Récit : cent-cinquante jours dans les pas de Gabriel Attal

Ses dialogues avec Sarkozy, sa relation avec Macron, ses premiers chantiers... Comment le ministre de l'Education s'est imposé.
Le 7 novembre, à Paris, au lycée Pierre-Gilles-de-Gennes en compagnie de Brigitte Macron.
Le 7 novembre, à Paris, au lycée Pierre-Gilles-de-Gennes en compagnie de Brigitte Macron. (Crédits : © Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM)

28 août - « La parole performative »

À l'Élysée, Gabriel Attal fait face à Brigitte Macron. C'est la troisième fois qu'ils déjeunent ensemble. Au tout début de son aventure, quand il était devenu secrétaire d'État à la Jeunesse lors du premier quinquennat, la première dame avait invité le jeune espoir macroniste à sa table. Par la suite, il l'avait convié au porte-parolat, où il avait entre-temps été nommé.

Désormais, tout a changé. Le trentenaire a pris du poids. Depuis un mois, il est devenu ministre de l'Éducation nationale. Rue du Faubourg-Saint-Honoré, depuis 2017, l'épouse du chef de l'État a toujours suivi plus qu'un autre ce sujet-là. Aujourd'hui, Gabriel Attal est venu accompagné de sa directrice de cabinet et de son conseiller spécial. Avec Brigitte, ils passent en revue ce qu'ils feront ensemble l'automne qui vient. La lutte contre le harcèlement, la lecture, la scolarisation des enfants malades sont des dossiers auxquels elle est particulièrement attachée. Ils actent aussi le fait de déjeuner ensemble une fois par trimestre. Durant le repas, le président passe une tête, accompagné du chien Nemo.

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Plus tôt dans la matinée, Gabriel Attal a tenu une conférence de presse où il a dévoilé ses chantiers. Il a promis un « choc des savoirs » pour lutter contre la baisse inquiétante du niveau des élèves. La veille, il a déjà frappé un grand coup. Invité du 20 Heures de TF1, il a annoncé l'interdiction de l'abaya dans les enceintes scolaires. « Il y avait chez les chefs d'établissement une attente de règle claire au niveau national, elle est donnée », a-t-il assené. Sa consigne fait depuis la une de l'actualité. L'objectif est atteint. Les bases du style Attal sont posées : des annonces cash et concrètes suivies d'effet. On appelle cela la « parole performative ». C'est la marque qu'il veut imprimer.

5 septembre - « Mis au pas »

Ce soir, un de ses collègues lui a organisé un dîner avec une dizaine de profs. Vers 22 heures, Gabriel Attal reçoit un message de Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur l'informe qu'un adolescent de 15 ans, Nicolas, s'est suicidé à Poissy, après avoir été, l'an scolaire passé, victime de harcèlement. C'est la première crise que le ministre de l'Éducation a à gérer. Quelques jours plus tard, après la révélation d'un courrier où le rectorat de Versailles avait répondu en des termes jugés choquants aux parents du collégien qui l'alertaient sur la détresse de celui-ci, il pointera les failles de son administration. « Il a mis au pas les recteurs, commentera un conseiller élyséen admiratif. Il n'y a pas un ministre qui ose faire cela. »

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8 septembre - Wauquiez, un an après

Comme on se retrouve... Laurent Wauquiez accueille le nouveau ministre de l'Éducation à Meyzieu afin d'inaugurer le lycée Arnaud-Beltrame. Il y a un an, à l'occasion de l'université d'été du Medef, ils avaient participé à une table ronde sur la dette. L'ambiance avait été fraîche. En coulisses, ils s'étaient à peine adressé la parole. Cette fois, cela n'a rien à voir. Entre le patron de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, qui entend être le candidat LR en 2027, et Gabriel Attal, le tutoiement est de rigueur. Les amabilités fusent. Laïcité, autorité, sécurisation des établissements..., ils apparaissent sur la même longueur d'onde tout au long de la visite.

12 septembre - « À mort, à mort ! »

Depuis 2017, on ne compte plus les ministres et les députés du nouveau monde qui se sont rendus rue de Miromesnil afin de rencontrer l'un des plus éminents représentants de l'ancien. Gabriel Attal a fait figure d'exception. S'il a pu croiser lors de diverses cérémonies Nicolas Sarkozy, jamais il n'a échangé longuement avec lui. En ce mardi de rentrée, l'heure est arrivée. C'est l'ex-chef de l'État qui en a pris l'initiative. Pour son déjeuner avec lui, le trentenaire est venu avec un cadeau : un bulletin de vote de Gaulle datant de 1958.

