Chine : l'inquiétant plongeon du yuan face au dollar

Le yuan est tombé la semaine dernière à son plus bas niveau depuis presque 16 ans face au dollar renforcé par la hausse des taux aux Etats-Unis. La banque centrale chinoise est intervenue pour stabiliser le taux de change car l'appréciation du billet vert pèse sur les entreprises endettées en dollars qui subissent déjà le ralentissement de l'économie chinoise plombée par son secteur immobilier.
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

Reflet du ralentissement de son économie et de sa crise immobilière, la Chine voit sa monnaie, le yuan, se déprécier. Vendredi dernier, le yuan onshore (il existe un yuan offshore pour les échanges internationaux) a atteint son plus faible cours face au dollar, cotant jusqu'à 7,3503 yuans pour un dollar pour la première fois depuis décembre 2007. Ce mardi, il se reprenait à 7,1986 pour un dollar, mais a perdu près de 6% de sa valeur depuis le début de l'année.

Stabiliser le yuan, priorité du gouvernement

La  Banque populaire de Chine — nom officiel de la banque centrale — a prévu de convoquer une « réunion spéciale » pour discuter de « la situation récente sur le marché des changes et des questions relatives au taux de change du renminbi (autre nom du yuan) ». Elle a d'ores et déjà annoncé que tout achat de plus de 50 millions de dollars réalisé par une banque locale devra attendre l'approbation de l'opération par la Banque populaire de Chine et que la part minimale des réserves de changes détenue par les banques passera de 6% à 4%.

« Stabiliser le yuan contre le dollar est une priorité pour les autorités afin de restaurer la confiance des investisseurs dans l'économie chinoise. La Banque populaire de Chine a utilisé plusieurs instruments : cours pivot, intervention probable sur le marché des changes et resserrement des liquidités du yuan », rappelle Zouhoure Bousbih, stratégiste Marchés émergents chez Ostrum, dans une analyse sur le  pays.

L'institution monétaire chinoise est rompue à l'exercice de contrôle de sa devise. Les principales banques d'Etat ont acheté des yuans avec leurs dollars pour enrayer sa baisse. Si ces opérations n'ont pas inversé la tendance, elles ont quand même stabilisé le phénomène. Le dollar profite en effet du rendement plus élevé des bons du Trésor américain entraîné par la hausse des taux que mène la Réserve fédérale. Les investisseurs internationaux arbitrent en faveur du billet vert qui joue le rôle de valeur refuge dans le contexte économique et géopolitique mondial dominé par les incertitudes.« L'élargissement du différentiel de taux d'intérêt avec les Etats-Unis a également contribué à exercer des pressions baissières sur le yuan et devrait le rester », souligne l'analyste d'Ostrum.

Les effets de la hausse des taux aux Etats-Unis

La politique monétaire de la Fed n'a pas que des conséquences pour le yuan. La semaine dernière, le yen a touché un plus bas de 43 ans face au dollar. « L'Asie-Pacifique se trouve au milieu d'une série de hausses rapides des taux d'intérêt en provenance des États-Unis. Les pressions macroéconomiques s'exerceront sur les taux de change régionaux, comme en témoigne le creusement des déficits des comptes courants dans de nombreux pays. Les effets pourraient s'étendre aux entités de bonne qualité, ou aux secteurs qui ont été largement résistants, si le renforcement du dollar se poursuit ces prochains mois », avertit John Plassard chez Mirabaud Equity Research. A l'image du géant chinois de l'immobilier Country Garden, réputé financièrement solide comparé à Evergrande, qui s'est retrouvé au début du mois d'août au bord de la faillite incapable d'honorer des échéances de remboursements de dettes contractées en dollars.

