Immigration, crise des réfugiés : un diplomate algérien raille le discours européen

Des heures de discussions sur la crise des réfugiés et la politique de voisinage et... aucune mention des mots "Irak" ou "Islam" : Lakhdar Brahimi, ex-ministre algérien des Affaires étrangères et ancien envoyé spécial des Nations Unies et de la Ligue arabe en Syrie (qui avait démissionné en mai 2014 devant l'échec des discussions de Genève), condamne la langue de bois des Européens, lors du 7e Forum européen des Think Tank sur le thème "Le voisinage de l'UE : comment le stabiliser ?".
"Daech est le résultat de l'invasion de l'Irak et de la dissolution de l'armée irakienne. Des centaines de milliers de personnes ont perdu leur poste au sein de l'armée, et c'est pour cela que Daech est si bien organisé (...)", a estimé Lakhdar Brahimi, ancien diplomate onusien et ex-ministre des Affaires étrangères algérien, lors du 7e Forum européen des Think Tank sur le thème "Le voisinage de l'UE : comment le stabiliser ?", le 27 février à La Vallette (Malte).

"Le mot Irak n'est jamais prononcé; pourtant, l'Irak est votre voisin. La majorité des migrants viennent de Syrie, le deuxième groupe majoritaire vient d'Afghanistan et le troisième d'Iran."

Pour Lakhdar Brahimi, qui fut fonctionnaire onusien, les Européens peinent à regarder la réalité en face au sujet des migrants.

Lakhdar Brahimi s'exprimait lors d'un dîner-débat à La Valette, capitale de Malte, le 27 février, sur le thème des relations de l'UE avec son voisinage, organisé par le l'Institut Jacques Delors (IJD) et la présidence maltaise de l'UE. Joseph Muscat, Premier ministre maltais, ainsi qu'Enrico Letta, président du think tank IJD et ancien Premier ministre italien, avaient ouvert le débat.

    > Lire : Enrico Letta appelle les pro-européens à se mobiliser

Crise des réfugiés ? La faute aux "politiques occidentales destructrices"

L'ancien envoyé spécial de l'ONU en Syrie a conseillé à son audience de se pencher sur les causes de cette crise des réfugiés sans précédent. Selon lui, elle a été déclenchée par des politiques occidentales destructrices.

Plusieurs intervenants se sont exprimés sur la crise des réfugiés durant la journée, discutant principalement de la réaction de l'UE plutôt que de l'origine de la crise. Selon le diplomate arabe, l'un des principes des affaires internationales est que « si vous ne pouvez pas faire de bien, au moins ne faites pas de mal ». L'ancien fonctionnaire onusien précisait : "Je ne pense pas que vous ayez respecté ce principe."

« Si ce ne sont pas les Européens, du moins les Occidentaux ne l'ont pas respecté. L'Irak a été envahi et détruit par les Américains, avec la complicité d'un des plus importants pays européens et d'une personnalité majeure. Le pays a été anéanti et sa reconstruction prendra longtemps. Je ne pense pas que les Américains et M. Blair aient envahi l'Irak pour le donner à l'Iran, mais c'est ce qu'il s'est passé », a-t-il estimé.

Terrorisme international : encore vingt ans de malheur minimum

Lakhdar Brahimi a cité le président d'Afghanistan, Ashraf Ghani, qui a récemment déclaré, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, que le terrorisme international ne disparaîtrait pas avant au moins vingt ans.

En ce qui concerne la Libye, Lakhdar Brahimi a déclaré que personne ne pleurait le départ de Mouammar Kadhafi, en ajoutant néanmoins que « l'intervention de l'OTAN, menée par Nicolas Sarkozy, a détruit le pays et créé plus de problèmes qu'elle n'en a résolus ».