À l'Élysée, Nicolas Sarkozy s'était passionné pour l'éducation. Lors du repas, il n'est pas avare de conseils pour celui qui en a désormais la charge. Il lui suggère d'être à sa façon également ministre de la Culture. Il l'incite à prononcer un discours fondateur sur le métier d'enseignant. Ce genre d'exercice très solennel fait aussi partie, selon lui, du métier. Dans sa conquête puis sa pratique du pouvoir, cela a joué un rôle essentiel. Et de commencer à réciter son fameux discours de la porte de Versailles, le 14 janvier 2007 : « J'ai changé car les épreuves de la vie m'ont changé... »

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Ensemble, ils parlent du climat de la rentrée. Gérald Darmanin, le protégé de Nicolas Sarkozy, vient de fracturer la majorité avec son raout de Tourcoing. L'ex-chef de l'État juge qu'il a raté son opération. À l'occasion de la promotion de son livre Le Temps des combats, il n'a pas dissimulé quelques divergences avec son successeur en matière de politique étrangère. « Je dois beaucoup au président Macron, lui confie Gabriel Attal. En 2017, je n'étais rien. J'ai progressé grâce à lui. » « La fidélité en politique, c'est important », estime Nicolas Sarkozy. Il a toujours été particulièrement sensible à cette qualité.

Et 2027 ? L'ancien locataire de l'Élysée met les pieds dans le plat : « Pourquoi vous n'y songeriez pas, après tout ? » « Vous ne pensez pas que je suis trop jeune ? » lui répond son invité. « Moi, toute ma vie on m'a dit que j'étais trop jeune, et puis un jour vous vous regardez dans le miroir et vous êtes trop vieux, réplique l'ancien chef de l'État. S'il y a un trou de souris, il faut y aller. À mort, à mort ! » Nicolas Sarkozy tape du poing dans la main pour accompagner ces derniers mots.

18 septembre - « Tu ne peux pas dire non »

Le dîner a lieu chez Lipp. Bruno Le Maire aime bien aller dans cette brasserie de Saint-Germain-des-Prés ; ce n'est pas loin de chez lui. Ce soir, il y retrouve son ancien colocataire de Bercy. Pendant quatorze mois, Gabriel Attal a été son ministre délégué aux Comptes publics. Durant ces quatre cent vingt-six jours, tout s'est bien passé. « Dans la manière de faire de la politique, c'est celui qui m'a le plus appris de choses », confiera après coup le cadet.

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En juillet, Bruno Le Maire a fait partie de ceux qui l'ont incité à accepter le portefeuille de l'Éducation. « Il y a quelques mois, tu m'avais dit de ne pas y aller. Toimême, tu as fait savoir que tu ne voulais pas y aller. Et tu veux que j'y aille ? » lui avait rétorqué Gabriel Attal. « C'est le président et la Première ministre qui te le demandent, tu ne peux pas leur dire non », lui avait certifié le ministre des Finances. Dans la prise de décision, l'argument avait porté. À l'époque, le trentenaire avait déjà décliné la première offre qui lui avait été faite : la Santé. Quand Élisabeth Borne l'avait rappelé pour lui proposer l'Éducation, il avait hésité. Assez vite, poussé par son équipe, il avait reconnu qu'il ne pouvait pas rejeter cette nouvelle affectation. La santé et l'éducation étaient les deux chantiers prioritaires du chef de l'État. Refuser l'un puis l'autre, de quoi aurait-il eu l'air ?

