Passation de pouvoir : Gabriel Attal, nouveau Premier ministre, veut « donner la priorité au travail »

Par latribune.fr  |   |  1847  mots
A 34 ans, Gabriel Attal a eu les faveurs du président écartant deux autres prétendants, Julien Denormandie et Sébastien Lecornu. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
À 34 ans, celui qui avait été nommé en juillet dernier au poste de ministre de l'Education nationale a été choisi par Emmanuel Macron pour succéder à Elisabeth Borne qui a remis sa démission lundi. Un profil plus politique en vue des élections européennes en juin, mais aussi un Macroniste de la première heure, issu de la gauche, chargé d'offrir à Emmanuel Macron l'élan que son second quinquennat n'a jamais trouvé.

[Article publié le mardi 9 janvier 2023 à 12H21 et mis à jour à 15H35]Après un long suspense, Gabriel Attal, 34 ans, a été nommé ce mardi Premier ministre, le plus jeune de l'histoire de la V République. L'Elysée a, en effet, confirmé dans un communiqué qu'Emmanuel l'a chargé « de former un gouvernement » à la place d'Elisabeth Borne qui a démissionné lundi.

A 14H30, celui qui effectuera, ce mardi après-midi son premier déplacement dans le Pas-de-Calais, département, de nouveau, fortement touché par des inondations, est arrivé à Matignon.

Il s'est entretenu avec l'ancienne cheffe de l'Etat avant que débute la passation de pouvoir avec cette dernière. A cette occasion, elle s'est « réjouie » de rejoindre l'Assemblée en tant que députée du Calvados. « J'ai tenu sans trembler le cap fixé par le président de la République », a-t-elle affirmé. Et s'adressant aux femmes, l'ancienne cheffe du gouvernement a lancé : « tenez bon », « l'avenir vous appartient.  »

Lire aussiTous les défis de Gabriel Attal

Une nomination, symbole « d'audace et de mouvement »

Prenant la parole à sa suite, Gabriel Attal n'a pas manqué de saluer sa prédécesseure, saluant « une première ministre d'action et de courage ». «Nous savons tout ce que nous te devons. Elisabeth, Mme la première ministre, merci pour tout», a-t-il conclu.

Il a, ensuite, dit voir dans sa nomination un symbole « d'audace et de mouvement ». Rappelant sa précédente mission de ministre de l'Education nationale, il a affirmé emmener à Matignon « la cause de l'école »« la mère de nos batailles » et à qui il donnera, « en tant que Premier ministre, tous les moyens d'action nécessaires pour sa réussite ». Et d'ajouter qu'elle sera sa « priorité absolue sans [s]on action à la tête du gouvernement », promettant « une forme de continuité ».

Il a également annoncé se fixer l'objectif de « garder le contrôle de notre destin et libérer notre potentiel français » et qu'il réunira les « forces vives du pays dès cette semaine ».

Concernant l'économie, qu'il souhaite « transformer », Gabriel Attal a développé « trois axes majeurs » en commençant par « la priorité donnée au travail. Travailler doit toujours être mieux valorisé que ne pas travailler », a-t-il insisté, rappelant néanmoins le poids de l'inflation sur le portefeuille des Français. Vient ensuite, « l'acte deux de la libération de notre économie, notamment avec la simplification drastique de la vie de nos entreprises et de nos entrepreneurs », avant de conclure : « Et c'est enfin l'action résolue que nous devons mener pour notre jeunesse dont le talent ne demande qu'à s'exprimer ».

Macron compte sur l'« énergie » de Gabriel Attal

Peu après sa nomination officielle, sur le réseau social X, le chef de l'Etat a affirmé compter sur l'« énergie » de Gabriel Attal pour mettre en œuvre son « projet de réarmement et de régénération », selon ce qu'il avait annoncé lors de ses vœux du Nouvel An : un « réarmement industriel, économique, européen » mais aussi « civique », autour notamment du vaste chantier de l'école que Gabriel Attal a porté depuis l'été en initiant de nombreuses réformes d'ampleur.

