Villeroy de Galhau : "En 2019, la croissance française devrait être deux fois supérieure à celle allemande"

ENTRETIEN VIDÉO. François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, a été l'invité le 26 mars 2019 dernier des Mardis de l'Essec, dont La Tribune est partenaire. Retrouvez ici la vidéo de son intervention et le texte rédigé à l'issue par un des étudiants.
François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.
François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France. (Crédits : Noir sur Blanc (Essec))

VIDEO

En cette période tumultueuse où les marchés financiers européens se préparent aux turbulences d'un Brexit sans accord, le gouverneur de la Banque de France a accepté de répondre aux questions des Mardis de l'ESSEC. Et la tâche du soir pour François Villeroy de Galhau n'en fut pas beaucoup plus aisée : convaincre des étudiants perplexes quant à l'actualité du rôle que joue une institution comme la Banque de France, vieille de deux siècles.

« Avoir des institutions financières de régularisation plus efficaces
est un élément positif de l'économie française ! »

Créée par Napoléon Bonaparte en 1800, la Banque de France a aujourd'hui deux grandes missions :

« Une mission de confiance et une mission de bon financement de l'économie ».

Cette dernière renvoie notamment à la surveillance des banques et groupes d'assurance à travers une instance peu connue du grand public, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Bien que son rôle soit méconnu des Français, la Banque de France n'en demeure pas moins un rouage essentiel de l'économie française et européenne. Elle garantit la confiance dans l'euro, pilier d'un système coopératif qui est, selon Villeroy de Galhau, « l'institution européenne qui fonctionne le mieux ».

À ceux qui douteraient encore de l'influence de « sa » banque :

« Avoir des institutions financières de régularisation de la finance le plus efficace possible est un élément positif de l'économie française, et on peut parfaitement moderniser une institution publique », martèle-t-il.

Sa notoriété, la Banque de France la tire peut-être de ses fameuses réserves d'or (2345 tonnes). Objet de fantasmes de bon nombre de souverainistes, l'or est même sujet à des (fausses) rumeurs selon lesquelles la Banque de France songerait à vendre ses réserves. « C'est faux ! » répond le gouverneur, « on pourrait vendre l'or, mais c'est ultra-sensible sur le plan émotionnel » avant d'ajouter que « ce qui fait la valeur d'une monnaie, c'est la confiance qu'elle inspire entre les parties qui l'échangent ».

« J'ai passé dix ans en entreprise car ce ne sont pas
deux mondes opposés, c'est deux manières de servir son pays.
De grâce, n'opposons pas les deux ! »

De même que les interrogations sur l'importance de la Banque de France ne cessent de croître, le service public est lui aussi de plus en plus remis en question. À ceci s'ajoute le fait que public et privé ne sont pas toujours perçus comme compatibles, en témoigne la nomination de Villeroy de Galhau à la tête de la Banque de France qui avait alors provoqué quelques remous. À ceux qui lui reprochent son passage chez BNP Paribas, le gouverneur affirme :

« J'avais pris des engagements clairs sur le fait que je rompais tout lien avec BNP Paribas. Personne ne m'a pris en défaut dans le fait de servir en tant qu'homme libre et droit ».

Figure du public passée par le privé, François Villeroy de Galhau reste convaincu de cette spécificité qui fait, à ses yeux, la force de notre pays :

« J'espère qu'il n'existe pas d'antagonisme entre la modernité et le service public. J'ai passé dix ans en entreprise, car ce ne sont pas deux mondes opposés, c'est deux manières de servir son pays. De grâce, n'opposons pas les deux ! »

« Il n'y a pas de surendettement global des familles françaises »

Par sa fonction régulatrice de l'économie, la Banque de France se doit de détecter d'éventuelles menaces qui pourraient porter atteinte au système. Prévenir le surendettement, qui plus est au moment où emprunter en France n'a jamais été aussi simple, apparaît crucial. L'endettement du secteur privé a atteint 133% du PIB au troisième trimestre 2018, endettement directement corrélé à la politique extrêmement accommodante de la BCE.