28 septembre - Au millimètre

Un mois à peine après son premier passage, le ministre de l'Éducation est de nouveau l'invité du 20 Heures de TF1. Ce soir, il y dévoile le nouveau calendrier du bac repensé pour qu'en juin les lycéens ne soient plus désœuvrés.
Comme d'habitude, sa prestation a été préparée au millimètre avec le quatuor qui accompagne dans l'ombre son ascension : Fanny Anor, sa directrice de cabinet, Louis Jublin, son conseiller en communication, Maxime Cordier, son conseiller spécial, et Antoine Lesieur, son chef adjoint de cabinet. Ensemble, ils ont imaginé toutes les questions. Afin de ne pas gaspiller une seconde de son intervention, Gabriel Attal a répété au mot près ses réponses. Dans sa montée en puissance, la communication joue un rôle clé. Quitte parfois à agacer. Il y a quelques jours, Élisabeth Borne n'a guère apprécié que certaines des mesures du plan contre le harcèlement scolaire qu'elle devait dévoiler fuitent dans Le Parisien. « Dis à ton communicant que ce n'est plus possible », a-t-elle fait remarquer à Gabriel Attal. Lui-même est sa propre vigie. Il lit presque tous les messages qui lui sont envoyés sur les réseaux et scrute méticuleusement ce qui y est écrit sur ce qu'il fait ou dit.

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4 octobre - « Dans le dur »

Gabriel Attal déjeune avec Annie Genevard. Au sein de LR, la députée du Doubs est spécialiste des questions d'éducation. Elle apprécie beaucoup ce macroniste. « Tu n'es pas encore entré dans le dur, je te préviens », le met-elle en garde. « Je le sais bien, lui répond son hôte. Je n'oublie pas que Jean-Michel Blanquer était plébiscité à son arrivée. »

5 octobre - « C'est pire que "La Voix du Nord" »

Le conseil de Nicolas Sarkozy a été suivi. « Nous, les Français, nous aimons nos professeurs », dit Gabriel Attal dès les premières minutes du discours, où il dessine sa vision du métier d'enseignant. Il y a beaucoup travaillé. La scénographie a été soignée. Il parle sur l'esplanade de la bibliothèque François-Mitterrand.

Son propos est sans ambiguïté. « Oui nous tournons la page du pas de vagues », affirme-t-il, plaidant pour davantage d'« autorité ». Il réclame « plus d'exigence » vis-à-vis des élèves : « Élever le niveau, c'est l'urgence de notre école. Le rattrapage que nous avons à faire est colossal. » Il entend remettre chacun à sa place. « La relation entre l'élève et le professeur n'est pas d'égal à égal ; cela vaut aussi pour les familles », assure-t-il, dénonçant un « réflexe de consommation vis-à-vis de l'école ». Il n'annonce pourtant pas sa grande idée : faire signer un contrat entre l'Éducation nationale et chaque parent. Emmanuel Macron ne l'a pour l'instant pas validée. À l'issue de cette journée, Gabriel Attal aura vraiment eu le sentiment d'être entré dans le costume. « Faire un discours à la BNF, avec le drapeau bleu, blanc, rouge derrière soi, c'est pire que de donner une interview à La Voix du Nord », jugera un pilier du système macroniste, faisant référence à l'entretien de Gérald Darmanin qui à la fin d'août avait déclenché le courroux d'Emmanuel Macron.

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6 octobre - « Écrivez "C'était Macron" »

Ils avaient cinquante-deux ans d'écart. Ce vendredi, Gabriel Attal assiste au cimetière du Montparnasse aux obsèques de Jean-Pierre Elkabbach, disparu trois jours plus tôt. Entre eux, un lien particulier s'était noué. Le ministre de l'Éducation était devenu le protégé du journaliste après leur première rencontre, à l'automne 2018. Depuis, celui qui a croisé tous les présidents de la Ve République n'était jamais avare de conseils avec lui. Quand Gabriel Attal avait été promu porte-parole du gouvernement Castex, il lui avait parlé de ses prédécesseurs à ce poste, notamment d'Alain Peyrefitte, ministre de l'Information sous de Gaulle. Les notes prises durant le Conseil des ministres, sa mémoire impressionnante lui avaient permis de rédiger trois décennies plus tard C'était de Gaulle. « Il faut que vous fassiez pareil et que vous écriviez C'était Macron », lui avait lancé Jean-Pierre Elkabbach.

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9 octobre - « A star is born »

Nicolas Sarkozy prend le bras de Gabriel Attal. « A star is born », glisse l'ex-chef de l'État à son cadet en marge de l'inauguration du siège de France Télévisions rebaptisé Jean-Pierre Elkabbach, qui en a été le président. La veille, Le Journal du dimanche a publié un sondage réalisé par l'Ifop : 57 % des Français jugent que le ministre de l'Éducation représenterait bien le camp d'Emmanuel Macron en 2027. Il devance de deux points Édouard Philippe. L'enquête a été rendue publique en plein milieu du campus de rentrée de Renaissance à Bordeaux. Gabriel Attal y a été accueilli comme une rock star.

