L'administration Biden dégaine la carte antitrust pour bloquer la fusion du siècle dans l'édition

Le rapprochement entre le leader Penguin Random House et le numéro quatre du marché américain de l'édition Simon & Schuster se heurte à un procès antitrust lancé par le Department of Justice. L'affaire a été portée devant un tribunal de Washington où Peguin Random House et l'équivalent américain du ministère de la Justice s'affrontent. L'écrivain mondialement connu Stephen King est même venu donner son opinion contre une acquisition qui serait, selon lui, défavorable aux auteurs et à leur rémunération.
L'écrivain Stephen King à son arrivée au tribunal à Washington DC, le 2 août 2022.
L'écrivain Stephen King à son arrivée au tribunal à Washington DC, le 2 août 2022. (Crédits : Reuters)

Dans l'univers américain de l'édition, le projet de rachat par Penguin Random House (PRH) de Simon & Schuster (S&S), annoncé fin 2021 pour 2,2 milliards de dollars, avait pris des allures de deal du siècle. Le procès intenté par le Département américain de la Justice (DoJ) contre Penguin Random House afin de bloquer ce rapprochement historique prend logiquement des proportions spectaculaires aux Etats-Unis. Non pas que les médias et la société états-unienne se soient soudainement pris de passion pour le droit concurrentiel. L'engouement tient aux personnalités qui se rendent à la barre pour éclairer la décision du juge de Washington dans un secteur proche du grand public.

Stephen King à la barre aux côtés du Department of Justice

Tout ce que l'Amérique compte de sommités dans l'édition participe à ce procès, qu'il s'agisse de patrons de grandes maisons d'édition, d'agents littéraires appuyés par des avocats célèbres et, évidemment, d'écrivains de renom. L'auteur de polars Stephen King en personne est venu témoigner mardi dans un tribunal de la capitale américaine. Connu pour ses idées politiques et ses avis tranchés sur l'industrie du livre, King brandit son opposition à la fusion entre PRH et S&S et prend le parti du Department of Justice.

Au-delà des célébrités qui donnent leur regard sur cette hypothétique fusion, les acteurs en présence débattent d'une décision qui va bouleverser l'industrie de l'édition outre-Atlantique.

Le futur géant de l'édition accaparerait la moitié des meilleures ventes

Du côté des opposants au rapprochement entre Penguin Random House et Simon & Schuster, le principal argument relève de l'antitrust, c'est-à-dire de l'action gouvernementale visant à éviter qu'un trop petit nombre d'entreprises ne contrôle étroitement le secteur et dicte ses conditions aux fournisseurs (les écrivains) et aux clients. « Cette acquisition permettrait à Penguin Random House, qui est déjà le plus gros éditeur du monde, d'exercer une influence démesurée sur la nature des livres publiés et la rémunération de leurs auteurs », s'inquiète dans un communiqué le Department of Justice. Le ministère placé sous l'autorité de l'administration Biden considère que le marché américain est déjà « très concentré » et voit un risque d' « oligopole ». En cas d'autorisation de la fusion, la grande maison d'édition que formeraient PRH et S&S représenterait la moitié des droits d'auteurs versés aux écrivains, essentiellement sous forme d'avances.

Aligné sur la même position, Stephen King s'est fait le porte-voix des auteurs. D'après lui, ces derniers se trouveraient en position de faiblesse dans un domaine de plus en plus concentré qui, après la fusion, compterait seulement quatre grands éditeurs, contre cinq actuellement dans un « Big Five » qui comprend Penguin Random House, Simon & Schuster, HarperCollins, Hachette Book Group (HBG) et MacMillan.

Les motifs de rejet donnés par l'administration américaine s'appuient sur la protection du consommateur et la nécessité de lui offrir un prix raisonnable pour une offre de qualité. Le rachat de Penguin Random House aboutirait, selon le Department of Justice, à offrir de « plus faibles avances aux auteurs, ce qui signifie moins de livres publiés et moins de variété pour le consommateur ».

Devant le juge, le Pdg de Hachette Book Group, Michael Pietsch, a repris mot pour mot cet argument des conséquences potentiellement négatives de la fusion sur l'offre littéraire pour la dénoncer. Une fusion qu'il ne peut voir que d'un mauvais œil pour ses propres intérêts commerciaux.

Hachette en embuscade

En face, l'avocat de Penguin Random House Dan Petrocelli, star du barreau américain, assure que le DoJ se focalise à tort sur une petite portion du marché américain, à savoir les «  Big Five » alors que les Etats-Unis comptent une trentaine de maisons capables d'éditer un auteur à succès réclamant plus de 250.000 dollars d'avance par livre.

Le représentant de la plus grande maison d'édition au monde fait aussi valoir que les maisons d'édition continuent de prendre le risque d'accorder de grosses avances à des livres qui se soldent par des échecs commerciaux. Preuve selon lui que la crainte d'une baisse de l'offre de livres disponibles n'est pas justifiée.

Le procès doit s'étendre sur trois semaines et la décision de la Justice sera connue fin août. Si l'acquisition de Simon & Schuster par Penguin Random House devait échouer, le français Hachette Book Group, propriété de Vivendi, pourrait tenter à nouveau de se rapprocher de S&S. Ce qu'il avait déjà voulu faire avant que PRH ne rafle (temporairement) la mise.

Commentaires 2
à écrit le 07/08/2022 à 2:28
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Pendant ce temps Microsoft se paie Activision Blizzard pour 68,7 Mds...

à écrit le 05/08/2022 à 8:31
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La quête d'argent se fait au détriment de la liberté!

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