse par rapport à 2015, année au cours de laquelle le produit cumulé de ces mesures s'élevait à 70 milliards d'euros.

Avec les ménages, les gouvernements ont eu la main lourde

Les ménages, dont on entend bien moins les récriminations que les organisations patronales, ont payé le plus lourd tribu à cette augmentation de la fiscalité. De 2011 à 2016, les mesures nouvelles décidées par l'exécutif et votées par le Parlement leur ont coûté au total 58 milliards d'euros. A titre de comparaison, les entreprises ont vu leur « facture fiscale » augmenter de "seulement" 9,6 milliards d'euros, facture allégée depuis le 1er janvier 2014 par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et, on l'a vu, le lancement du pacte de responsabilité.

Pour les ménages, le principe de la double peine s'applique. Même si le " choc fiscal " imposé aux entreprises est sans commune mesure avec celui qu'ils ont subi, il vient néanmoins plomber une compétitivité-prix déjà largement inférieure à celle affichée par les entreprises allemandes, leurs principales concurrentes, déjà fortes d'une compétitivité hors-prix imbattable en Europe. Lancée dans la première moitié des années 2000, la politique de désinflation compétitive menée outre-Rhin a permis à l'Allemagne d'afficher un coût du travail inférieur à celui de la France dès 2004.

Pressions à la baisse sur les salaires

Dans ce contexte, même si les salaires ont continué à progresser sur la période, leur augmentation n'a quasiment jamais dépassé celle de l'inflation depuis 2011, les entreprises ayant vu leur taux de marge chuter. Par ailleurs, la forte augmentation du chômage est venue limiter la faible inflation salariale. Il est en difficile de négocier une augmentation de salaire quand l'entreprise souffre et que les candidatures spontanées s'empilent sur le bureau du directeur des ressources humaines...

Il n'y a pas que le montant total des nouveaux impôts et taxes qui pourrait choquer. Cet alourdissement de la fiscalité témoigne du fait que la simplification administrative est encore un vœu pieux dans le domaine fiscal. Les 9,6 milliards d'euros d'impôt supplémentaires que les entreprises ont dû acquitter depuis 2011 sont le résultat de mesures nouvelles.

Alors que les entreprises et les investisseurs étrangers citent régulièrement dans les enquêtes d'opinion l'instabilité fiscale comme un des principaux freins à leur développement, les gouvernements qui se succèdent n'en ont cure. Certes, un secrétariat d'Etat à la réforme de l'Etat et à la Simplification placé sous la tutelle de Matignon a bien été créé en 2013. Mais ces efforts se concentrent essentiellement sur les règlements et les normes. Dans le domaine fiscal, l'essentiel est encore à faire.

La chasse aux petites taxes est fermée

Au printemps 2014, les chefs d'entreprises avaient quelques motifs d'espoir après la publication du rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) sur les petites taxes. Selon ce rapport commandé par Bernard Cazeneuve alors ministre des Finances, 192 taxes au rendement inférieur à 150 millions d'euros par an coexistaient. L'IGF préconisait d'en supprimer entre 90 et 120. Plein de volonté, Bernard Cazeneuve avait annoncé en mars lors des Assises de la fiscalité qu'il prendrait ce chantier à bras le corps mais il semble qu'il ait emporté de dossier avec lui lors son transfert réalisé au ministère de l'Intérieur à l'été 2014.

Depuis l'arrivée de Michel Sapin à Bercy, la chasse aux petites taxes, qui rapportent plus de 5 milliards d'euros par an à l'Etat, est abandonné. Seule une petite dizaine de taxes ont en effet été supprimées.

Le mea culpa de Manuel Valls

Vendredi, lors d'un débat organisé par le Club de l'économie du quotidien Le Monde, Manuel Valls a présenté des statistiques différentes de celles présentées COE-Rexecode. Il a surtout plaidé coupable. " Il y a eu une augmentation de la fiscalité au cours de ces dernières années - je ne parle pas uniquement depuis 2012 - pour les entreprises comme pour les ménages, à peu près équivalents, 20 milliards entre 2010 et 2012, un peu plus de 20 milliards entre 2012 et 2014 qui a, je crois, créé une forme de rupture entre les Français et l'impôt ", a déclaré le Premier ministre. " Je pense que ce choix a pesé lourdement sur l'activité économique [...] et ça a été un choc fiscal pour les gens, ce qui explique beaucoup de la rupture entre cet exécutif et d'une manière générale les responsables politiques et les Français ", a-t-il ajouté. Interrogé pour savoir s'il le referait de la même manière, le Premier ministre a répondu : " Ah non, bien évidemment ".