13 octobre - Horreur à Arras

Ce matin-là, le ministre de l'Éducation est au fond de son lit : il est malade. La France, elle, bascule dans l'effroi. Trois ans après Samuel Paty, un professeur est de nouveau victime du terrorisme islamiste. Au lycée Gambetta d'Arras, Dominique Bernard a été mortellement poignardé par un ancien élève d'origine tchétchène. Emmanuel Macron part immédiatement sur place. Gabriel Attal l'accompagne. Il découvre sur place une scène d'horreur.

Le lendemain matin, il y retournera afin d'échanger avec les enseignants de l'établissement. Leurs mots seront très rudes. Xavier Bertrand, le président des Hauts-de-France, qui est à ses côtés, se fait vivement interpeller sur la sécurité de l'établissement. Plusieurs profs racontent à leur ministre avoir tout de suite compris qu'il s'agissait de cet ex-lycéen quand ils ont appris qu'il y avait eu un attentat. « Je me suis mis devant deux de mes élèves les plus jeunes ; s'il arrivait, c'est moi qu'il poignardait », lui rapporte un autre.

15 octobre - Troisième fois

Gabriel Attal est l'invité pour la troisième fois du 20 Heures de TF1.

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17 octobre - Double impact

À l'Assemblée nationale, c'est l'heure de la séance de questions au gouvernement. Gabriel Attal prend la parole. Il révèle que 179 élèves ont perturbé la minute de silence qui a été organisée en mémoire de Dominique Bernard, la veille. « 179 saisines du procureur de la République partent ce jour pour engager des poursuites contre ces élèves, 179 procédures disciplinaires partent également. Et pour les cas les plus graves, plusieurs dizaines d'entre eux, qui relèvent de l'apologie du terrorisme, j'ordonne ce jour l'exclusion de ces élèves dans l'attente des procédures disciplinaires », annonce-t-il, comme il s'y était engagé lors des mises en garde qu'il avait effectuées durant le week-end. Les jours suivants, près de 400 faits supplémentaires seront signalés par des chefs d'établissement, qui avaient initialement douté que les menaces de leur ministre se concrétiseraient.

Gabriel Attal, lui, s'est aussi attaché à un détail. Il a voulu savoir si l'assassin de Dominique Bernard avait perturbé en 2020 la minute de silence en hommage à Samuel Paty. Cela n'avait pas été le cas.

26 octobre - Paroles d'ex

C'est le dernier de la liste. Depuis que Gabriel Attal s'est installé Rue de Grenelle, il a voulu recevoir ses prédécesseurs. Le trentenaire a pris cette habitude depuis son passage au porte-parolat. Aujourd'hui, c'est Luc Chatel, qui occupa cette fonction sous Nicolas Sarkozy, qu'il reçoit.

Dans la liste, l'entretien qu'il a eu avec Jean-Michel Blanquer le 18 septembre a été particulièrement sensible. Leur cohabitation Rue de Grenelle s'était mal passée, quand le député des Hauts-de-Seine était devenu son secrétaire d'État à la Jeunesse. Leur tête-à-tête est l'occasion de pacifier les choses. Par la suite, Gabriel Attal prendra soin de le citer régulièrement. Si d'autres, comme Lionel Jospin qui ne rencontre que présidents et Premiers ministres, ont refusé de le voir, il s'est aussi entretenu avec François Bayrou, Luc Ferry, Xavier Darcos et Vincent Peillon. « Il faut que vous fassiez la Fête de l'école partout en même temps, comme moi j'ai fait la Fête de la musique », lui a conseillé Jack Lang.

Avec Jean-Pierre Chevènement, Gabriel Attal a longuement parlé de la laïcité. La rencontre a eu lieu dans son bureau. Au moment de partir, l'ex-candidat à la présidentielle a tenu à vérifier en personne une chose : le sens qui permet d'ouvrir la poignée de la porte. Edgar Faure, qui fut à l'Éducation à la fin du règne gaulliste, l'avait fait installer en sens inverse afin d'être moins importuné. Jean-Pierre Chevènement constate que cela n'a pas changé. « Vous vous rendez compte, il y a eu dans le monde et dans ce ministère des tas de bouleversements et cette poignée de porte est toujours là », conclut-il.