D'autres secteurs pourraient à leur tour subir les conséquences de ces dépréciations. « La baisse des devises asiatiques, yen et yuan par exemple, a plusieurs inconvénients. Les effets amplifient l'inflation importée, pèsent sur le sentiment des investisseurs et limitent le financement. Bien que les entreprises de la région Asie-Pacifique aient largement géré les effets de l'asymétrie des devises jusqu'à présent, ces tensions pèsent sur les entités dont la dette en dollars est importante et arrive à échéance dans les 12 à 18 mois à venir », explique John Plassard.

Néanmoins, à la différence du yen et des autres monnaies internationales, le yuan est contrôlé par les autorités politiques. Le taux de change du yuan officiel ne flotte pas sur le marché international des devises selon l'offre et la demande mais est fixé par la Banque populaire de Chine à travers un mécanisme de fixing quotidien, établi en fonction des informations recueillies par les teneurs de marché avant l'ouverture des séances boursières. Cette maîtrise de la monnaie permet au gouvernement d'avoir une marge de manœuvre pour piloter si besoin son taux de change à l'avantage de son économie, ce que les Etats-Unis dénoncent régulièrement depuis 2019 comme une « manipulation » y voyant une « concurrence déloyale ». Pour autant, les marges de manœuvre de Pékin restent limitées par l'environnement économique international dont dépend également le géant asiatique.

Éviter la guerre des devises

« Nous nous attendons à ce que le yuan évite ce que nous appelons un seuil de "crise de confiance", c'est-à-dire au-dessus de 7,32 yuan pour un dollar. En effet, un yuan plus faible peut aider à soutenir la réduction des surcapacités chinoises dans le secteur manufacturier, mais un yuan trop fort pourrait accroître les craintes du G7 de voir la Chine se lancer dans une sorte de guerre des devises. Nous pensons donc que les autorités voudront maintenir le yuan "suffisamment bas" pour éviter une crise immobilière plus profonde, notamment dans le contexte des problèmes du marché immobilier, mais "suffisamment élevé" pour empêcher l'intensification de la rivalité entre les États-Unis et la Chine et l'augmentation des mesures protectionnistes », prévoient dans un note de recherche les experts d'Allianz Trade.

L'appréciation du dollar reflète sa large domination aujourd'hui sur la scène internationale. La Banque populaire de Chine soulignait d'ailleurs lundi que « bien que le yuan se soit récemment quelque peu déprécié par rapport au dollar américain, il reste fondamentalement stable par rapport à un panier de devises ».

Le rôle international du yuan reste marginal

Surtout, la prépondérance du billet vert montre qu'il est loin de pouvoir être détrôné. Car malgré la volonté du gouvernement chinois d'internationaliser le yuan, une mesure inscrite dans le plan quinquennal de 2021, le rôle de la devise chinoise reste encore largement marginal, même s'il va croissant. Ainsi, selon le dernier pointage du système de transaction SWIFT, la part du yuan dans le commerce international était de 2,77% contre 1,81% il y a un an.

De même, à la fin du premier trimestre de cette année, la part de la devise chinoise dans les réserves mondiales de change s'élevait à 2,58%, sans commune mesure avec celle du dollar (59,02%), de l'euro (19,77%), et même du yen (5,47%), ou de la livre sterling (4,85%), selon les données du Fonds monétaire international (FMI).

Robert Jules
Commentaires 19
à écrit le 13/09/2023 à 9:40
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Alors la censure de La Tribune, pas satisfaite de mes développements qui respectent pourtant la charte? 🤔

à écrit le 13/09/2023 à 8:57
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Déjà que l'euro est un nain face au dollars...

à écrit le 12/09/2023 à 21:37
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1ère étape du circuit de l'or russe vers la Chine. Depuis le 03 août 2022, il est interdit d'acheter, d'importer ou de transporter de l'or en provenance de Russie. Oui mais!!! Mais avant et depuis longue date, la Russie a stocké plusieurs tonnes d'or...

à écrit le 12/09/2023 à 20:59
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Selon l'économiste en chef chez Pinpoint Asset Management Ltd, Zhang Zhiwei, "les prêts hypothécaires ont rebondi ces dernières semaines, ce qui indiquerait que les baisses de taux et l'assouplissement des politiques dans le secteur immobilier ont co...