M. Villeroy de Galhau a tant bien que mal tenté de relativiser ce phénomène :

« Dans la culture de financement français, on a une préférence pour le financement par la dette, notamment dans les entreprises ».

Il peut néanmoins se targuer d'avoir traité avec justesse la question du surendettement puisque fin 2018, la Banque a connu une baisse de 30% du nombre de dossiers, « notamment grâce à la loi Lagarde qui encadre mieux ». D'autant plus que le surendettement ne concerne qu'entre 150.000 et 200.000 personnes, ce qui pousse M. Villeroy de Galhau à considérer « qu'il n'y a pas de surendettement global des familles françaises ».

La stabilité des prix exigée par les citoyens implique une inflation inférieure à 2%, ce qui nécessite une politique monétaire accommodante. Mais rassurez-vous, loin de lui l'idée de prêter à tout va, le gouverneur de la Banque de France est « payé pour rester vigilant en permanence ».

« La sortie de l'euro serait un jeu extrêmement dangereux sur l'inflation,
la croissance et les conditions de financement »

Alors que les États-Unis connaissent une certaine stabilité et une croissance forte, la croissance française - tout comme l'ensemble de l'Union européenne - a connu une année 2018 en deçà des prévisions de la BCE. Mais il ne faut pas s'y tromper, si les États-Unis ont bien pu compter sur une relance de leur économie, au moyen notamment d'une forte politique budgétaire, celle-ci se fait au détriment de ses partenaires économiques tels que l'Union européenne. M. Villeroy de Galhau n'a pas mâché ses mots au sujet de l'actuel président américain « M. Trump a notamment un fort rôle sur le ralentissement de la croissance mondial : le protectionnisme est un ennemi de la croissance. Dans le ralentissement pour 2018, l'incertitude sur le commerce mondial est le premier facteur explicatif ».

Outre l'influence américaine sur les résultats européens, on peut déplorer le climat économique morose de plusieurs pays européens qui n'arrange rien. Avec en tête de ce mouvement l'économie italienne qui connaît une croissance trop faible, aujourd'hui aux alentours de 0%, représentant ainsi « un frein assez fort ». De son côté, l'Allemagne a connu des facteurs spécifiques comme le test des moteurs diesels qui a changé et auquel l'industrie allemande a eu du mal à s'adapter. Enfin, et non des moindres, la France résiste mieux, car nous avons aujourd'hui « beaucoup de pouvoir d'achat dans l'économie française, et pas que les "mesures gilets jaunes" ». Le gouverneur de la Banque de France a ainsi clos son bilan de l'année 2018 par une note des plus encourageantes :

« En 2019, la croissance française devrait être deux fois supérieure à l'économie allemande ! »

Les élections européennes approchent, et tandis que certains partis nationalistes prônent une récupération de la souveraineté monétaire afin d'utiliser la monnaie comme levier de croissance, il est bon de rappeler le soutien que portent les citoyens européens à l'euro avec plus de 75% d'avis favorables. Sortir de l'euro, met en garde Villeroy de Galhau, « ferait exploser l'inflation et jouerait sur le pouvoir d'achat ». D'autant plus que « dans les gains de l'euro, on a eu la diminution des coûts de financement de l'économie », ajoute-t-il. Car si le différentiel de taux entre la France et l'Allemagne était de 1,9% dix ans avant Maastricht, il n'est aujourd'hui plus que de 0,4%. Un rappel n'étant jamais de trop :

« La sortie de l'euro serait un jeu extrêmement dangereux sur l'inflation, la croissance et les conditions de financement. »

« Ne soyons pas trop dans l'autoflagellation »

Débat national oblige, François Villeroy de Galhau s'est exprimé sur un sujet qui ne laisse personne insensible : la fiscalité. Toujours dans son rôle de garde-fou de l'économie française, le gouverneur de la Banque de France « appelle à la prudence sur la créativité fiscale ». L'objectif premier doit ainsi être la réduction de la dette publique : « si on veut moins de déficit, tôt ou tard il faudra moins de dépenses, donc la stabilisation de la dépense publique en volume, pour qu'elle n'évolue pas comme l'inflation ». Ce qui passe par une solidarité intergénérationnelle :

« On est tous sensible au développement durable : cette dette publique, c'est la charge que nous vous léguons, et on n'en est pas très fiers ».

