Neutralité carbone : un nouvel outil pour aider la France à atteindre son objectif

Le label « bas carbone » porté sur les fonts baptismaux par le ministère de la transition écologique doit rassurer les Français désireux de compenser leurs émissions ou simplement de soutenir la transition écologique, et libérer de nouvelles sources de financement pour les porteurs de projets les plus efficaces.
Dominique Pialot
Certaines méthodes agricoles permettent d'éviter des émissions de gaz à effet de serre
Certaines méthodes agricoles permettent d'éviter des émissions de gaz à effet de serre (Crédits : Reuters)

Le décret arrêtant sa création a été publié au Journal officiel le 29 novembre 2018. Mais c'est mardi 23 avril, en présence des ministres de Rugy (Transition écologique), Borne (transports) et Guillaume (agriculture) qu'a réellement été lancé le label « bas carbone » français. Ce nouvel outil a pour objectif de contribuer à l'atteinte des objectifs climatiques français, et plus précisément la « neutralité carbone » à l'horizon 2050, qui ne pourra être obtenue que grâce à une combinaison de réduction drastique de nos émissions de gaz à effet de serre et de séquestration des émissions résiduelles.

De plus en plus d'entreprises, de collectivités locales, voire de particuliers, cherchent à compenser leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais jusqu'à présent, elles ne pouvaient le faire qu'en soutenant des projets destinés à éviter ou séquestrer du CO2, développés le plus souvent dans des pays émergents. Or, comme pour l'origine des produits ou de l'énergie consommés, les attentes pour des projets plus locaux se font de plus en plus pressantes.

Forte adhésion à des projets de développement local

C'est ce manque que veut combler le label « bas carbone. » Désormais, les personnes (physiques ou morales) désirant soutenir financièrement des projets de réduction ou de séquestration d'émissions pourront en toute confiance sélectionner des initiatives françaises labellisées. « Nous avons entamé une prospection auprès de quelques grands comptes, et constaté une forte adhésion à des projets de développement local », témoigne Mathieu Ruillet, qui coordonne "Des hommes et des arbres" pour le Grand Nancy. Ce projet réunit la métropole, plusieurs collectivités locales rurales et le massif vosgien sur la transformation du territoire à 10 ans autour de la place de l'arbre. Dans le cadre de sa candidature à l'appel d'offres « Territoires d'innovation » lancé par le gouvernement, le label bas carbone est « l'un des outils parmi d'autres à mobiliser. »

Meilleure quantification des émissions évitées

Même intérêt du côté de BNP Paribas.

« Il existe déjà des standards internationaux fondés sur des projets situés dans des pays émergents, mais le label « bas carbone » vient combler un manque pour des projets de compensation locaux en France », confirme Sébastien Soleille, responsable « Transition énergétique et environnement ».

En outre, « Le label « bas carbone » va plus loin que les projets domestiques qui existaient dans le cadre du protocole de Kyoto, se réjouit-il. Entretemps, la science a progressé, notamment pour quantifier les émissions séquestrées ou évitées. »

La banque a décidé de s'aligner avec l'Accord de Paris. « Dans cette optique, nous sommes notamment neutres en carbone pour notre fonctionnement propre depuis 2017 », précise-t-il. Mais la banque entend également accompagner ses clients - institutionnels, entreprises ou particuliers -  pour les aider à abaisser leur consommation énergétique, à décarboner leur production et leur consommation d'énergie et à compenser leurs émissions. Elle a également créé en novembre dernier  la plateforme ClimateSeed pour mettre en relation les porteurs de projets générant des crédits volontaires avec des entreprises qui souhaitent compenser leurs émissions de carbone.

Une étape vers la neutralité carbone

Mais il serait réducteur de ne voir dans ce label qu'un simple outil de compensation. « Il n'a d'intérêt que pour emmener les acteurs vers la neutralité carbone d'ici à 2050 », précise Benoît Leguet, directeur général d'I4CE (Institute for Climate Economics), qui a notamment planché sur les méthodes d'évitement ou de séquestration. Le think tank, qui avait lancé dès 2014 un projet de recherche sur un tel label, a vu depuis ses intuitions confirmées, d'abord par la référence à la neutralité carbone dans l'Accord de Paris, déclinée ensuite dans le plan climat de Nicolas Hulot.

A ce stade, plusieurs méthodes ont été approuvées dans le domaine de la sylviculture, d'autres sont en cours de validation dans l'élevage et l'agriculture, et en théorie cela pourrait être étendu à d'autres secteurs d'activité encore.

Quant aux porteurs de ces projets vertueux, ils pourront trouver là une nouvelle source de financement, en monétisant des tonnes de CO2 évitées ou séquestrées.

Transferts financiers entre territoires

Autres pistes d'application de ce nouvel outil : « On peut parfaitement imaginer, à terme, des transferts financiers entre des territoires ayant atteint la neutralité carbone et d'autres (plus urbanisées et/ou industrialisés, ndlr) pour lesquels elle est hors de portée», détaille Benoît Leguet. Ce qui ne fait pas pour autant de ce label un produit financier avec un marché primaire et secondaire comme le sont les crédits carbone. Le label « bas carbone » pourrait encore servir de boussole aux politiques publiques, par exemple pour aligner la politique agricole commune avec les meilleures pratiques.

Le label étant officiellement lancé, l'histoire ne fait encore que commencer. Reste à identifier puis valider les projets. « La labellisation reconnaît la réalité de la contribution du projet à l'atteinte des objectifs français et quantifie les émissions évitées ou séquestrées », précise Benoît Leguet. Pour être validé, un projet devra par ailleurs démontrer son additionnalité, autrement dit prouver qu'il n'aurait pas pu voir le jour sans cette labellisation. Les projets étant d'autant mieux notés que leur méthode de monitoring, reporting et verification (MRV) est robuste, c'est « une incitation à faire mieux », conclut-il.

Dominique Pialot
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