En Italie, des aides financières aussi pour les travailleurs non déclarés

Par Giulietta Gamberini  |   |  667  mots
"Le travail au noir ne devrait pas exister" mais "malheureusement c'est un fléau qui est là. Il est clair que nous devons penser à toutes ces personnes qui, pour des raisons différentes, se trouvent dans une situation d'urgence", a expliqué la ministre du Travail. (Crédits : MASSIMO PINCA)
Les travailleurs "au noir" seront assimilés aux travailleurs "précaires" et bénéficieront d'un "revenu d'urgence", a confirmé le gouvernement italien. "C'est une question d'équité", a déclaré le directeur général des Finances publiques.

Meurtrie par l'épidémie et la crise économique, l'Italie se voit contrainte à un nouveau renoncement face au coronavirus. L'État met temporairement de côté la lutte contre l'évasion fiscale qui pourtant, selon le directeur général des Finances publiques italien, Ernesto Maria Ruffini, représente 100 milliards d'euros annuels - contre 500 milliards d'euros d'impôts payés "spontanément" par les citoyens.

Vendredi 3 avril, la ministre italienne du Travail, Nunzia Catalfo, a toutefois confirmé que le gouvernement travaille sur une mesure déjà évoquée depuis quelques jours: le versement d'une aide financière aux personnes qui, avant le début de la crise, travaillaient "au noir", et qui en raison du confinement se sont aussi retrouvées sans revenus. Elle devrait être contenue dans un décret prévu pour la première moitié du mois d'avril.

"Le travail au noir ne devrait pas exister" mais "malheureusement c'est un fléau qui est là. Il est clair que nous devons penser à toutes ces personnes qui, pour des raisons différentes, se trouvent dans une situation d'urgence", a expliqué la ministre du Travail.

"Ce n'est pas une question fiscale, c'est une question d'équité", a aussi déclaré Ernesto Maria Ruffini.

3 milliards d'euros

Les travailleurs "au noir" seraient notamment assimilés aux "travailleurs précaires" auxquels l'exécutif veut assurer un "revenu d'urgence". Il s'agit notamment des auxiliaires de vie et des personnes dont le dernier CDD n'a pas été renouvelé à cause de la crise, qui se retrouvent exclus des soutiens financiers assurés jusqu'à présent aux salariés et aux indépendants inscrits à des caisses de prévoyance privées.

Dans l'ensemble, le gouvernement estime que 3 millions de personnes bénéficieraient de ce "revenu d'urgence", qui coûtera à l'État 3 milliards d'euros. Son montant, non encore défini, devrait être de plusieurs centaines d'euros. Le revenu des travailleurs au noir pourrait néanmoins être plus bas que celui des autres précaires, rapporte la presse italienne.

La crainte de révoltes

Le gouvernement espère ainsi faire baisser la tension au Sud, où le travail au noir est particulièrement répandu, et où la crise économique est en train d'aggraver sensiblement certaines situations de pauvreté. Le "revenu de citoyenneté", dont 641.000 familles bénéficient déjà au Sud, ne semble en effet plus suffire. Après plusieurs vols individuels et collectifs dans des supermarchés, la crainte de révoltes est montée d'un cran. L'État a déjà promis de verser 400 millions d'euros aux municipalités, afin qu'elles distribuent des chèques déjeuner et des vivres, mais cela ne semble pas non plus avoir calmé la population.

Il s'agit également de reconnaître que le travail au noir est souvent subi. Et d'assumer la contribution de l'"économie submergée" (qui réunit les activités non déclarées et celles illégales) à la valeur ajoutée générée dans la péninsule: 211 milliards d'euros en 2017, 12,1% du PIB, selon l'Institut national de statistique italien (Istat).

L'Allemagne comprendra-t-elle?

Les critiques fusent pourtant déjà, face à une mesure qui soustrait des ressources financières au soutien à l'économie légale. On évoque également les enjeux de réputation face aux partenaires européens, notamment l'Allemagne, qui pourraient ne pas comprendre une telle utilisation des fonds de l'UE.

Et du côté des travailleurs non déclarés eux-mêmes, la méfiance s'installe, puisque le directeur général des Finances publiques a souligné qu'en aucun cas il s'agit d'une "amnistie". Bien que les formalités nécessaires pour demander le "revenu d'urgence" n'aient pas encore été définies, des médias s'inquiètent que les données fournies puissent ensuite être utilisées pour effectuer des contrôles et prononcer des sanctions. Entre-temps, certains travailleurs au noir continuent néanmoins de travailler: c'est le cas d'esthéticiens, coiffeurs, plombiers, électriciens etc., qui bravent en nombre le confinement, en affaiblissant ainsi la lutte contre le coronavirus.