Soucieux de créer du lien avec les étudiants, Villeroy de Galhau a pris garde de conclure son intervention par un message que nous ne répéterons jamais assez :

« Je souhaite que chacun d'entre vous puisse être fidèle à sa vocation. Je vous souhaite d'être toujours fier de votre pays et de l'Europe. Nous portons des valeurs, un modèle social, donc ne soyons pas trop dans l'autoflagellation ».

Commentaires 14
à écrit le 09/05/2019 à 12:18
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J'aimerais plutôt que ce monsieur nous explique pourquoi la zone Euro ne produit pas de croissance à la différence des USA qui sont responsables de la crise des subprimes... et pourquoi, nous n'avons pas créer de GAFA alors que les chinois l'ont fait...

à écrit le 07/05/2019 à 10:26
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« En 2019, la croissance française devrait être deux fois supérieure à l'économie allemande ! » C'est sûr, deux fois zéro c'est toujours zéro...

à écrit le 06/05/2019 à 8:46
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0.2 contre 0.1; l'euphorie ! Ouhaou géniale l'europe . :D Vous nous prenez vraiment pour des lapins de garenne les gars hein, vous savez que nous avons internet maintenant ?

à écrit le 06/05/2019 à 6:23
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Quelle était l'implication de la BdF dans le scandale du Crédit Lyonnais?

à écrit le 06/05/2019 à 2:25
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Deux fois zéro, ça fait bien zéro. Malin le me, non?

à écrit le 05/05/2019 à 21:10
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Voilà qui fait du bien à entendre au lieu du pessimisme étalé dans toute la presse lue par des ignorants en économie à cause d'enseignants, tous gauchistes qui n'y comprennent rien aussi !!..

le 06/05/2019 à 4:33
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Vous pensez que les enseignants d'économie votent à droite ou vous savez quelque chose? Vous avez fait des études d'économie? Personnellement je n'ai eu que des enseignants d'économie plutôt de de droite (obnubilés par Hayek et Friedman), et étan...

à écrit le 05/05/2019 à 16:43
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L’Europe sera ce qu’on voudra quelle soit. Probablement rien puisqu’on préfère se faire manger par le américains, les chinois, les indiens... plus on attendra, plus la liste sera longue. Pour l’instant, elle n’est pas grand chose ; il n’y a toujours ...

le 05/05/2019 à 21:16
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L'Europe ne peut pas être une Nation, même seulement "fédérale" car si l'on élimine la Grande Bretagne , imaginez vous que le Président de la France, chef des Armées françaises, puisse ou accepte de confier à un Président de l'Europe autre que lui, l...

le 06/05/2019 à 1:15
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Et bien oui, je l’imagine au même titre que j’imagine qu’un breton le fasse sans lui demander de se mettre d’accord avec un Alsacien, un Picard, un Béarnais... pour toutes les décisions. Un gouvernement suffit. Regardez l’Europe (au moins de l’ouest)...

à écrit le 05/05/2019 à 16:43
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L’Europe sera ce qu’on voudra quelle soit. Probablement rien puisqu’on préfère se faire manger par le américains, les chinois, les indiens... plus on attendra, plus la liste sera longue. Pour l’instant, elle n’est pas grand chose ; il n’y a toujours ...

à écrit le 05/05/2019 à 11:06
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Les humains sont « des outils « au sein de l’Europe pour la croissance uniquement pour les financiers et les élites et la jeunesse dorée et élue. Effet Kleenex pour certains ... L’Europe est un gros filtre à broyer les rêves . Heureusement que l’effe...

à écrit le 05/05/2019 à 10:02
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bonne question, quel est votre reve?,: le reve des banqiers est tous simplement de sauvez le système qui broies les pauvres afin d enrichir la bonne bourgoisie et la haute societe,? c est pour cela que l europe est un grand marche : mi en place...

à écrit le 05/05/2019 à 9:10
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0.1 * 2 = 0.2% Bien??

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