Chine : encore secouée par la crise de l'immobilier, la croissance devrait se tasser

Un groupe de 10 experts interrogés par l'AFP table, en moyenne, sur une hausse de 4,3% sur un an du produit intérieur brut (PIB) au troisième trimestre en Chine.
Outre le PIB, les économistes auront donc mercredi un œil attentif sur les ventes au détail, un indicateur qui est le principal reflet de la consommation des ménages (Photo d'illustration).
Outre le PIB, les économistes auront donc mercredi un œil attentif sur les ventes au détail, un indicateur qui est le principal reflet de la consommation des ménages (Photo d'illustration). (Crédits : Aly Song)

La Chine devrait annoncer mercredi un ralentissement de sa croissance au troisième trimestre, au moment où une crise sans précédent dans l'immobilier pénalise l'activité dans la deuxième économie mondiale. Un groupe de 10 experts interrogés par l'AFP table, en moyenne, sur une hausse de 4,3% sur un an du produit intérieur brut (PIB) du géant asiatique, sur la période juillet-septembre. Au trimestre précédent, la croissance avait accéléré (+6,3%).

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Ce chiffre est toutefois trompeur, car la comparaison se fait toujours avec la même période un an plus tôt. Or au deuxième trimestre 2022, l'activité avait été largement pénalisée par le confinement de la capitale économique Shanghai (+0,4%). Pour la Chine, « le principal obstacle (à la croissance) reste l'immobilier », estime l'analyste Gene Ma, de l'Institut de la finance internationale (IIF). L'immobilier, un secteur-clé de l'économie chinoise, a longtemps représenté au sens large un quart de son produit intérieur brut.

Des résultats qui peinent à se concrétiser

Il a connu durant deux décennies une croissance fulgurante alimentée par une flambée des prix du mètre carré, l'achat d'un logement étant alors perçu par les Chinois comme un moyen sûr de faire fructifier leurs économies. Mais depuis deux ans, les déboires financiers de groupes immobiliers emblématiques (Evergrande, Country Garden...) alimentent la défiance des acheteurs, au moment où nombre de propriétaires se retrouvent avec des logements inachevés et que les prix chutent.

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« Compte tenu du grand nombre de logements vides, du vieillissement de la population en Chine et de la fin de la fièvre spéculative, les ventes de logements resteront modérées ces prochaines années », ce qui pèsera sur la croissance, prévient Gene Ma.

Pour revigorer le secteur, les autorités ont bien multiplié ces derniers mois les mesures incitatives d'achat dans l'immobilier. Mais les résultats peinent pour l'heure à se concrétiser. Par ailleurs, « les difficultés du secteur se répercutent sur la consommation en général », souligne l'économiste Sheana Yue, du cabinet Capital Economics. Ainsi, « les consommateurs dépensent moins qu'avant le Covid », fait-elle remarquer.

Une demande extérieure plus faible

La semaine fériée à l'occasion de la fête nationale (1er octobre) a néanmoins permis au tourisme de rebondir. Outre le PIB, les économistes auront donc mercredi un œil attentif sur les ventes au détail, un indicateur qui est le principal reflet de la consommation des ménages. Le commerce international est également un frein à l'activité, au moment où la menace de récession en Europe, combinée à une inflation élevée, contribue à affaiblir la demande en produits chinois.

Les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis et la volonté de certains pays occidentaux de réduire leur dépendance à la Chine ou de diversifier leurs chaînes d'approvisionnement pénalisent également les exportations. Elles sont historiquement un autre levier de croissance clé pour la Chine et cette situation a un impact direct sur l'emploi d'un secteur désormais à la peine.

« La faible demande extérieure continuera à peser lourdement sur les exportations et l'activité manufacturière » ces prochains mois, prévient l'économiste Brian Coulton, de l'agence de notation financière Fitch.

La Chine célèbre ses Nouvelles routes de la soie

La Chine vise « environ 5% » de croissance cette année, un objectif qui pourrait toutefois être difficile à atteindre, selon le Premier ministre chinois Li Qiang. Le chiffre officiel de la croissance en Chine, éminemment politique et sujet à caution, n'en reste pas moins toujours scruté de près compte tenu du poids du géant asiatique dans l'économie mondiale.

