LA TRIBUNE DIMANCHE - Est-ce qu'un remaniement peut relancer ce second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui paraît enlisé ?
JEAN-FRANÇOIS COPÉ - Malheureusement non. De manière générale, les enjeux derrière ce remaniement sont bien moindres qu'ils n'étaient autrefois. Pour une raison simple : les ministres de l'ère Macron, à quelques exceptions près, sont totalement inconnus des Français. Ce ne sont pas des professionnels qui ont derrière eux un parcours local ou national solide, avec une vraie notoriété personnelle. C'est une très grande différence par rapport aux situations que j'ai pu connaître sous Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy.
Cette indifférence, vous l'associez à Emmanuel Macron lui-même ?
Bien sûr. Il a toujours publiquement assumé d'avoir, pour reprendre son terme, des « amateurs » à ses côtés. L'avantage, c'est qu'ils ne lui font pas d'ombre. L'inconvénient, c'est qu'ils ne laissent pas de marques. Depuis le départ d'Édouard Philippe, le président de la République a fait la même chose avec ses Premiers ministres. Ces nominations ne sont donc plus des faits politiques majeurs pour les Français.
Y a-t-il à vos yeux, au vu de la situation politique, un profil idéal de Premier ministre ?
La vraie question est : un nouveau Premier ministre pour quelle ligne politique ? Or, l'attente majoritaire des Français, c'est un retour aux fondamentaux du régalien : l'ordre dans les comptes et l'ordre dans la rue. C'est plutôt un programme de droite. Il faudra donc assumer de nommer un Premier ministre de droite. C'est la deuxième raison de l'indifférence des Français. Ils ont compris qu'un remaniement ne résorbera pas à lui seul la carence fondatrice de ce second mandat : l'absence de majorité absolue à l'Assemblée, qui conduit à des mesures d'eau tiède et au désordre.
C'est là d'ailleurs que réside peut-être une solution. Si Emmanuel Macron nomme un Premier ministre chargé d'engager des discussions avec les partis de droite et de centre droit pour leur proposer un nouveau pacte majoritaire qui ferait de l'éducation, de la sécurité et de la dette publique une priorité absolue, c'est une nouvelle donne qui peut s'ouvrir pour sauver son quinquennat.
Le nom de l'ex-LR Sébastien Lecornu circule pour remplacer Élisabeth Borne. Serait-ce un bon choix ?
Sébastien est un vrai professionnel qui saurait incarner ce qui demeure la grande fragilité du macronisme : le régalien. Mais il n'est pas le seul, Bruno Le Maire serait aussi un bon choix.
Vous disiez que ce gouvernement ne compte pas de professionnels, mais on voit qu'il y a quand même quelques poids lourds !
Oui, il y a Gérald Darmanin, bien sûr, mais aussi Gabriel Attal, qui font un travail remarquable. Disons que si Emmanuel Macron sort l'un de ceux-là de son équipe, c'est la seule chose qu'on retiendra de ce remaniement. Et je pense que ça l'affaiblirait terriblement.
Quel bilan faites-vous du bail d'Élisabeth Borne à Matignon ?
Les deux choses importantes qui ont été votées depuis 2022 - la réforme des retraites et la loi immigration - lui ont été imposées. Élisabeth Borne, femme politique de gauche, a beaucoup subi, en réalité. Depuis le départ d'Édouard Philippe, le Premier ministre s'appelle Emmanuel Macron.
Vous avez vécu de près les remaniements gouvernementaux sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. Quels souvenirs gardez-vous de ces épisodes?
Des souvenirs qui m'incitent à avoir une pensée pour les ministres actuels, car ce sont toujours des moments douloureux. On sait qu'on peut facilement passer de l'être au néant, et les reconversions professionnelles sont de plus en plus difficiles. Ce sont des moments où les présidents sont très attentifs, font des arbitrages, jaugent les équilibres politiques... Sauf que dans le passé, ça avait une importance réelle au vu de la politique menée. Quand Jean-Louis Borloo a failli succéder à François Fillon à Matignon, cela avait donné lieu à une grande tension. Quand François Mitterrand a remplacé Pierre Mauroy par Laurent Fabius après le tournant de la rigueur, le remaniement revêtait un véritable sens. Aujourd'hui, les macronistes sont entre eux, en vase clos.