Comme en France, l'inflation sursaute en Allemagne

Par latribune.fr  |   |  927  mots
Le mois dernier, les prix de l'énergie ont tiré l'inflation : ils ont en effet grimpé de 4,1% sur un an (Photo d'illustration). (Crédits : Arnd Wiegmann)
Après cinq mois de baisse d'affilée, l'inflation est remontée à 3,7% chez notre voisin outre-Rhin. Sur l'ensemble de l'année 2023, marquée par l'accalmie sur les prix de l'énergie, l'inflation a été en moyenne de 5,9%, après 6,9% en 2022, du jamais-vu depuis la Réunification en 1990.

Les indicateurs en berne se succèdent en Allemagne. L'inflation est remontée à 3,7% sur un an en décembre, selon des chiffres publiés ce jeudi. Dans le détail, la hausse des prix à la consommation a gagné 0,5 point de pourcentage par rapport à novembre. Elle avait alors ralenti à 3,2% sur un an, a indiqué l'institut fédéral de la statistique Destatis dans un communiqué.

Le mois dernier, les prix de l'énergie ont tiré l'inflation : ils ont en effet grimpé de 4,1% sur un an, en raison d'un effet de base après l'aide gouvernementale versée aux ménages en décembre 2022. Celle-ci avait alors permis de calmer la flambée des prix. La hausse des prix des services, elle, continue de ralentir, à 3,2%, notamment du fait d'un abonnement bon marché pour les usagers des trains et bus. Enfin, l'inflation alimentaire reflue pour le neuvième mois de suite, mais reste tout de même élevée, à 4,5% sur un an.

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Sur l'ensemble de l'année 2023, marquée par l'accalmie sur les prix de l'énergie - après la flambée consécutive au déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022 -, l'inflation en Allemagne a été en moyenne de 5,9%, après 6,9% en 2022, du jamais-vu depuis la Réunification en 1990.

Une influence sur la politique monétaire européenne ?

Servant de référence à la Banque centrale européenne (BCE), l'indice des prix harmonisé a lui aussi accéléré en décembre à 3,8% sur un an. Il s'éloigne ainsi de l'objectif poursuivi par l'institution de Francfort, fixé à 2%.

Même son de cloche en France, si l'on se fie aux données provisoires dévoilées par l'Insee ce jeudi. En décembre, l'indice des prix à la consommation était, en effet, en hausse de 4,1% sur un an, contre 3,9% en novembre.

Ces données devraient conforter le discours prudent de la BCE qui évite de crier trop tôt victoire sur l'inflation, et pourraient semer le doute sur un scénario attendu par les observateurs d'une première baisse des taux par l'institution de Francfort au printemps 2024.

L'Allemagne, « homme malade » du Vieux continent

Mais le resserrement monétaire orchestré par la BCE depuis juillet 2022 n'est pas sans conséquences sur les économies de la zone euro. À commencer par celle de l'Allemagne dont l'activité économique fonctionne au ralenti, avec même une légère récession du Produit intérieur brut (PIB) attendue sur l'année. Les experts de l'Institut économique IW estiment que la baisse de ce dernier sera de 0,5%. Une prévision identique à celle du Fonds monétaire international (FMI). Le gouvernement allemand se révèle tout aussi fataliste (-0,4%). L'Allemagne est d'ailleurs le seul grand pays industriel à en connaître une en 2023, selon le FMI.

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En témoignent notamment les chiffres de la production industrielle. Celle-ci a, de nouveau, chuté en octobre dernier, pour le sixième mois consécutif. L'indicateur a ainsi reculé de 0,4% sur un mois (en données corrigées des variations saisonnières et de calendrier) après une baisse révisée de 1,3% en septembre, selon les derniers chiffres de l'institut de statistiques Destatis publiés début décembre. Sur un an, la production industrielle a même chuté de 3,5%.

Au-delà de la hausse des taux, ces difficultés trouvent également leur origine dans le modèle économique allemand. Basé sur une forte industrie exportatrice encouragée par des prix de l'énergie bas, il s'est retrouvé largement fragilisé par la flambée des tarifs de l'électricité et du gaz, consécutive au déclenchement de la guerre en Ukraine, puis par l'arrêt des livraisons de gaz russe.

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Incertitude budgétaire

Quid de 2024 ? La Banque fédérale d'Allemagne table sur une inflation ralentissant encore de plus de moitié, à 2,7 %. Elle estime en effet que les goulets d'étranglement dans les chaînes de livraison ne constitueront plus un problème majeur et que les marges bénéficiaires des entreprises se normaliseront. La forte croissance des salaires, surveillée de près par la BCE, devrait aussi ralentir tout en restant élevée, selon la Bundesbank.

L'Allemagne pourrait espérer voir son PIB relever la tête de 0,4%, selon la dernière prévision de la banque fédérale. Des incertitudes demeurent toutefois, notamment en raison de la crise budgétaire. Cette dernière a éclaté en Allemagne en fin d'année. Résultat, le budget fédéral pour 2024 n'est toujours pas adopté.

En novembre, la Cour constitutionnelle a, en effet, annulé une enveloppe de 60 milliards d'euros concernant le budget du pays. La plus haute juridiction du pays a estimé que Berlin avait enfreint la règle dite du « frein à l'endettement ». Inscrite dans la Loi fondamentale nationale depuis 2009, cette règle limite les nouveaux emprunts de l'Etat à 0,35% du PIB chaque année - sauf pour les budgets affectés à des organes dits constitutionnels, comme les deux chambres du Parlement, la Chancellerie et la présidence ou la Cour constitutionnelle.

En cause, l'utilisation d'un fonds spécial pour « le climat et la transformation » - non comptabilisé dans le budget -, autorisée pendant la crise sanitaire, mais qui n'a plus lieu d'être, estime la justice allemande. Une décision qui a creusé un énorme trou budgétaire et plongé la coalition du chancelier Olaf Scholz au pouvoir dans la tourmente.

(Avec AFP)