Cela aura été son automne. Dès son arrivée en juillet au ministère de l'Éducation, Gabriel Attal l'aura savamment séquencé, égrenant régulièrement les annonces fortes. Cela a payé. Dans l'opinion, il a imprimé. Cette semaine, il a pris la tête du baromètre mensuel des personnalités politiques Ipsos-Le Point, détrônant Édouard Philippe qui l'occupait depuis son départ de Matignon. En Macronie, qui a traversé un trimestre plus que rude, il est devenu une valeur d'avenir. « Gabriel Attal aura été une bouffée d'oxygène cet automne », assure Robin Reda, député Renaissance de l'Essonne. Même Les Républicains lui ont attribué moult lauriers. « Il a fait un sans-faute depuis qu'il est à l'Éducation », salue Éric Ciotti, leur patron, sensible également au fait que le ministre retienne les Alpes-Maritimes, son fief, parmi les collectivités qui expérimenteront le port de l'uniforme à partir de septembre, durant deux ans. Bientôt, Gabriel Attal détaillera les modalités de ce test.
« Échafaud ou tremplin »
Les mois à venir, celui-ci les a conçus de la même manière. Les nouveaux chantiers sont multiples et prêts. En janvier, le locataire de la Rue de Grenelle présentera sa réforme de l'éducation morale et civique, puis en février, celle de l'éducation artistique. Cet hiver sont également attendus un plan autorité, une révision de la formation des enseignants, la présentation de structures conçues pour accueillir les élèves radicalisés, promises après l'attentat d'Arras... Gabriel Attal veut continuer à aller vite et profiter de l'état de grâce qu'il connaît. Dans son jeu, il a deux atouts. Pour nombre de ses projets, il n'a pas besoin de passer par la loi, alors qu'à l'Assemblée la majorité relative rend pour l'exécutif tout compliqué. En faisant de l'éducation un « domaine réservé », l'Élysée permet au trentenaire de court-circuiter la case Matignon. En ce moment, celui-ci négocie donc avec le président la création de postes pour accompagner la mise en place de groupes de niveau en français et en maths au collège, comme il l'a annoncé.
Pour le successeur de Pap Ndiaye, tout peut-il continuer comme cela a commencé ? « On a toujours présenté ce ministère davantage comme l'échafaud que comme le tremplin, assure Gabriel Attal. C'est ce sur quoi on m'a le plus alerté avant mon arrivée. Je ferai peut-être face à des blocages, des grèves. Si ça devait être le cas, l'important est d'être toujours capable d'expliquer aux Français pourquoi il faut mettre en place telle ou telle mesure. » « Son enjeu, c'est ce que diront les parents dans deux ans », estime un proche du chef de l'État. « Son approche est intéressante pour les gens ; après, il faut que cela entre dans la réalité, ce qui n'est pas si simple, mettait en garde jeudi François Bayrou sur France 5. Pour avoir été presque cinq ans ministre de l'Éducation, j'ai une petite idée de ce sujet. » À la rentrée, Gabriel Attal a ainsi proposé aux professeurs un pacte, où en échange de nouvelles missions ils obtiendraient un complément de rémunération. Pour l'instant, la mesure ne remporte qu'un succès mesuré. Dans son livre publié cet automne, Une histoire française, Alain Juppé rapportait cette anecdote, remontant au temps où il était ministre du Budget, à propos de son collègue alors chargé de l'Éducation nationale : « René Monory réclamait, avec énergie, une forte augmentation de la rémunération des enseignants mais acceptait, en contrepartie, de leur demander une présence accrue auprès des élèves. J'appréciais cette démarche courageuse... et rare. Sans lendemain, hélas. »
C'était en 1986. Gabriel Attal naîtra trois ans plus tard. Aujourd'hui, il a 34 ans et désormais certains l'imaginent comme l'héritier du macronisme, alors que Jordan Bardella incarne aussi un saut générationnel. Proche de Bruno Le Maire et de Jean Castex, le ministre de l'Éducation a pacifié au printemps ses relations avec Édouard Philippe et veillé cet automne à ne jamais entrer en concurrence avec Gérald Darmanin. Quelle que soit sa place, comment ne serait-il pas incontournable en 2027 ?