Sur la situation en Syrie, Lakhdar Brahimi a déclaré que l'analyse des capitales occidentales avait été « très superficielle », surtout lorsqu'elles ont décidé que le dirigeant du pays, Bachar El-Assad, devait partir en quelques jours ou du moins quelques mois, alors que l'ONU et lui-même affirmaient qu'il n'y avait pas de solution militaire. A ce moment-là, les dirigeants occidentaux les avaient accusés de chercher à protéger Bachar El-Assad. Et quand, finalement, l'Occident a fini par accepter qu'il n'y eût pas de solution militaire, ils étaient déjà engagés dans une action militaire.

Le problème de l'Europe : l'Islam et les amalgames qu'elle faits autour

Selon Lakhdar Brahimi, la plupart des Européens n'osent jamais prononcer le mot « Islam ». Ce qui traduit un malaise vis-à-vis de l'Islam, qui favorise un amalgame dangereux entre l'État islamique, ou Daech, et la foi islamique. Il a cité l'exemple de Geert Wilders, chef de file du parti xénophobe néerlandais, Parti pour la liberté, l'un des candidats favoris aux prochaines élections du pays, qui a affirmé que tous les musulmans étaient des terroristes.

Lakhdar Brahimi a expliqué qu'à Raqqa, la capitale autoproclamée de Daech en Syrie, les islamistes avaient retenu l'attention du monde entier en décrochant la croix d'une église. Alors que peu de personnes savent que sept jeunes musulmans de cette même ville ont remis la croix à leur place.

« Qui sont les musulmans ? Daech ? Ou les sept personnes qui ont risqué leur vie pour remettre la croix ? », a-t-il demandé.

Daech, résultat de la dissolution de l'armée irakienne par les Américains

Il ajoutait :

« Évitez de faire des amalgames, de mélanger les choses. Au sein de l'Islam, nous avons un problème grave. Daech est le résultat de l'invasion de l'Irak et en particulier de la dissolution de l'armée irakienne. Des centaines de milliers de personnes ont perdu leur poste au sein de l'armée, et c'est pour cela que Daech est si bien organisé, a de telles compétences militaires et s'y connaît si bien en technologies de l'information."

Vaincre Daech, c'est s'attaquer aux conditions de sa naissance

Lakhdar Brahimi a ajouté que les bombardements menés par les États-Unis n'avaient atteint aucun objectif militaire, mais avaient plutôt poussé Daech en dehors de l'Irak et vers la Syrie, l'Afrique du Nord, et le reste de l'Afrique.

« Daech est une création conjointe des musulmans, des Américains et des Européens occidentaux. Vous ne combattez pas Daech avec des bombardements. Vous combattez Daech en vous attaquant aux problèmes qui ont conduit à sa naissance », a-t-il commenté.

Interrogé sur le rôle de la Russie en Syrie, il a répondu que l'intervention militaire de la Russie avait fait « beaucoup de dommages, mais aussi beaucoup de bien ». « Elle a notamment permis à la Syrie de rester unie », a-t-il poursuivi, puisque le pire des scénarios selon lui, serait la désintégration du pays.

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Par Georgi Gotev, Euractiv.com (traduit par Marion Candau)

(Article publié le mercredi 1 mars 2017)

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Commentaires 18
à écrit le 27/03/2017 à 10:51
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Ben d'abord pour L'Irak la France derrière ou gràce à son président a dit non. Pour la Lybie c'était la décision personnelle de Sarkozy, mais surtout pas de la majorité des Français, ça prouve quelque part que notre système de démocrature (mot des i...

à écrit le 24/03/2017 à 18:38
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Entièrement d'accord avec ce monsieur. D'ailleurs, ce n'est pas compliqué : les trois pays où Daech est implanté : Irak, Syrie et Libye, sont les trois pays où l'Ouest a fichu la m... Et le pire, dans tout ça, c'est que maintenant, aux yeux de la ...

à écrit le 24/03/2017 à 17:14
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A chacun sa vérité Il se pose en tant que musulman sunnite et oppose le reste du monde responsable du malheur du monde musulman sunnite Par exemple "donner l'irak à l'iran" est pour lui un mal alors que cela pourrait être un bien vu de l'angle des ...

le 24/03/2017 à 18:38
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Vous le dites vous mêmes : à chacun sa vérité.

