Victoire en Coupe du monde : un impact dérisoire sur le PIB

Par Grégoire Normand  |   |  971  mots
L'équipe de France, lors de sa victoire en Coupe du monde en Russie le 15 juillet. (Crédits : Reuters//Carl Recine)
La victoire de l'équipe de France en Coupe du monde peut booster la consommation à court terme. Mais les effets sur la croissance française devraient être très limités contrairement à ce qu'affirme le gouvernement.

Vingt ans jour pour jour après le triomphe de leurs aînés en 1998, l'équipe de France de football a donné le 15 juillet à la France son second titre de championne du monde, offrant au pays une victoire tant attendue. Le succès de cette équipe a été saluée par l'ensemble de la classe politique à commencer par Emmanuel Macron qui a célébré cette victoire, en espérant un gain de popularité dans des sondages actuellement peu favorables au chef de l'État.

Si l'euphorie d'un tel événement sportif peut permettre à à un pays de regagner de la confiance, les gains économiques à espérer sont relativement faibles.

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[Vladimir Poutine à côté d'Emmanuel Macron à Moscou après la victoire de l'équipe de France. Crédits : Reuters/ Christian Hartmann.]

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Un impact marginal sur le PIB

Il y a quelques jours, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a assuré sur l'antenne de France 2 qu'une victoire de la France en Coupe du monde serait bonne pour la croissance.

« La croissance économique, ça repose sur de la confiance et une victoire en Coupe du monde, ça donne de la confiance en soi aux Français », a-t-il ajouté. « Il y a une part d'irrationnel dans l'économie qui tient à la confiance en soi, qui tient à l'envie, qui tient à l'enthousiasme et c'est tout ce que nous apporte cette Coupe du monde. »

Pourtant, les économistes interrogés par l'agence de presse Reuters ne sont pas du même avis. Pour Ludovic Subran, chef économiste de l'assureur crédit Euler Hermes, cette victoire permettrait une hausse de 0,2 point de consommation pour l'économie française et donc 0,1 point de croissance supplémentaire. Sur la chaîne de télévision publique, le locataire de Bercy n'a pas avancé de chiffres mais a maintenu sa prévision de croissance à 2% pour 2018 alors que plusieurs institutions ont abaissé leurs prévisions de croissance pour 2018. La Banque de France a anticipé une croissance de 1,8% pour cette année contre 1,7% pour l'Insee et la Commission européenne qui vient de publier ses projections.

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Par ailleurs, dans une récente note de blog, le directeur de recherche économique chez Ostrum Asset management Philippe Waechter expliquait que cette victoire n'aurait pas d'impact sur la croissance à long terme.

« La  première (question) est celle d'un changement d'allure de l'activité dans le long terme. La réponse est clairement non. En quoi une victoire, même dans un sport populaire comme le football, serait susceptible de changer dans la durée le comportement d'investissement des entreprises, d'améliorer les gains de productivité ou de changer radicalement l'arbitrage entre consommation et épargne dans le revenu des ménages ? En tout cas, rien de tout cela n'a été observé chez les vainqueurs dés précédentes Coupe du monde. Après 1998, on ne note pas d'effet durable. »

À court terme, l'économiste indique que cela peut « provoquer une légère inflexion à la hausse, il n'y a aucune raison que cela provoque une rupture.» Pour cet expert, le principal effet serait visible sur la consommation. Enfin, si la France avait profité d'une croissance élevée dans les années qui ont suivi la première victoire de la Coupe du monde de l'équipe de France en 1998, rien n'indique que cette victoire a considérablement dopé la croissance tricolore à long terme. D'autres exemples à l'étranger montrent qu'une équipe peut dominer une compétition mondiale tout en connaissant une période de marasme économique. L'Espagne a remporté la Coupe du monde en 2010 alors que le pays a connu une des plus graves récessions en Europe.

Le boom des ventes de téléviseurs

La Coupe du monde organisée en Russie a surtout dopé la vente de télévisions durant ces dernières semaines. Dans une communication récente sur la consommation des ménages, l'Insee a souligné que les achats de téléviseurs étaient en hausse au mois de juin. Cette tendance devrait se prolonger pour le mois de juillet.

Par ailleurs, les secteurs de la restauration, des brasseries et bars devraient également profiter d'une consommation dopée par le parcours de l'équipe de France dans cette compétition. Enfin, les fabricants de produits dérivés devraient également voir leurs ventes bondir comme, par exemple, les fabricants de drapeaux français et autres accessoires à l'image de la France.

Mais cet effet sur la consommation doit être relativisé. En effet, dans une note publiée en 2010, l'Insee indiquait que "si les Coupes du monde de football ont, semble-t-il, un effet sur les ventes de téléviseurs, au niveau macroéconomique, leur effet sur la consommation en biens manufacturés des ménages n'est pas notable", souligne l'institut de statistiques, qui précise que "les ménages économisent sur d'autres produits les sommes qu'ils consacrent à la télévision".

Un effet d'image

En dépit de faibles gains économiques à espérer, la France pourrait bénéficier d'un regain d'image sur la scène internationale. Emmanuel Macron pourrait ainsi profiter de cette victoire pour asseoir son influence au côté des autres États. Dans un article universitaire publié en 2010, le maître de conférences Paul Dietschy indiquait que :

"L'enjeu d'une compétition sportive se mesure d'abord à l'aune de l'image valorisante qui transparaît dans les débats sportifs et dans leur champ. Que ce soit la junte militaire dirigée par le général Videla en 1978 ou le gouvernement démocratique d'Angela Merkel en 2006, tout pouvoir, dont dépendent de près ou de loin les comités d'organisation des Coupes du monde, est particulièrement sensible aux effets de miroir que produit la compétition et cherche à faire circuler les commentaires positifs des observateurs étrangers."