Empreinte écologique : l’Europe doit faire mieux

Par Dominique Pialot  |   |  869  mots
Les modes de production et de consommation de l'Union européenne exigeraient 2,8 planètes. (Crédits : Reuters)
Si tout le monde vivait comme un Européen, c’est vendredi 10 mai que la planète aurait épuisé les ressources qu’elle est capable de produire en un an. La France fait partie des bons élèves à la fois grâce à son énergie décarbonée mais aussi parce qu’elle a délocalisé la production d’une grande partie de sa consommation.

C'est chaque année le même refrain, entre le printemps et la fin de l'été, chaque pays atteint son jour du dépassement (overshoot day), calculé par le WWF avec le Global Footprint Network. Cette date correspond au moment où l'empreinte écologique d'un pays (la surface de la terre utilisée pour pêcher, élever, cultiver, déboiser et brûler des énergies fossiles, diminuée de ses exportations et augmentée de ses importations), dépasse la biocapacité, c'est-à-dire la capacité des écosystèmes à se renouveler.

Et cette date est chaque année un peu plus précoce, quelle que soit la zone géographique concernée. Pour l'Union européenne, par exemple, elle est passée du 13 octobre au 10 mai. Mais ce que cela montre, surtout, c'est que les modes de production et de consommation européens sont tout simplement insoutenables à l'échelle de la planète. En effet, l'Europe a beau avoir été la pionnière en matière de politiques publiques favorable à la transition écologique, si tous les pays adoptaient nos modes de vie, ce sont non pas une, mais 2,8 terres qui seraient nécessaires. Les Etats-Unis, eux, ont déjà franchi ce cap depuis le 15 mars...

Une France nucléarisée mais désindustrialisée

Cette nouvelle tombe alors que l'on se félicite ce jour-même d'une baisse des émissions de gaz à effet de serre européennes. Après avoir augmenté de +1,8% en 2017 et alors qu'elles sont poursuivi leur hausse en 2018 à l'échelle mondiale, elles ont en effet baissé de 2,5% en 2018. Sur ce point, la France fait particulièrement bonne figure. Ses émissions, qui ne représentent que 10% du total européen, ont diminué de 3,5% en 2018.

Mais ces bonnes performances sont essentiellement dues à son énergie décarbonée et au fait qu'elle importe de nombreux biens de consommation fabriqués ailleurs. Si l'on prenait en compte les émissions liées à leur production, cela alourdirait de 60% notre bilan carbone. Autrement dit, alors que le bilan carbone d'un Français (ses émissions produites sur le territoire national) est en moyenne de 7 tonnes de CO2 par an, son empreinte carbone (correspondant aux émissions générées par ses activités et sa consommation, quel que soit le pays où elles se sont produites) atteint 12 tonnes.

Élargir les calculs au-delà du seul CO2

Surtout, comme l'a encore démontré avec éclat le rapport de l'IPBES (GIEC de la biodiversité) rendu public le 6 mai, au-delà des émissions de gaz à effet de serre (qui pèsent néanmoins pour 60% de l'empreinte carbone européenne), une approche plus complète s'impose pour calculer l'impact global de nos activités sur la planète. En effet, à travers notre alimentation et notre consommation de matières premières, nous portons atteinte à la biodiversité d'autres pays. C'est le cas notamment avec les importations de soja pour le bétail, d'huile de palme pour l'alimentation et les agrocarburants, de caoutchouc...

Aussi l'ONG plaide-t-elle, à deux semaines des élections européennes, pour une approche globale intégrant non seulement le CO2 mais aussi les forêts, terres agricoles, pâturages, pêche...et les interactions entre ces différents sujets. Au-delà de ce mode de calcul plus complet, le WWF mise sur plus d'investissements et d'innovations soutenables pour abaisser les coûts de ces technologies et créer de l'emploi, et faire de l'économie verte une piste de relance de l'économie européenne.

Un manifeste a été adressé aux leaders et élus européens pour les inciter à s'engager dans les cinq prochaines années sur l'évolution des systèmes alimentaires, l'objectif de neutralité carbone en 2040, la révision à la hausse des objectifs climat/énergie à horizon 2030, une réforme du secteur financier permettant de flécher les investissements vers une économie soutenable, dédier au moins 50% du budget aux investissements dans une économie soutenable...

Les promesses écologiques de la liste Renaissance

Des objectifs dont certains sont d'ores et déjà annoncés par les candidats LREM. Dans le programme de la majorité présidentielle, un fascicule de 32 pages reprenant le modèle du candidat Macron pour la présidentielle de 2017, figurent 79 propositions «pour une Renaissance européenne», autrement dit, une par eurodéputé français. Et l'écologie occupe le premier volet, intitulé pour «faire de l'Europe une puissance verte».

Il comprend notamment la création d'une banque européenne du climat (sur le modèle proposé par Pierre Larrouturou et Jean Jouzel dans leur projet de Pacte finance climat) ou encore un objectif de 1000 milliards d'euros d'investissement pour développer les énergies et les transports propres, rénover les logements et accompagner la reconversion des travailleurs des secteurs en transition. Autres sujets sur lesquels les futurs députés européens promettent de livrer bataille : une taxe carbone aux frontières européennes, lafermeture de toutes les centrales fonctionnant aux énergies fossiles, la sortie de tous les hydrocarbures d'ici 2050  ou encore l'orientation des aides agricoles vers des modèles propres.

Des esprits chagrins n'ont pas attendu pour souligner le gap entre les ambitions européennes de la majorité présidentielle et ses réalisations sur le territoire français, où la transition écologique connaît quelques ratés.