à écrit le 24/03/2017 à 16:51
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Bravo Monsieur , Vous venez enfin d exprimer une pure et triste réalité de la duplicité et l incompréhensible incompétence des dirigeants occidentaux

à écrit le 24/03/2017 à 16:47
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Voila une analyse à charge contre l' Europe et le monde Musulman...la dedans,le triple jeu de la Turquie et le financement de celle ci par les Saoudiens et autres Qatariens pour virer Bachar el Assad . Le Pakistan et son double jeu hébergent pas moin...

à écrit le 24/03/2017 à 15:23
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Le Monde est au bord d'une catastrophe, certes causée par l'enchaînement des faits décrits, mais aussi par la conséquence d'une démographie galopante encouragée principalement par les pays d'Islam. Ce qui fait évidemment peur. C'est le fond de commer...

à écrit le 24/03/2017 à 13:45
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Pour compléter mon propos précédent, je voudrais juste rappeler que la population du Pakistan qui reste l'un des pays les moins développés du globe et dont le voisin au contraire parvient à progresser, est passée en 60 ans de 50 à plus de 200 Million...

le 24/03/2017 à 17:19
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pakistan : nom dérivé de l'ourdou : "pays des purs" . On se demande pourquoi ils cherchent à le quitter...

à écrit le 24/03/2017 à 13:28
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Et hop, un "responsable" qui escamote encore le problème central, cad la démographie, que le monde musulman est le seul à ne pas maîtriser ou tenter de le faire alors que sa situation économique, sociale, culturelle, lui enjoindrait de la traiter en ...

à écrit le 24/03/2017 à 11:50
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Bonjour, Voilà enfin un honnête homme, expérimenté qui, objectivement, déclare les réalités sans langue de bois ou intérêts stratégiques particuliers. Un homme de PAIX et de Progrès pour l'humanité. Mille merci...pour lui, le journal et l'auteur de ...

le 24/03/2017 à 18:40
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Ah, mine de rien ou Amin Dada, roi d'écosse ? Tout le monde a des intérêts particuliers. Penser le contraire est d'une naïveté incroyable. Le problème de la France vis-à-vis des ancienne colonies, c'est qu'on aurait dû leur dire, vous avez voulu l'i...

à écrit le 24/03/2017 à 10:53
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On peut lui demander pourquoi donc il y a autant d'algériens en France ? Il aura une explication mettant en cause l'Europe ?

à écrit le 24/03/2017 à 9:23
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De sages mots, partagés par toutes les personnes regardant honnêtement les errances géopolitiques de l'Europe en caniche pro-américain. Il est à ajouter que probablement les bénéficiaires des ingérences occidentales ne regrettent pas leurs aventures ...

à écrit le 24/03/2017 à 8:59
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Merci pour cet article, pour avoir souligné les paroles de ce diplomate courageux même s'il est au service d'un régime douteux lui aussi mais bon quel politicien ne l'est pas hein..., encore une information que nous ne lirons ailleurs étant donné que...

le 24/03/2017 à 12:23
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Dans son analyse, il a quand même oublié d'inclure le rôle des monarchies du Golf qui soufflent sur les braises de tout ce petit monde.... Cela reste une analyse partielle tendant vers le partial !!!

le 24/03/2017 à 13:22
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Il n'a pas parlé de VOTRE obsession c'est vrai mais c'est normal. Le monde ne tourne pas autour de vos fixettes vous savez, il a autre chose à faire le monde je vous le garantie. Notez qu'il n'a ni parlé de mitterand, ni de la corée du nord, ...

le 24/03/2017 à 14:30
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"Dans son analyse, il a quand même oublié d'inclure le rôle des monarchies du Golf qui soufflent sur les braises de tout ce petit monde.... Cela reste une analyse partielle tendant vers le partial !!! " Je vous ai répondu mais ma réponse ne sembl...

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