Climat et usage des sols : la solution est dans votre assiette !

Par Dominique Pialot  |   |  683  mots
Un régime alimentaire moins carné s'impose pour respecter une baisse suffisante de nos émissions de CO2.
Comment préserver d'un côté le rôle de puits de carbone que peuvent jouer les terres agricoles et, de l'autre, leur capacité à nourrir près de 10 milliards d’êtres humains en 2050 ? Alors que le GIEC consacre ces jours-ci une réunion aux liens entre changement climatique et utilisation durable des sols, une profonde mutation de nos régimes alimentaires et de nos modes d’agriculture s’impose de plus en plus clairement.

Le potentiel conflit d'usage des sols entre forêts, prairies et zones humides, agriculture et élevage, énergie, accès à l'eau... ne date pas d'hier. Mais il prend un relief nouveau dans un contexte de réchauffement climatique. En effet, tout comme les océans, les sols absorbent environ 30% des gaz à effet de serre émis par les activités humaines. C'est dire le rôle essentiel qu'ils jouent dans l'atténuation du réchauffement climatique. Mais ils ont de plus en plus de mal à tenir ce rôle de puits de carbone à mesure qu'ils sont dégradés par l'agriculture intensive et réquisitionnés pour des usages notamment énergétiques. Ce sont pas moins de 2 milliards d'hectares de terres qui sont aujourd'hui dégradés, affectant le mode de vie de 3 milliards de personnes sur terre.

Planter des arbres par milliards

Pour préserver, voire restaurer cette capacité d'absorption du CO2, il vaudrait mieux protéger les zones humides, stopper la déforestation et même (re)planter des arbres par milliards. Thomas Ward Crowther, chercheur à l'École polytechnique de Zürich et co-auteur d'une étude dévoilée il y a un mois dans la revue américaine Science, préconise ainsi d'en planter quelque 1.200 milliards.

En effet, après avoir analysé des photographies satellites, lui et ses collègues ont conclu que la Terre pourrait naturellement se couvrir de 0,9 milliard d'hectares de forêts supplémentaires sans toucher aux terres urbaines ou agricoles existantes. Certains pays suivent déjà cette piste au pied de la lettre, à l'instar de l'Éthiopie qui s'est fixé pour objectif d'en planter 4 milliards d'ici à octobre prochain, ou du Maroc, qui vise 50 millions d'arbres plantés en une seule journée !

La bioénergie avec capture et stockage de carbone (BECCS), qui consiste à faire pousser des végétaux à croissance rapide (ce qui absorbe du CO2) avant de les brûler pour en tirer de l'énergie tout en captant le CO2 émis lors de cette combustion, est l'une des technologies privilégiées par certains experts, dont ceux de l'Agence internationale de l'énergie.

Nourrir 9,8 milliards d'êtres humains en 2050

Mais dans le même temps, il s'agit de faire face à la croissance démographique, qui en bondissant à 9,8 milliards d'êtres humains en 2050, nécessiterait, à régime constant, d'accroître de 56% la production agro-alimentaire par rapport à 2010. Or, l'agriculture et l'élevage, tels qu'ils sont aujourd'hui pratiqués, occupent un tiers de la surface de la terre, absorbent 75% de l'eau douce et pèsent entre 25% et 30% des émissions de gaz à effet de serre. Et 50% du méthane, dont le pouvoir de réchauffement est encore supérieur à celui de dioxyde de carbone, proviennent du bétail et de la culture du riz.

Le sujet est si complexe que les membres du GIEC (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat) sont réunis à Genève depuis le 2 août dernier. Ils publieront jeudi 8 août un résumé à l'intention des décideurs de leur nouvelle publication sur « les changements climatiques, la désertification, la dégradation des terres, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres ».

Demain, tous végétariens ?

Mais, en toute logique, les premières données connues de cette synthèse indiquent d'ores et déjà que seule une modification en profondeur de nos modes de production agricoles et de nos régimes alimentaires permettra aux sols de jouer leur rôle dans l'atténuation du changement climatique. Faute de quoi, nous aurons beau nous déplacer, nous loger, nous chauffer -ou nous refroidir-, fabriquer nos biens de consommation de façon plus décarbonée et durable, l'indispensable réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre restera hors de notre portée.

Outre une réduction drastique du gaspillage alimentaire et un meilleur monitoring de l'agriculture grâce par exemple à des outils de prévention d'événements climatiques extrêmes, c'est une bascule massive vers des régimes pauvres en protéines animales qui s'impose.