La croissance chinoise ralentit encore, Pékin accuse l’Occident d’en être à l’origine

Par latribune.fr  |   |  1116  mots
« Nous nous opposons aux sanctions unilatérales, à la coercition économique, au découplage et à la réduction des liens » économiques, a déclaré Xi Jinping lors d'un discours à l'ouverture à Pékin du troisième forum des Nouvelles routes de la soie. (Crédits : FLORENCE LO)
L'Empire du Milieu a annoncé un produit intérieur brut en hausse de 4,9% sur un an au troisième trimestre, soit encore moins qu'au trimestre précédent. La faute à la crise de l'immobilier qui paralyse le pays. Mais Xi Jinping accuse aussi l'Europe et les Etats-Unis d'avoir accentué la crise en organisant une « coercition économique ».

Les chiffres tombent au mauvais moment. En pleine ouverture du troisième forum des Nouvelles routes de la soie, pour lequel quelque 130 représentants de pays se sont rendu à Pékin, le Bureau national des statistiques (BNS) chinois a annoncé mercredi un tassement de sa croissance économique au troisième trimestre (+4,9% sur un an). Si des analystes interrogés par l'AFP anticipaient un ralentissement plus prononcé (+4,3%), il s'agit d'un sérieux coup de frein sur l'activité de la deuxième puissance économique mondiale puisque cette dernière s'était établie à +6,3% au deuxième trimestre.

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Ce chiffre, déjà inquiétant pour un pays habitué a une croissance à deux chiffres depuis des années est, de plus, trompeur, car la comparaison se fait toujours avec la même période un an plus tôt. Or en 2022, l'activité était largement pénalisée par les restrictions draconiennes contre le Covid-19. D'un trimestre à l'autre, base de comparaison plus réaliste, la croissance du géant asiatique accélère à +1,3%, après +0,8% sur la période juillet-septembre, soit un quasi surplace.

Crise de l'immobilier

La première cause de ce coup de froid sur l'économie chinoise est évidemment la crise de l'immobilier, qui a longtemps représenté au sens large un quart de son produit intérieur brut (PIB), fait vivre des milliers d'entreprises et est un important vivier d'emplois.

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Le secteur a connu durant deux décennies une croissance fulgurante mais les déboires financiers de groupes immobiliers emblématiques alimentent désormais la défiance des acheteurs, sur fond de logements inachevés et de chutes des prix du mètre carré. L'endettement massif de ces groupes est perçu ces dernières années par le pouvoir comme un risque majeur pour l'économie et le système financier du pays. Pékin a ainsi progressivement durci à partir de 2020 leurs conditions d'accès au crédit. Problème, cette décision a tari les sources de financement de groupes déjà endettés. Une vague de défauts de paiement a suivi, notamment celui du groupe Evergrande, qui mine la confiance des acheteurs potentiels et se répercute sur l'ensemble du secteur, sur fond de ralentissement économique. Country Garden n'a, de son côté, pas été en mesure d'honorer, le 9 octobre, un paiement portant sur 470 millions de dollars hongkongais (56,7 millions d'euros).

En dépit de la conjoncture, les ventes au détail, principal indicateur de la consommation des ménages, ont fortement accéléré en septembre (+5,5% sur un an). Ce rythme est bien supérieur à celui du mois d'août (+4,6%) et aux attentes d'analystes interrogés par Bloomberg (+4,9%). La production industrielle a pour sa part maintenu en septembre sa tendance (+4,5%). Les analystes tablaient sur un rythme légèrement inférieur (+4,4%) de cet indicateur qui donne un aperçu de l'activité dans le secteur industriel.

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Pour rappel, la Chine vise « environ 5% » de croissance cette année, un chiffre aussi brigué par le Fonds monétaire international dans son estimation du 10 octobre, quand il visait 5,2% de hausse en juillet. Mais cet objectif pourrait être difficile à atteindre sans plan de relance massif, estiment certains économistes alors que le gouvernement privilégie les mesures ciblées. « Des mesures plus robustes » seront nécessaires, estime l'analyste Gene Ma, de l'Institut de la finance internationale (IIF). L'an dernier, le PIB du géant asiatique avait progressé de 3%, loin de l'objectif officiel de 5,5%, et à l'un des rythmes les plus faibles depuis quatre décennies.

Pékin accuse l'occident de lui faire subir une « coercition économique »

Pour tenter de noyer le poisson et faire oublier les raisons internes de la crise économique que subit le pays, le président chinois Xi Jinping a pointé du doigt, ce mercredi, la responsabilité de l'occident, au moment où certains politiques en Europe et aux Etats-Unis veulent réduire la dépendance de leur pays au géant asiatique.

« Nous nous opposons aux sanctions unilatérales, à la coercition économique, au découplage et à la réduction des liens » économiques, a déclaré le dirigeant lors d'un discours à l'ouverture à Pékin du troisième forum des Nouvelles routes de la soie.

La Chine ne va pas s'engager dans « une confrontation idéologique, des jeux géopolitiques ou une confrontation de blocs », a-t-il assuré face aux dirigeants de nombreux pays venus assister au forum, dont le président russe Vladimir Poutine. « Voir le développement des autres comme une menace et l'interdépendance économique comme un risque ne va pas améliorer la vie de chacun, ni le faire se développer plus vite », a encore tâclé Xi Jinping.

Le dirigeant chinois a défendu les Nouvelles routes de la soie, vaste projet d'infrastructures porté par Pékin dans une centaine de pays, affirmant qu'elles vont « apporter un nouvel élan à l'économie mondiale ». « Les Nouvelles routes de la soie visent à renforcer la connectivité en termes de politiques, d'infrastructures, de commerce, de finance et entre les peuples, et à apporter un nouvel élan à l'économie mondiale », a-t-il déclaré. « Nous pensons fortement que seule la coopération gagnant-gagnant peut permettre de faire des choses et de les faire bien », a ajouté Xi Jinping.

Une main tendue à la Russie

Après avoir dénigré l'occident, le président chinois a tendu la main à ses invités, et notamment à la Russie. « La Chine est disposée à approfondir la coopération avec les partenaires des Nouvelles routes de la soie (...) et travailler sans relâche pour moderniser tout pays dans le monde ». Xi Jinping a ensuite salué lors d'un entretien avec son homologue russe Vladimir Poutine la confiance mutuelle « croissante » entre les deux pays, a indiqué un média d'Etat chinois. Le chef d'État a également appelé à des « efforts » sino-russes pour sauvegarder « l'équité et la justice internationales » et a également salué « la coordination stratégique étroite et efficace » entre leurs deux pays en rappelant qu'il avait rencontré Vladimir Poutine « 42 fois au cours des 10 dernières années » et que les deux hommes avaient « développé une bonne relation de travail et une profonde amitié ».

« Le volume des échanges bilatéraux a atteint un niveau historique et se rapproche de l'objectif de 200 milliards de dollars fixé par les deux parties », a ajouté Xi Jinping.

La Chine est le premier partenaire commercial de la Russie. Les échanges entre les deux pays ont atteint le chiffre record de 190 milliards de dollars l'année dernière, selon les Douanes chinoises.

(Avec AFP)