Même enthousiasme du côté de Stéphane Séjourné, député européen macroniste et président de groupe centriste Renew Europe depuis 2021. « Je salue la nomination de Gabriel Attal. Nous avons besoin de son talent pour la poursuite de nos engagements politiques. Merci à Elisabeth Borne pour tout le travail accompli », écrit-t-il dans un post sur X. L'élu au Parlement européen a connu Gabriel Attal lorsqu'il était membre du parti socialiste et est depuis devenu son compagnon dans la vie.

Quatrième personnage de l'Etat, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, a aussi félicité le nouveau Premier ministre sur X : « J'adresse tous mes vœux de succès à Gabriel Attal, nouveau Premier ministre. Je sais que nous pourrons travailler ensemble en confiance afin de poursuivre à l'Assemblée nationale les réformes économiques et sociales engagées au service des Français. »

Macroniste et issu de la gauche

Emmanuel Macron a donc choisi un profil plus politique, un chef de la majorité capable de livrer bataille en vue des élections européennes de juin prochain. Le constitutionnaliste, Benjamin Morel, dit d'ailleurs de lui qu'il incarne une « stratégie très offensive en vue » de ces élections et pour lesquelles l'extrême droite est donnée gagnante en France.

Lire aussiRécit : cent-cinquante jours dans les pas de Gabriel Attal

Il est aussi un Macroniste de la première heure qui offre des garanties aux tenants de l'aile gauche de la majorité. Issu de la mouvance des jeunes soutiens de Dominique Strauss-Kahn, ancien poids lourd de la gauche tombé en disgrâce après avoir été arrêté pour agression sexuelle en 2012 à New York, Gabriel Attal avait, en effet, fait partie des premiers socialistes à suivre Emmanuel Macron lors de la création en 2016 de son parti En Marche!, tremplin vers l'Elysée.

Préféré à Julien Denormandie et Sébastien Lecornu

Avant ce poste, le jeune marconiste avait été le plus jeune membre du gouvernement sous la Ve République en 2018, en endossant la fonction de secrétaire d'Etat à la Jeunesse auprès du ministre de l'Éducation nationale de l'époque, Jean-Michel Blanquer. Un poste qu'il a lui-même occupé à partir de juillet 2023, après s'être occupé du Budget à Bercy.

Lire aussiTous les défis de Gabriel Attal

Gabriel Attal a ainsi reçu les faveurs du président, écartant les autres pressentis. Parmi eux figuraient Julien Denormandie, 43 ans, marcheur de la première heure et quasiment ombre portée du chef de l'Etat depuis dix ans. Mais aussi Sébastien Lecornu, 37 ans, ministre des Armées issu de la droite, qui s'est, au fil des années, taillé une place dans le cercle des conseillers politiques du président. Mais son profil n'a pas été recommandé par le patron du MoDem, François Bayrou, allié de poids du chef de l'Etat, qui le juge en contradiction avec l'idée d'un dépassement du clivage droite-gauche.

Un nouveau gouvernement sous le signe du « réarmement »

À  34 ans, il aura pour mission d'offrir à Emmanuel Macron l'élan que son second quinquennat n'a jamais trouvé. En effet, il « incarne un élan, une dynamique, une audace dont on a sûrement besoin », résumait ce mardi à l'AFP un cadre de la majorité.

Lire aussiEmmanuel Macron : 2024 doit être une « année de la détermination, de l'efficacité et des résultats »

Mais le deuxième quinquennat Macron est englué dans les difficultés : sans majorité à l'Assemblée depuis 2022, confronté à la montée du Rassemblement national, le président peine à donner du souffle à son mandat. L'adoption dans la douleur de l'impopulaire réforme des retraites, et plus récemment d'une loi immigration soutenue par l'extrême droite qui a divisé la majorité présidentielle, ont aussi laissé des traces.