Les experts interrogés par l'AFP tablent cette année sur une croissance en Chine de 4,9%, une estimation proche de celle du Fonds monétaire international (5%). L'an dernier, le PIB du géant asiatique avait progressé de 3%, loin de l'objectif officiel de 5,5%, et l'un des rythmes les plus faibles depuis quatre décennies.

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La publication de l'indicateur économique intervient alors que, ce lundi, la Chine se prépare à accueillir les représentants de quelque 130 pays, dont la Russie, pour le forum des Nouvelles routes de la soie. Un événement diplomatique majeur de Pékin mais éclipsé par la guerre entre Israël et le Hamas. Les Nouvelles routes de la soie, ou initiative « La Ceinture et la Route » selon son appellation officielle, sont un ambitieux projet lancé il y a 10 ans sous l'impulsion du président chinois Xi Jinping.

Renforcement de la coopération avec la Russie

Il vise à améliorer les liaisons commerciales entre l'Asie, l'Europe, l'Afrique et à financer la construction de ports, de voies ferrées, d'aéroports ou de parcs industriels via des milliards de dollars de prêts chinois. Ces infrastructures doivent permettre à la Chine d'accéder à davantage de marchés et ouvrir de nouveaux débouchés à ses entreprises. Le président russe Vladimir Poutine est l'un des invités de ce forum organisé à Pékin mardi et mercredi.

En amont de cette visite, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov est arrivé à lundi Pékin. Il a été reçu par son homologue chinois Wang Yi, selon une vidéo diffusée par le Kremlin. Dans une interview accordée à la télévision chinoise, Vladimir Poutine a estimé que les Nouvelles routes de la soie étaient un projet « mutuellement bénéfique » pour la Chine et son pays.

« Le président Poutine a relevé qu'un monde multipolaire est en train de prendre forme et que les concepts et initiatives mis en avant par le président Xi Jinping sont très pertinents et importants », a souligné la chaîne CGTN, diffusée en anglais à l'international. La Chine et la Russie, deux pays voisins, partagent une volonté commune de contrer ce qu'ils présentent comme l'hégémonie américaine et se sont rapprochés depuis l'intervention russe en Ukraine.

Depuis le déplacement du numéro un chinois au Kremlin en mars dernier et face à l'isolement accru de la Russie, Moscou et Pékin prônent un renforcement de leur coopération économique et militaire dans le cadre d'une amitié officiellement qualifiée de « sans limites ». La visite très attendue de Vladimir Poutine en Chine est son premier déplacement dans l'une des grandes puissances mondiales depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, que Pékin n'a pas condamnée.

Le conflit Israël-Hamas en toile de fond

Plusieurs chefs d'Etat sont arrivés à Pékin en amont du forum des Nouvelles routes de la soie, selon l'agence officielle Chine nouvelle, dont le Premier ministre hongrois Viktor Orban, le président du Chili Gabriel Boric, celui du Kenya William Ruto et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed. Ce sommet intervient au moment où Israël se prépare à une offensive à Gaza contre le Hamas palestinien, qui fait craindre un embrasement de toute la région.

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La diplomatie chinoise, qui a facilité plus tôt cette année le spectaculaire rapprochement entre l'Iran et l'Arabie saoudite, dit régulièrement vouloir apporter sa contribution au processus de paix israélo-palestinien, au point mort depuis 2014. La guerre entre Israël et le Hamas, qui a fait des milliers de morts dans les deux camps, a été déclenchée après une attaque sanglante et sans précédent lancée le 7 octobre par le Hamas contre le territoire israélien à partir de la bande de Gaza sous contrôle du mouvement islamiste palestinien. La Chine n'a pas nommé spécifiquement le Hamas dans ses condamnations de la violence, suscitant des critiques de la part de certains responsables occidentaux.

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 16/10/2023 à 14:06
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 16/10/2023 à 8:35
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Nous savons que la Chine gonfle ses chiffres, que déjà leur croissance officielle de 6.5% n'était pas raisonnable, ne pourrons pas avoir les véritables chiffres ou bien ceux-ci sont définitivement impossibles à obtenir exposant qu'il est possible de ...

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