Le 27 août, Élisabeth Borne revient de Tourcoing. Elle y a marqué un point. Alors que la rentrée de Gérald Darmanin a mis le feu à la majorité ces derniers jours, elle a sèchement rappelé à l'ordre son ministre de l'Intérieur lors d'un discours d'à peine dix minutes. Par la suite, nombre de ses proches lui conseilleront de s'aventurer de nouveau ainsi sur le terrain politique. Le 9 novembre, elle reçoit à dîner sept ministres qui figurent dans cette catégorie. Autour de la table, Stanislas Guerini, Clément Beaune ou Olivia Grégoire l'incitent à « refaire du Tourcoing ». Mais la Première ministre ne suivra pas leur conseil. « Il y a toujours une forme de réticence. Elle avait un capital politique entre juillet, où elle avait été reconduite à Matignon, et fin août. L'élan est retombé », concluait, dépité, un de ses soutiens en décembre.
Et si c'était là l'occasion qu'elle avait manquée ? Pour Élisabeth Borne, les heures paraissent désormais comptées Rue de Varenne, six cents jours après son installation. Peu d'entre eux y auront été tranquilles. À l'Assemblée, la majorité relative a été une source de préoccupation permanente. « Il y a assez peu de textes dont je n'ai pas besoin de me mêler », confiait-elle encore récemment. Les poids lourds de son gouvernement, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, n'en ont fait dès le début qu'à leur tête. Fréquemment, Emmanuel Macron l'a mise en insécurité, posant la question de son maintien à son poste. « Elle ne prend pas de plaisir à Matignon comme on finit normalement par le faire quand on commence à maîtriser à peu près les choses », constatait il y a peu Édouard Philippe.
« Plein d'élan »
Au sein de la majorité, ces dernières semaines, l'ancien Premier ministre est l'un de ses ultimes soutiens. Cet automne, pour Élisabeth Borne, tout s'est en effet un peu plus compliqué. Elle a perdu l'appui de Richard Ferrand, qui avait été pour beaucoup dans sa promotion Rue de Varenne. Régulièrement, le dimanche après-midi, elle appelait l'ancien président de l'Assemblée nationale pour prendre conseil auprès de lui. Au sein de son gouvernement, elle multiplie les mésententes. En mauvais terme dès sa nomination avec Sébastien Lecornu et, depuis la réforme des retraites, avec Olivier Dussopt, elle se fâche en octobre avec Éric Dupond-Moretti à la veille de son procès devant la Cour de justice de la République. En décembre, c'est avec Bruno Le Maire.
Son emploi du temps ne lui appartient plus. Les 49.3 déposés à répétition pour faire adopter les textes budgétaires et les motions de censure qu'ils suscitent en réaction la coincent des heures interminables au Palais-Bourbon. Cela finit par la ronger. « Heureusement, les gens regardent peu ce qui se passe à l'Assemblée. Cela les dégoûterait encore plus », soupire-t-elle auprès de ses proches. Et puis l'adoption de la loi immigration tournera également mal pour elle. Si elle reprend le dossier en main après l'incapacité de Gérald Darmanin de le mener à bien, elle sera la première victime des fractures que le deal passé avec Les Républicains provoquera dans la majorité. Ce sont des ministres et des députés issus de l'aile gauche, comme elle, qui se cabreront. « Le président lui a mis la séquence sur le dos », avance un membre du gouvernement.
« Moi, j'ai plein d'élan », assurait encore la Première ministre à la mi-décembre. Si Emmanuel Macron pense autrement, Élisabeth Borne pourra siéger à l'Assemblée, ayant été élue députée du Calvados lors des législatives. Souhaitera-t-elle structurer un courant ? « Je ne crois pas qu'elle puisse agréger un groupe de 40 députés », estime un bon connaisseur du Parlement. Au sein de la majorité, certains imaginent aussi que le chef de l'État pourrait lui proposer la présidence du Conseil constitutionnel, vacante dans un an.