Réchauffement climatique : les Français veulent une ville plus verte…si les efforts sont plus justes

Par Philippe Mabille  |   |  1530  mots
(Crédits : iStock)
SONDAGE. A l'occasion de sa tournée sur les villes zéro carbone, La Tribune publie les résultats d'un sondage IFOP qui montre des Français très inquiets face à la perspective d'un réchauffement climatique de 4°C, mais déterminés à faire des efforts à condition que ceux-ci soient justement répartis.

Dans un sondage publié en ouverture de sa tournée sur les Villes Zéro Carbone, qui commence ce mardi 4 juillet à Bordeaux, La Tribune a voulu mesurer l'état de l'opinion à l'égard du changement climatique et des solutions à y apporter. Pas de surprise, confirme Frédéric Dabi, de l'IFOP, qui a réalisé cette enquête, le degré d'inquiétude est maximum, avec 82% des Français inquiets dont 26% très inquiets. Une anxiété climatique qui se retrouve quelles que soient les générations ou les opinions politiques désormais, mais qui frappe surtout les 18-24 ans, deux à trois fois plus inquiets que leurs parents.

L'Etat demande trop aux pauvres

Alors que l'été 2022 a été marqué par des incendies géants et plusieurs épisodes de canicule, faisant de l'an dernier la plus chaude jamais enregistrée, selon Météo France, les Français considèrent même comme crédible le scénario évoqué par Christophe Béchu, le ministre de l'environnement, d'une hausse de 4°C des températures d'ici à la fin du siècle. 79% jugent cela probable et 73% estiment que cela va forcer les pouvoirs publics à accélérer la transition énergétique. 86% pensent que le réchauffement s'accélère tandis que, dans l'action à mener, 74% jugent que les efforts pour lutter contre sont trop inéquitablement répartis entre les Français les plus riches et les plus modestes : selon les sondés, l'Etat demande trop aux plus pauvres, souvenir sans aucun doute de la crise des Gilets Jaunes et de la polémique sur le relèvement par Emmanuel Macron de la taxe carbone en 2018. Pour autant, souligne Frédéric Dabi, l'opposition « fin du monde contre fin du mois », mise en avant à l'époque par le président de la République pour sortir de la crise, n'est pas validée par les Français dans notre sondage. A 55%, ils estiment que l'amélioration du pouvoir d'achat et la transition écologique sont des objectifs compatibles, même s'ils sont, ce qui est logique, plus nombreux (28%) à penser qu'il faut d'abord privilégier le pouvoir d'achat.

Décarbonation de l'industrie

Quand on regarde le panel des solutions à mettre en œuvre, les mesures prioritaires s'inscrivent dans la droite ligne de la planification écologique engagée par le gouvernement d'Elisabeth Borne. Les actions à mettre en œuvre sont, dans l'ordre, l'accélération de la décarbonation de l'industrie, la rénovation thermique des bâtiments, le développement de davantage d'espaces verts. Vient ensuite en quatrième position la limitation du transport aérien, puis le développement du bio, en perte de vitesse avec l'inflation, et enfin la fin des véhicules thermiques et le remplacement par l'électrique, encore lointain même si la date de 2035 correspondant à la fin des ventes de voitures neuves à moteur thermique, commence à entrer dans les esprits.

Végétalisation des villes

Par conséquent, souligne Frédéric Dabi, l'anxiété climatique ne sombre pas dans un fatalisme paralysant. Bien au contraire, et les villes apparaissent en première ligne puisque les Français reconnaissent que des mesures coercitives sur le logement et les transports peuvent être efficaces pour sinon empêcher du moins atténuer la gravité du changement climatique. Dans l'ordre, les Français plébiscitent la végétalisation des villes et bâtiments publics, le développement du rail pour le transports des passagers comme des marchandises, la réduction massive du recours aux pesticides et aux engrais chimiques et les aides type Ma Prim Renov' pour accompagner les ménages précaires dans l'isolation de leurs logements. 78% des Français sont d'accord avec l'interdiction de l'avion quand il existe une alternative plus rapide en train ou pour doubler le parc d'énergies renouvelables d'ici 2030.