7 novembre - La vie parisienne

Son déjeuner du jour est avec Gilles Le Gendre, député Renaissance de Paris. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, Gabriel Attal était encore au Budget. À l'époque, ils avaient beaucoup parlé de la capitale et des municipales de 2026. Celles-ci ne laissent pas indifférent le trentenaire. Ce mardi, ils ne les abordent pas.

Si le ministre de l'Éducation reçoit régulièrement des députés en tête à tête, les Parisiens sont privilégiés. Cet automne, Benjamin Haddad et David Amiel sont venus prendre un café Rue de Grenelle. À chacun, Gabriel Attal explique être désormais à la tête d'un ministère au cœur de la vie des Français, que leurs attentes sont fortes et qu'il ne veut pas qu'ils puissent considérer qu'il peut passer son temps à penser à autre chose. C'est pourquoi il ne veut s'autoriser à parler de rien d'autre, et surtout pas d'une quelconque ambition électorale. De la même manière, il refuse la moindre structuration politique. De toute façon, rien ne presse. Pour Paris, il estime qu'il lui faudra se décider dans sa tête au second semestre 2024.

15 novembre - Les trois coups

Pour la rentrée prochaine, Gabriel Attal a une grande idée : il voudrait que tous les collégiens fassent du théâtre. Pour en parler, il a invité Vincent Lindon. Les jours précédents, il a vu Éric Ruf de la Comédie-Française et Catherine Jacob.

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16 novembre - « Il est trop tard »

Dans cette petite salle de la maison des associations de Mauguio, dans l'Hérault, Gabriel Attal échange à bâtons rompus avec huit professeurs d'histoire-géo et une CPE. À ses côtés, il n'y a qu'un conseiller. « Comment travailler sereinement aujourd'hui ? » l'interpelle une participante. « À chaque fois qu'un enseignant n'est pas devant ses élèves, c'est ressenti comme s'il ne faisait pas son travail », déplore une autre. Le ministre de l'Éducation a en effet annoncé qu'il souhaiterait que leur formation se déroule désormais en dehors du temps de classe. C'est un vrai sujet de friction. « Deux millions d'heures de cours ont sauté en raison du temps de formation, rappelle le macroniste. On a tous un enjeu collectif : retisser un lien de confiance entre les Français et l'école. »

Gabriel Attal est venu effectuer un déplacement de deux jours dans l'Hérault. Le soir, il dîne avec une dizaine de maires dans un restaurant de La Grande-Motte. Le maire de la ville, le LR Stépha Rossignol, est parmi eux. Autour de la table, le moral est bas. Tous constatent une poussée impressionnante du RN dans la perspective de 2027. L'un des présents rapporte ce que lui a confié avant sa nouvelle affectation l'ancien préfet du département : « Il est trop tard. »

24 novembre - Et Macron prit son agenda...

Dans l'avion présidentiel, trois ministres entourent le chef de l'État. Christophe Béchu, Marc Fesneau et Gabriel Attal l'ont accompagné dans le Jura, où il a lancé l'opération « Un jeune, un arbre ». Au sein du gouvernement, tous désormais connaissent l'astuce. Puisque le président ne reçoit quasiment plus ses ministres en tête à tête, ces moments de trajet sont des occasions à ne pas manquer pour faire avancer leurs dossiers. Marc Fesneau en profite donc pour demander au locataire de l'Élysée son arbitrage sur deux ou trois sujets agricoles. De son côté, Gabriel Attal s'emploie à décrocher un rendez-vous avec lui. D'ici dix jours, il va présenter son « choc des savoirs ». Il estime qu'au vu de l'importance de l'enjeu il serait bienvenu de le rencontrer en amont. À Emmanuel Macron, il explique avoir réclamé par la voie élyséenne officielle un entretien avec lui mais qu'on lui a répondu qu'aucune disponibilité n'existait. Le président se saisit alors de son agenda. Il lui propose le lundi suivant à 12 heures.

27 novembre - « Dans la ligne »

Élysée, midi, donc. Gabriel Attal est venu avec sa directrice de cabinet rencontrer Emmanuel Macron. Son plan est validé. Cet automne, le ministre a été rassuré. Au lendemain de la réélection du chef de l'État, l'Élysée avait érigé l'éducation comme un « domaine réservé ». Au final, il constate jouir de plus de liberté qu'il ne s'y attendait. « Je me sens libre car je m'inscris dans la ligne qui est celle du président », assure-t-il. S'il échange désormais davantage avec celui-ci, il ne figure toujours pas dans le cercle de ses proches. Il n'a jamais été son collaborateur, ni un intime. Et puis, comme lui, c'est un solitaire.

