Burundi  : escalade des tensions entre le gouvernement et les Nations unies

Par Anaïs Cherif  |   |  601  mots
564 exécutions ont été commises depuis avril 2015, date à laquelle le président burundais Pierre Nkurunziza (photo) s'est présenté pour un troisième mandat.
Le gouvernement burundais suspend sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, qui s'inquiète d'un risque de génocide dans le pays. Plus de 500 exécutions ont été commises depuis avril 2015.

Les Nations unies sont dans la ligne de mire du gouvernement burundais depuis le début de la semaine. Celui-ci a annoncé mardi la suspension de ses relations avec le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme. La veille, il a déclaré sur le territoire persona non grata trois experts à l'origine d'un rapport accablant, rendu public le 20 septembre. Les enquêteurs de l'ONU dénonçaient les violences commises au Burundi depuis avril 2015, période à laquelle le prédisent Pierre Nkurunziza annonçait vouloir briguer un troisième mandat.

L'ONU a pu vérifier 564 exécutions depuis le 26 avril 2015. Une estimation "prudente", selon les enquêteurs. La Fédération internationale des droits de l'Homme dresse aussi un sombre bilan, un peu plus d'un an seulement après la réélection de Pierre Nkurunziza, en juillet 2015. "Plus de 1.000 personnes tuées, 5.000 détenues, 800 disparues, des centaines torturées, plusieurs dizaines de femmes victimes de violences sexuelles et des milliers d'arrestations arbitraires", dénombre la Fédération dans un communiqué.

"L'impunité est omniprésente"

Dans ce nouveau rapport, les experts de l'ONU complètent : "Le niveau global d'oppression et de contrôle de la société a augmenté", se traduisant par "la privation arbitraire de la vie, les disparitions forcées, les cas de torture, et les détentions arbitraires à une échelle massive". Le rapport souligne le risque de génocide dans le pays, en pointant des "violations graves systématiques et constantes, et l'impunité est omniprésente".

La responsabilité du gouvernement burundais est mise en cause pour ces violences, qui "ont été et sont commises principalement par des agents de l'Etat et ceux qui sont liés à eux". Les experts dénoncent également l'attitude de l'Etat, qui consiste à "nier automatiquement et en quasi-totalité" les accusations. En recommandation, ils demandent au Conseil des droits de l'homme de "considérer si le Burundi peut rester membre du Conseil". Un première depuis la création de cet organe en 2006.

Le Burundi dénonce un rapport "faux et polémique"

Philippe Nzobonariba, porte-parole du gouvernement, estime dans un communiqué que le rapport "faux et polémique" a été "publié par des enquêteurs soi-disant indépendants de l'ONU". Il justifie la suspension des relations avec le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme par le "rôle complice" qu'il a joué pour l'élaboration de ce rapport. Plusieurs manifestations ont été organisées la semaine dernière à Bujumbura, capitale du Burundi, pour apporter leur soutien au gouvernement. Les manifestants ont scandé "escrocs" et "corrompus" à l'égard de l'ONU, rapporte RFI et BBC Africa.

Suite à la publication de ce rapport, le Conseil des droits de l'homme a mis en place une commission d'enquête afin d'identifier les auteurs des violences et déterminer si les exactions sont constitutives de crimes internationaux pouvant être jugés par la Cour pénale internationale (CPI). Willy Nyamitwe, conseiller de Pierre Nkurunziza et membre de la délégation burundaise, menaçait sur RFI : "Le Burundi se réserve le droit de refuser tout accès à son territoire à quiconque voudrait venir travailler dans le même sens d'enquêteurs qui ne sont pas capables de dépolitiser les droits de l'homme, qui travaillent uniquement sur injonction de certaines puissances qui voudraient déstabiliser ce que nous avons de plus solide : notre souveraineté nationale."

En pleine crise politique, les députés burundais ont largement adopté ce mercredi le projet de loi visant à se retirer de la CPI. Le texte doit encore être approuvé par le Sénat, avant de pouvoir être promulgué par le président.