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En revanche, à part pour l'avion sur les lignes intérieures, l'écologie punitive est condamnée par des Français qui se refusent à des mesures trop dirigistes : seuls 57% sont d'accord avec une réglementation qui obligerait à rénover un logement avant une vente, à l'exemple de l'impact des DPE (diagnostics de performance énergétique). Un peu plus d'un Français sur deux (53%) accepte l'idée de limiter l'accès aux villes aux véhicules les plus polluants, comme le montre la difficile acceptation des ZFEm dans de nombreuses métropoles comme Bordeaux, mais aussi le Grand Paris, Lyon ou Aix-Marseille. La crainte d'une révolte des Gilets Jaunes-bis demeure en attendant des aides conséquentes à l'achat d'une voiture électrique comme le projet de leasing à 100 euros promis par Emmanuel Macron dans sa campagne. Même rejet, encore plus important, sur l'interdiction de la vente de véhicules thermique à partir de 2035 qui ne convainc que 35% des Français. L'interdiction des chaudières à gaz, envisagée à petits pas par la cheffe du gouvernement, inquiète aussi les Français, qui s'y opposent à 56% selon notre enquête IFOP.

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S'il y a une vision assez claire et mature des actions à mener, il reste donc encore beaucoup à faire pour lutter contre le réchauffement par des mesures trop coercitives et dont le coût pour chaque foyer apparaît exorbitant pour un bénéfice climatique qui ne les convainc pas. Pour autant, les Français semblent aussi avoir bien compris que la lutte contre le dérèglement climatique est systémique et concerne l'ensemble des acteurs à part égale. Grandes entreprises, Etat, régions, département, grandes métropoles, citoyens et même en dernier l'Union européenne, tous ont une capacité et donc une légitimité à agir pour faire avancer les choses.

Finalement, les Français ont bien compris que la décennie qui vient s'annonce décisive et que leur vie quotidienne sera impactée dans tous les domaines, notamment leur mobilité. Parmi les « efforts » d'amélioration qu'ils ont bien intégrés figurent le tri des déchets (89%), la baisse de quelques degré du chauffage par mesure de sobriété comme l'hiver dernier (82%), l'utilisation accrue des transports en commun, du vélo, et de la marche (76%), l''approvisionnement en énergies renouvelables (75%), le fait de manger moins de viande qui convainc 66% des Français, la pratique du covoiturage (61%), un bon signe alors que se prépare avec les JO l'instauration d'une voie dédiée sur le périphérique parisien.

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58% favorables aux ZFE

S'agissant des mobilités, justement, 70% pensent qu'en ville, il y aura moins de voiture en 2030 et plus de places pour les autres mobilités douces, avec, pour 68%, plus de vélos. 48% croient en l'arrivée des voitures (taxis ?) autonome à l'horizon de la fin de la décennie. 57% pensent que dès 2030 les voitures thermiques seront interdites en ville, mais seulement 27% estiment que ce sera le cas partout en France... 58% des Français se disent par ailleurs favorables à l'instauration de zones à faibles émission, dont 65% des moins de 35 ans, mais le sujet divise les habitants des périphéries et des zones rurales, qui n'ont pas d'autre choix que la voiture. Du coup, seuls 38% des répondants pensent que les ZFE sont des mesures réalistes et 6 Français sur dix craignent que cela limite les possibilités de déplacement, notamment pour les catégories populaires.

Se baigner dans la Seine ?

Autre sujet focus lié à la ville zéro carbone, 47% des Français envisagent de réaliser des travaux de rénovation énergétique au sein de leur logement. Mais 45% estiment que le dispositif MaPrimRénov' est insuffisant en termes de montant, ce qui reste un frein pour réaliser une rénovation globale dans les 5 millions de passoires thermiques françaises. Enfin, comme vu précédemment, l'interdiction des chaudières à gaz reste un sujet clivant avec 52% de Français favorables, mais 48% opposés, sachant que 11 millions de logements en sont équipés. La décision politique est donc particulièrement scrutée tant par les ménages concernés que par les lobbies du gaz et de l'artisanat, qui tentent de convaincre que c'est le gaz qu'il faut changer en le rendant « vert »  et que les chaudières à gaz modernes ont une bien meilleure efficacité énergétique pour un coût moindre à une pompe à chaleur (qui pose aussi la question du risque de black-out électrique face à la multiplication des usages)...

Pour terminer, nous avons demandé aux Français s'ils croyaient à la possibilité de se baigner dans une Seine rendue propre à partir de 2025, un héritage des JO de Paris 2024 qui permettrait aux Parisiennes et aux-Parisiens et aux touristes de se rafraîchir l'été dans des piscines dans le fleuve de la capitale : seuls 33% des Français interrogés jugent crédible cette promesse de la maire de Paris, Anne Hidalgo. Et 32% des Franciliens. Il ne reste plus qu'à les démentir, car quel meilleur moyen de faire la publicité de Paris Plage et de résister à un Paris à 50°C ! A suivre...

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