A Katowice, la COP24 joue les prolongations

Par Dominique Pialot  |   |  846  mots
La COP24 prolongée pour aboutir au texte d'application de l'accord de Paris (Crédits : Kacper Pempel)
Initialement prévue pour se terminer ce vendredi 14 décembre, la vingt-quatrième conférence de l’Onu sur le climat sera prolongée d’un ou deux jours. Les observateurs espèrent que cela permettra d’aboutir au texte visant à préciser les modalités d’application de l’accord de Paris, et d’ouvrir la voie à la nécessaire révision à la hausse des engagements des Etats.

Ouverte le 2 décembre dernier à Katowice en Pologne, la COP24, qui a notamment pour objectif de définir les règles d'application (Rule book) de l'accord de Paris, aurait dû se terminer ce vendredi 14. Mais il semblerait en cette fin de journée qu'en dépit du texte soumis jeudi soir par la présidence polonaise, on soit encore loin du compte. Aussi les négociations - comme c'est souvent le cas - devraient se prolonger d'un, voire deux jours.

La visite du secrétaire général des Nations unies, venu le 12 décembre, n'aura pas suffi. Antonio Guterres était en effet venu prévenir que « gâcher cette opportunité compromettrait notre dernière chance d'arrêter l'emballement du changement climatique. Ce ne serait pas seulement immoral, mais suicidaire. »

Une COP technique mais déterminante

Qualifiée de « COP technique » par Laurence Tubiana, architecte de l'Accord de Paris pour la France en 2015 et aujourd'hui présidente de la European Climate Foundation (ECF), la COP24 n'exige pas, à l'inverse de Paris, de deal politique majeur. Mais elle n'en est pas moins déterminante, dans la mesure où l'établissement des règles d'application de ce dernier doit ouvrir la voie à la révision des ambitions nationales à la hausse. Cette révision doit impérativement intervenir d'ici à 2020, date de l'entrée en vigueur de l'accord de Paris. Car les contributions nationales (les engagements de chaque Etat en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre) soumises en amont de la COP21 nous mettent sur une trajectoire de +3°C, loin des 2°C et encore plus des 1,5°C, plafond préconisé par le dernier rapport du GIEC.

C'est d'ailleurs pour cette raison que les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite et le Koweit ont refusé de « l'accueillir favorablement », se contentant d'en « prendre note ». C'est l'un des couacs qui a émaillé une COP marquée par une certaine tension, dans un contexte géopolitique nettement plus défavorable qu'en 2015. L'ombre des Etats-Unis, notamment (dont le président a annoncé en juin 2017 le retrait de l'accord de Paris), semble planer sur les négociateurs.

Quel financement, quand, combien et par qui ?

Autre lacune en ce vendredi 14 décembre : les modalités de mobilisation du financement de la transition vers une économie décarbonée, notamment apportée par les pays développés pour soutenir les pays en développement, n'ont toujours pas été précisées.

Parmi les autres points en suspens figure également l'encadrement du recours à des mécanismes de marché tels que ceux prévus par le protocole de Kyoto pour compenser par des actions menées dans des pays en voie de développement, les émissions d'un pays développé.

La « high ambition coalition » qui avait vu le jour lors de la COP21, et regroupait des pays prônant la révision à la hausse des objectifs climatiques - c'est-à-dire, à l'époque, les Etats-Unis, l'Union européenne, quatre-vingts pays en développement et le Brésil - s'est partiellement reconstituée en fin de COP sans susciter le même enthousiasme.

L'Union européenne divisée sur ses objectifs à l'horizon 2030

L'Union européenne a d'ailleurs publié quelques jours avant l'ouverture de la COP sa nouvelle stratégie climat, qui vise la neutralité carbone en 2050. Mais elle ne s'est encore fixé aucun objectif intermédiaire pour 2030, et le sujet divise les Etats membres. Si 15 d'entre eux sont prêts à le faire, le groupe de Visegrad (République Tchèque, Slovaquie, Hongrie et Pologne) traîne des pieds.

Comme à l'habitude, les acteurs non étatiques ont profité de la COP pour se faire entendre. Les présidents de plusieurs grands groupes (dont Ikea, Mars, BT) ont ainsi souligné la nécessité de règles d'applications de l'accord de Paris plus exigeantes pour faire évoluer les pratiques des entreprises. Un milliers d'institutions, pesant 8.000 milliards de dollars, ont annoncé leur volonté de poursuivre leur désinvestissement d'actifs très carbonés.

Selon la Banque mondiale, le nombre de pays ayant instauré des cadres favorables au développement des énergies renouvelables a triplé, même s'il faudrait encore le doubler pour respecter l'accord de Paris.

La représentation française en question

Quant à la France, elle n'a été représentée, et encore brièvement, que par la secrétaire d'Etat à la transition énergétique Brune Poirson. Paris est sous la menace d'une attaque de la part de citoyens et de quatre ONG (Oxfam, Greenpeace, la FNH et Notre affaire à tous), qui entendent l'attaquer devant la justice pour faire reconnaître les droits fondamentaux des citoyens face au changement climatique. Une initiative inspirée par la récente décision en appel d'un tribunal néerlandais qui a condamné l'Etat à rehausser son action sur le front du climat.

Jusqu'ici, il semblerait que le principal rayon de soleil d'une COP bien morose ait été apporté par la jeune Greta Thunberg, militante suédoise de 15 ans qui s'est fait connaître en séchant les cours tous les vendredis pour faire un sit-in devant le parlement suédois afin de l'exhorter à plus d'action climatique.