28 novembre - Les leçons du coach

En ce mardi soir, ça se bouscule dans les salons de Boffrand, au Sénat. Claude Chirac, François Baroin, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Éric Ciotti... sont venus assister à la cérémonie de remise des insignes de chevalier de la Légion d'honneur à Jean-François Copé par Jean-Pierre Raffarin. Si Gérald Darmanin a dû se décommander, Gabriel Attal a tenu à honorer l'invitation de l'ancien ministre du Budget. C'est l'autre star de la soirée. Beaucoup viennent le féliciter pour ce qu'il fait. Le macroniste et Jean-François Copé ont fait connaissance quand le premier est devenu porte-parole. Depuis, ils se sont revus plusieurs fois. Ce soir, Gabriel Attal sera très impressionné par le discours de ce grand brûlé de la politique, qui se rêvait président de la République. Durant son propos, le maire de Meaux a ironisé sur sa reconversion « en coach », maintenant que sa carrière nationale est en berne. Plus tard, le trentenaire lui enverra un message : « Ton discours a fait partie du coaching. »

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5 décembre - 666 pages

C'est le grand jour. Gabriel Attal présente son « choc des savoirs », alors que le matin même ont été rendus publics les résultats des élèves français dans le cadre de l'étude Pisa. Ils montrent un vrai décrochage. Ses mesures concernent essentiellement le collège. Des groupes de niveau seront désormais mis en place en français et en mathématiques. Le brevet deviendra obligatoire pour entrer au lycée et les notes des élèves lors de cet examen ne feront plus l'objet de correctif... Initialement, son plan devait contenir une nouveauté supplémentaire : deux heures de devoir sur table chaque semaine à partir de la quatrième et de septembre. Mais une discussion qu'il a eue avec des chefs d'établissement l'en a dissuadé. Ses autres annonces vont déjà exiger beaucoup de réaménagements de l'emploi du temps ; il ne faut pas charger la barque.

Pour accompagner son plan, le ministre a écrit à tous les professeurs. Les recteurs ont été invités à se déployer sur les antennes de France Bleu. La revue de presse sur le « choc des savoirs » comportera 666 pages.

12 décembre - L'annulation

Ce soir, il a annulé son dîner prévu avec Jean Castex. Entre l'ancien Premier ministre et celui qui a été son porte-parole, le lien ne s'est jamais défait. « On a bâti une relation qui va au-delà de la politique, assure Jean Castex. Il est talentueux, il sort du lot. » Gabriel Attal est en effet convoqué à l'Élysée. Emmanuel Macron réunit autour de lui la Première ministre, ses principaux ministres, les chefs de la majorité afin de trouver une issue à la crise politique née après l'adoption d'une motion de rejet du texte sur l'immigration, la veille. Ce vote a fait trébucher Gérald Darmanin, avec qui il a été en concurrence tout cet automne.

En ce qui le concerne, ce pataquès a déjà eu une conséquence. Hier, il a préféré annuler sa prestation sur TF1. Il devait y détailler le mode d'emploi de l'expérimentation sur l'uniforme. Gabriel Attal attendra encore un peu pour son quatrième 20 Heures.

Commentaires 4
à écrit le 09/01/2024 à 17:13
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la ploutocratie sans limite, l'arrogance au summum = la France au fonds de la cuve.

à écrit le 09/01/2024 à 16:53
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"Ses dialogues avec Sarkozy," donc ses dialogues avec un repris de justice, ou avec sa grand mère de cœur ne dit rien d'autre que l'imaginaire ! Le réel est la vassalité qu'il a été exercé a bildenberg ! c'est concret !!!!! je comprends comme...

à écrit le 17/12/2023 à 22:00
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Tout cela est cousu de fil blanc, on nous susurre à l’oreille que ce jeune loup a du talent, qu’il obéit à la voix de son maître et qu’il va falloir s’habituer à le voir parader dans les médias. Le petit peuple se fera un devoir de rappeler à nos dir...

à écrit le 17/12/2023 à 8:38
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C'est donc lui qui a été adoubé par les marchés financiers pour succéder à Macron ? Bon sang mais qu'est-ce qu'on s'ennuie en néolibéralisme.

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