Taxation des Gafa : le projet de Bruno Le Maire réveille les « Pigeons »

Par Philippe Mabille  |   |  670  mots
Le projet de taxation des géants du numérique ("Gafa") risque de nuire aux intérêts d'entreprises françaises, ont mis en garde vendredi deux fédérations d'entreprises du numérique, France Digitale et Tech in France.

Le mouvement des « Pigeons », né en 2012 au sein de la scène tech française contre les hausses de l'imposition des plus-values de François Hollande, est en train de se rappeler au bon souvenir du gouvernement, cette fois pour s'inquiéter du projet de taxation des entreprises de "services numériques" dépassant les seuils de 750 millions d'euros dans le monde et 25 millions en France. Pour France Digitale, qui revendique 1.200 start-up adhérentes, le projet de taxe sur le chiffre d'affaires "envoie un très mauvais signal à tous les acteurs de l'économie numérique", dans laquelle le gouvernement place pourtant de grands espoirs. Le nouvel impôt risque notamment de provoquer une "taxation multiple du même chiffre d'affaires", estime France Digitale dans un communiqué publié vendredi.

L'organisation craint également une "répercussion" de la taxe par les géants du numérique sur des acteurs locaux comme les annonceurs, les places de marché ou les applications. Au final, le projet du gouvernement risque d'aboutir à une baisse de la valeur des start-up françaises, néfaste pour les investisseurs qui ont misé sur elles, selon France Digitale qui compte également parmi ses membres des fonds de capital-risque investissant dans les start-up. L'un d'entre eux, Jean-David Chamboredon, fondateur et président du fonds Isai, était en 2012 le porte-parole le plus connu du mouvement des Pigeons (voir illustration). Il est aujourd'hui le co-président de France Digitale avec Frédéric Mazzella, le fondateur de BlaBlaCar.

Une loi temporaire en attendant le BEPS

Tech in France, qui affiche de son côté 400 adhérents de la start-up aux grands groupes -y compris des grandes plates-formes américaines- insiste surtout pour que la loi indique clairement que la taxation prendra fin lorsqu'un accord aura été trouvé au sein de l'OCDE sur la taxation des géants du numérique. "Nous comprenons bien que face à la pression sociale et de l'opinion publique, le gouvernement était obligé de réagir", a déclaré à l'AFP Loïc Rivière, le délégué général de Tech in France. "Pour autant, cette taxe comporte de nombreuses imperfections touchant les acteurs français concurrents des plates-formes qui sont visées", a-t-il affirmé. "Il nous paraîtrait raisonnable et rassurant" pour l'écosystème tech français "de mettre une clause" stipulant que la taxation prendra fin lorsqu'un accord aura été trouvé à l'OCDE sur la taxation des géants du numérique, a-t-il dit. Interrogé par La Tribune, cette semaine, le ministre de l'économie et des finances a assuré que le projet de taxation du chiffre d'affaires des entreprises du numérique sera remplacé par le dispositif prévu par l'OCDE, dés lors que celui-ci sera effectivement en place. Dans cette attente, Bruno Le Maire veut que la France passe à l'action pour mettre fin à une situation d'inéquité qui conduit à un différentiel de 14 points de taux d'imposition entre une entreprise payant ses impôts en France et les géants du numérique.

Au rythme des négociations et grâce au changement d'attitude des Etats-Unis, désormais favorables à un accord dans le cadre du Projet sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), l'horizon pourrait se dégager en 2020. Ce phénomène désigne les stratégies fiscales employées par les entreprises multinationales pour déplacer leurs bénéfices des lieux d'activité économique et de création de valeur vers des territoires à la fiscalité faible ou nulle.

Les craintes affichées par le milieu de la tech concernent plus l'ensemble du secteur que telle ou telle entreprise française, celles-ci étant très peu nombreuses, moins d'une poignée, à remplir les critères en l'état actuel du projet. Selon les indications données par le gouvernement, la taxation viserait le chiffre d'affaires des entreprises dans la publicité ciblée, dans la revente des données liées à la publicité ciblée, et dans l'intermédiation (activité de place de marché).