La nomination de Gabriel Attal offre donc des garanties aux tenants du « dépassement » du traditionnel clivage droite-gauche. Mais, elle « ne réglera pas le problème de la majorité, ni le problème principal qui est ''où est le cap principal du mandat'' », souligne le politologue Bruno Cautrès même si le jeune ministre peut faire penser au « Macron du départ, un briseur de code ».

Une personnalité appréciée des Français... et des Républicains

Le nouveau Premier ministre est en tout cas une personnalité appréciée des Français. En témoigne la première place ravie à l'ancien Premier ministre, Edouard Philippe (qui l'occupait depuis son départ de Matignon) au baromètre mensuel des personnalités politiques réalisé par Ipsos-Le Point en décembre dernier.

Lire aussiEmmanuel Macron devrait s'inspirer de Gabriel Attal

De même auprès du parti Les Républicains (LR). À commencer par leur patron, Eric Ciotti, qui disait de lui, quelque temps plus tôt, qu'il « a fait un sans-faute depuis qu'il est à l'Éducation » se montrant également sensible au fait que le ministre retienne les Alpes-Maritimes, son fief, parmi les collectivités qui expérimenteront le port de l'uniforme à partir de septembre, durant deux ans.

Sur la plateforme X, le patron des Républicains a salué la nomination de Gabriel Attal en ces termes  : « Emmanuel Macron a choisi Gabriel Attal pour diriger le Gouvernement. La France a un besoin urgent d'action : elle a besoin d'une autre méthode. La communication permanente doit laisser place à une politique de clarté et de fermeté. »

Si sa jeunesse et sa nomination récente à l'Education nationale étaient invoquées ces derniers jours par plusieurs conseillers pour écarter l'hypothèse de sa nomination, les mêmes arguments justifient désormais sa promotion. « La jeunesse, la cote dans l'opinion et la capacité réelle ou supposée à conduire la campagne gouvernementale des européennes ont fait la différence », croit savoir la source proche de l'exécutif. « Il est populaire, jeune, et c'est quelqu'un créé de toutes pièces par Macron », abonde une ministre.

Lire aussiÉlisabeth Borne, histoire d'une occasion manquée

Un « M. Macron junior  », tacle Mélenchon de LFI

Un enthousiasme loin d'être partagé du côté de la France Insoumise. Ce mardi, avant l'annonce de sa nomination, la cheffe des députés LFI, Mathilde Panot, a, en effet, qualifié Gabriel Attal de « M. Macron junior, qui s'est spécialisé dans l'arrogance et le mépris ».

C'est celui qui a assumé tout de la Macronie : il s'est fait connaître en défendant mordicus Emmanuel Macron et Alexandre Benalla au moment de l'affaire Benalla, a-t-elle taclé lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale.

Il « est celui qui a commencé une rentrée scolaire en préférant se focaliser sur l'habit de jeunes femmes et sur l'interdiction de l'abaya », a-t-elle poursuivi. L'interdiction de l'abaya au nom de la laïcité, décidée à la rentrée de septembre 2023 par le ministre, avait été violemment critiquée par La France insoumise, qui a dénoncé une forme de « sexisme » et de « racisme ».

Nommé ministre de l'Education nationale le 20 juillet dernier en remplacement du discret Pap Ndiaye, Gabriel Attal sera resté à peine cinq mois et vingt jours, soit le deuxième séjour le plus court à ce poste sous la Ve république, après celui de Benoît Hamon en 2014 (quatre mois et 24 jours).

Un engagement insuffisant selon Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat enseignant du second degré (collèges et lycées). « A peine six mois, c'est un passage éclair, avec des annonces éclair dont on peut se demander si elles n'étaient pas destinées à une ambition politique », a-t-elle déclaré à l'AFP.

(Avec AFP)