à écrit le 12/09/2023 à 18:01
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La baisse d'une monnaie, n'est elle pas bonne pour les exportations ?

le 12/09/2023 à 21:11
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C'est surtout la hausse du dollar (i.e. obligation à coupon nul) manipulé par la Fed contre *toutes* les autres devises permet au régime de Biden de ne pas crouler sous le poid de l'inflation...

le 12/09/2023 à 23:00
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Ben le pétrole russe payé en Monnaie de singe.. euh en yuan qui perd de la valeur va pas faire les affaires de Poutine … quand aux importations de pétrole depuis le moyen orient (39% des besoins chinois) eux vont être plus cher car libellé en dollars...

à écrit le 12/09/2023 à 13:06
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Je dis ça mais je dis rien🤔Où en est la Chine dans son processus de dédollarisation et à quel niveau se situe son stock d'or?😉 Car l’un des secrets les mieux gardés du monde de la finance concerne la quantité d’or détenue par la banque centrale chino...

le 12/09/2023 à 14:27
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@Raymond Et alors, l'économie chinoise plante comme prévu. Quelque soit la taille du pansement or, il ne va pas sauver la Chine malade. Ca pourra juste masquer le cancer et retarder l'échéance. Mais grâce à cet or supposé, la Chine pourrait certaine...

le 12/09/2023 à 14:56
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@Alain "cette croissance restera plus élevée pour la France." Elle n'est pas plus élevée en termes de pib par habitant. Notre démographie plus dynamique ne peut pas cacher notre appauvrissement rélatif face à l'Allemagne. Et en plus notre croissanc...

le 12/09/2023 à 16:54
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@Alain d. Libre à vous de croire ou penser ce que vous voulez, mais l'actualité parlera assurément de la "relique barbare" chinoise et ses implications avec la dévaluation du yuan. Relisez-moi: "Je dis ça mais je dis rien"😉

le 12/09/2023 à 17:23
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On parle de 20000 tonnes j'ai cherché un peu. C'est énorme !

le 12/09/2023 à 17:56
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@Adieu BCE Oui ça fait bien longtemps que le PIB du français est plus faible que celui de l'allemand, ce n'est pas un scoop. Mais si les PIB de la France et du Royaume-Uni progressent plus vite que celui de l'Allemagne, à un moment donné, quand les...

le 12/09/2023 à 18:01
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@Raymond "Libre à vous de croire ou penser ce que vous voulez" Merci, c'est sympa, vous me rassurez, petit détail d'une des différences de la ZE avec la Russie et la Chine.

le 12/09/2023 à 18:04
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@Fredo30 Pas si énorme que cela, rapporté aux nombres de chinois à assister lors d'une crise. A supposer que ce chiffre soit exact.

le 12/09/2023 à 20:33
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@Fredo30. Vous êtes encore bien en deçà du tonnage le plus proche. Qu'est-ce que j'ai précisé dans mon post? "Il n’y a qu’un seul moyen de savoir combien la banque centrale chinoise en achète : par l’intermédiaire de personnes en contact étroit avec ...

le 13/09/2023 à 0:06
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@Alain d. La Tribune me censure toutes mes dernières interventions avec mes développements et chiffres😤Cela dérange-t-il à ce point le média français?

à écrit le 12/09/2023 à 13:01
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Le Rouble, le Yuan, sont à la peine. Quant aux Brics, les pays adhérents vont inévitablement se poser la question de la volatilité de ces monnaies, et donc de la capacité de la Russie et de la Chine de construire des économies fiables , durables, in...

le 13/09/2023 à 11:01
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Le $ est en train de se devaluer in situ et l'inflation us inquiete en haut lieu. L'euro, lui plonge allegrement ce qui va alimenter votre inflation qui galope deja pas mal. Pas de souci pour la Chine. Ses reserves de change estimees a 3000 milliard...

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