Emmanuel Macron a souvent répété qu'il faudra travailler plus. Et travailler plus longtemps. Mais jusqu'alors, il n'avait jamais été jusqu'à proposer de porter le départ à la retraite à 65 ans .. contre 62 ans aujourd'hui pour les salariés du privé. C'est désormais chose faite, comme l'a confirmé, ce jeudi matin 10 mars, sur BFM, Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, dont on sait la proximité avec le chef de l'Etat. Ce décalage vers les 65 ans ne se fera pas du jour au lendemain, mais progressivement, sur dix ans ... à horizon 2032. Le calendrier de la réforme Touraine s'accélérera. S'il est réélu, Emmanuel Macron reviendra à une réforme plus classique : exit l'âge pivot, oublié le système universel pour tous, par points, qui s'apparentait à une usine à gaz ... Il gardera trois grands régimes, un pour les salariés du privé, un pour les indépendants, et un pour les fonctionnaires ... Et il décalera classiquement, l'âge légal de départ à 65 ans. Soit trois ans de plus.
... Reporter l'âge est ce qui rapporte le plus au niveau budgétaire
Selon plusieurs sources, le candidat a beaucoup hésité, ces derniers jours, entre 64 et 65 ans. Mais, selon son entourage, s'il a finalement tranché pour un âge de départ à 65 ans, c'est parce que la situation économique l'impose. La pandémie a creusé les comptes du régime . Avec plus de 17 millions de retraités, la branche retraite est déficitaire : il manque 10 milliards d'euros par an dans les caisses, jusqu'en 2030, selon les dernières analyses du COR, le conseil d'orientation des retraites. Les retraites restent le premier poste de dépense de l'Etat, qui y consacre près de 14 % du PIB.
La guerre en Ukraine risque de plomber le budget
Et puis, surtout, la guerre en Ukraine promet de compliquer encore l'équation. Dans son allocution, la semaine dernière, le chef de l'Etat a d'ailleurs annoncé qu'elle ralentirait la croissance. Elle entraînera de nouvelles dépenses. Et si la hausse des prix s'installe et s'envole, - par exemple à 5 % - il faudra financer les pensions, qui sont indexées sur l'inflation. D'où la nécessité de retrouver des marges de manœuvre rapidement.
Or, selon le Cor, décaler de deux ans l'âge de départ suffit à peine à équilibrer les comptes. Car un décalage de deux ans permet en théorie d'engranger 14 milliards d'euros. Pour maintenir le niveau des pensions des retraités mais aussi financer des contreparties, il n'y a pas d'autre choix, estime l'entourage d'Emmanuel Macron, que de pousser un cran en dessus et porter l'âge de départ à 65 ans.
Des contreparties pour faire passer la réforme
Emmanuel Macron sait combien ce dossier est sensible. Il l'a d'ailleurs mesuré en 2019, se heurtant à un long conflit, qui s'est finalement soldé par l'abandon de sa réforme.
Il a conscience qu'il faudra, pour faire passer la pilule, en échange, présenter des compensations. Ainsi, a t il prévu de mieux prendre en compte l'usure que génère les postes difficiles. Il a aussi promis une retraite minimum de 1.000 euros mensuels pour une carrière complète... il pourrait même aller jusqu'à 1.100 euros par mois.
Politiquement, une façon de couper l'herbe sous le pied des concurrents
A droite, la candidate des Républicains, Valérie Pécresse fixe elle aussi un départ à 65 ans d'ici 2030.... Eric Zemmour est également sur cette ligne. De quoi leur faire un pied de nez et inciter les électeurs de droite, traditionnellement favorables à une réforme, à le rejoindre. Et si Edouard Philippe, l'ancien premier ministre du chef de l'Etat fait aujourd'hui campagne à ses côtés, il a aussi milité pour 65 ans, voire même 67 ans.
Enfin, cette proposition de campagne est aussi l'occasion pour Emmanuel Macron de marquer sa différence avec la gauche.... Anne Hidalgo au PS, et Yannick Jadot proposent, eux, de maintenir l'âge de départ de départ à 62 ans, quand Jean-Luc Mélenchon prône plutôt un retour à 60 ans.
Un signal aussi pour nos voisins européens
Enfin, à l'heure où l'Europe cherche à tout prix à montrer son unité à Vladimir Poutine, mais aussi aux Américains ou aux Chinois, Emmanuel Macron sait que c'est un marqueur important pour nos voisins.
Les Allemands comme les Espagnols ou les Italiens ont décalé l'âge de départ à la retraite pour renflouer les caisses des régimes. Avec son curseur à 62 ans, la France fait figure d'exception.
Alors qu'Emmanuel Macron assure la présidence française du conseil de l'Union européenne, il entend porter une harmonisation y compris sur ce sujet très sensible.
Les syndicats ont immédiatement réagi à cette annonce... Force ouvrière comme la CGT ont d'ores et déjà promis de s'opposer vigoureusement à cette réforme, si Emmanuel Macron était réélu.