Les professionnels de la finance n'ont plus aucun doute. Après deux ans de hausse brutale des taux directeurs dans la zone euro, menée tambour battant par la Banque centrale européenne (BCE) pour ralentir l'augmentation des prix, leur baisse semble inévitable en 2024. Et pour cause : le ralentissement spectaculaire de l'inflation et la nécessité de relancer l'activité économique sont autant d'arguments pour relâcher la bride alors que les taux culminent entre 4 et 4,75 %. « Le prochain mouvement de la BCE sera, sauf surprise, une baisse », a lâché mi-décembre François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, également membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, dans la foulée de l'annonce de Christine Lagarde, la présidente de la BCE, d'une nouvelle stagnation des taux, la troisième d'affilée depuis octobre.
Inflation toujours menaçante
Lié à la baisse de la consommation provoquée par la hausse du coût des crédits, le ralentissement de l'inflation constitue la bonne surprise de la fin de l'année. Bien loin des 10 % observés début 2022, la hausse des prix en novembre (2,9 %) est tombée au plus bas depuis deux ans et se rapproche progressivement de la cible de 2 %, synonyme de stabilité des prix. Il faudra encore attendre puisque la BCE table sur une inflation à 2,7 % en 2024 en zone euro, puis à 2,1 % en 2025 et 1,9 % en 2026. La dégradation de l'activité économique est l'autre bonne raison d'envisager un recul des taux. Après la faible croissance prévue en 2023 (+0,6 %), la menace de récession est réelle, même si aujourd'hui la BCE prévoit toujours une légère croissance (+0,8 %) en 2024. Une baisse des taux permettrait de relancer la consommation des ménages et l'investissement des entreprises. Et par ricochet la production et l'emploi.
Quel calendrier ?
Reste à définir l'ampleur et le calendrier d'une diminution des taux. Selon un sondage effectué par l'agence Reuters en décembre auprès de 90 économistes, plus de la moitié d'entre eux prévoyaient au moins une baisse des taux avant le mois de juillet.
« La BCE pourrait commencer à baisser ses taux dès le printemps 2024 car, en plus d'avoir une inflation revenue à pratiquement 2 %, l'activité économique de la zone euro est complètement déprimée », avance auprès de La Tribune Dimanche Alexandre Baradez, responsable de l'analyse de marchés chez le courtier IG France.
Pour autant, même si la BCE ne dit mot sur une politique monétaire plus accommodante, de nombreux experts parient sur une baisse des taux modérée, comme la Réserve fédérale américaine (Fed), qui prévoit au maximum jusqu'à trois baisses de 0,25 point de pourcentage dans l'année.
Les taux ne retomberont pas sous les 3% (Patrick Arthus)
Selon Christopher Dembik, conseiller en stratégie d'investissement chez le gestionnaire d'actifs Pictet AM, les taux se situeront entre 3 % et 4 % fin 2024. Car, même s'il est bien engagé, le combat contre l'inflation n'est pas encore gagné. L'Allemande Isabel Schnabel, influente membre du directoire de la BCE, l'a rappelé la semaine dernière : « Nous nous attendons à ce que l'inflation baisse progressivement à 2 % d'ici à 2025. Il nous reste donc du chemin à parcourir et nous verrons à quel point le fameux dernier kilomètre sera difficile. » Parmi les éléments perturbateurs, la hausse des salaires, aujourd'hui de 5 % sur un an. Certains craignent qu'elle maintienne les prix à un niveau encore élevé. D'autant plus si les tarifs de l'énergie repartaient à la hausse, « les taux directeurs ne retomberont pas sous les 3 % en Europe », estime l'économiste Patrick Artus.