Salaires : l'OCDE sonne l'alarme

Par Grégoire Normand  |   |  751  mots
"Ce qui est plus inquiétant encore, c'est que la stagnation des salaires touche beaucoup plus les travailleurs faiblement rémunérés que ceux qui se situent au sommet de l'échelle des salaires", met en garde l'organisation.
Si l'emploi va mieux dans la zone OCDE et a retrouvé son niveau "d'avant crise", la croissance des salaires est en revanche "plus morose". Les économistes de l'organisation s'inquiètent de leur stagnation, en particulier pour les "travailleurs les plus faiblement rémunérés".

La dynamique des salaires peine à se faire sentir. Si la situation sur le marché du travail s'est améliorée dans l'ensemble des pays de l'OCDE, cette embellie est éclipsée par une stagnation des salaires. "La croissance des salaires reste beaucoup plus morose qu'avant la crise financière." Lors de la conférence de presse mercredi 4 juillet, le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, a ainsi déclaré que :

"La tendance au redressement de l'emploi sans progression parallèle des salaires met en évidence non seulement les changements structurels à l'œuvre dans nos économies, que la crise financière a accentués et accélérés, mais aussi l'impérieuse nécessité pour les pays de soutenir les travailleurs, et plus particulièrement les moins qualifiés d'entre eux."

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[Le secrétaire général de l'OCDE Angel Gurria lors d'une conférence de presse le 12 juin dernier. Crédits : Michele Tantussi/Reuters.]

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Une croissance morose des revenus

Selon l'étude de l'institution internationale publiée le 4 juillet, certains indicateurs relatifs au marché du travail se portent bien dans les pays développés. Au premier trimestre 2018, le taux d'emploi moyen était de deux points supérieurs au niveau le plus élevé atteint avant la crise. En ce qui concerne les projections pour 2018 et 2019, le taux d'emploi et le taux de chômage devraient encore s'améliorer. Le dernier indicateur devrait s'établir à 5,3% fin 2018 et 5,1% fin 2019.

Pour autant, la croissance des salaires "demeure sensiblement inférieure à ce qu'elle était avant la crise pour des niveaux de chômage comparables" souligne l'OCDE. Les économistes expliquent que les anticipations de faible inflation et le ralentissement de la productivité, qui ont été très importants pendant la récession, "ne se sont pas encore totalement inversés." La montée en puissance des emplois à temps partiel ont également joué un rôle prépondérant sur la faible croissance moyenne des salaires.

"Les revenus des personnes travaillant à temps partiel se sont détériorés significativement par rapport à ceux des personnes travaillant à temps plein, et le travail à temps partiel subi a augmenté dans un certain nombre de pays."

Outre le poids des emplois à temps partiel dans la population active, l'organisation internationale explique que les personnes qui ont repris un travail après une longue période du chômage, "conjugué à des taux de chômage toujours élevés dans certains pays, ont conduit à une hausse du nombre de travailleurs à bas salaire, ce qui a freiné la croissance moyenne des salaires." La précarisation du travail dans les années qui ont suivi la crise a donc eu un impact conséquent sur les revenus des travailleurs.

Des perspectives favorables pour la France

Pour la France, les experts du château de la Muette, siège de l'OCDE à Paris, estiment que le taux de chômage devrait encore reculer au moins jusqu'au dernier trimestre 2019 pour passer en deça de barre des 8%. En dépit de ces projections favorables, le taux de chômage est 1,6 point de pourcentage au dessus de son niveau le plus bas atteint avant la crise, début 2008 et 3,4 points supérieur à la moyenne des pays développés.

Du côté des salaires, les résultats ne sont pas non plus faramineux. Le salaire horaire a augmenté à un rythme légèrement plus soutenu en France qu'en moyenne dans les 35 pays membres de l'organisation.

"Néanmoins, dans un contexte de chômage persistant, la hausse des salaires reste limitée depuis fin 2012, fluctuant en moyenne autour de 1% en glissement annuel."

 Un faible taux de syndicalisation

Les auteurs du rapport rappellent que la négociation collective peut contribuer à lutter contre les inégalités, "tout en soutenant le pouvoir d'achat et en améliorant les conditions de travail." Malgré ces possibles avancées, l'organisme souligne que la France affiche l'un des taux de syndicalisation les plus bas : 11% contre 17% en moyenne dans l'OCDE.

Par ailleurs, l'OCDE salue la réforme de l'assurance chômage et de la formation qui vise à élargir les indemnisation des chômeurs aux particuliers et aux démissionnaires. "Cette évolution est la bienvenue dans un contexte où les parcours professionnels sont de moins en moins linéaires et où le travail indépendant progresse."  Pour autant, les modalités et notamment la liste des critères pour ouvrir les droits suscitent régulièrement des débats sur la réelle volonté du gouvernement d'ouvrir le dispositif à un public plus large.