L'inflation sera-t-elle de retour en 2024 ? La crainte est légitime. En effet, si elle persiste depuis de longs mois déjà, la hausse des prix à la consommation avait tendance à refluer. Or, elle a légèrement sursauté à 3,7% sur un an en décembre dernier, après +3,5% en novembre, selon des données provisoires, publiées ce jeudi par l'Insee. A l'origine de ce rebond, « l'accélération » des prix de l'énergie et des services, pointe l'institut.
Principal moteur de l'inflation l'an dernier, les prix de l'alimentation ont continué à ralentir, avec une hausse de 7,1% en décembre (contre 7,7% en novembre). En revanche, ceux de l'énergie ont augmenté de 5,6% sur un an en décembre (contre 3,1% en novembre) et ceux des services de 3,1% (après 2,8%). Les prix de l'énergie, qui représente moins d'un dixième du panier de consommation des ménages, baisseraient toutefois sur un mois, à l'inverse de ceux des services (environ la moitié du panier). De leur côté, les prix des produits manufacturés ont ralenti, à +1,4% en décembre sur un an, après +1,9%.
Un ralentissement sur l'alimentation qui devrait continuer
Malgré le rebond de décembre, l'heure reste tout de même à la baisse de l'inflation, a minima sur le front de l'alimentation. « Fort heureusement, nous sommes entrés dans une phase de désinflation : les prix ne vont pas baisser, mais l'inflation va ralentir », a promis, fin novembre, Jean-Philippe André, président du lobby de l'agroalimentaire Ania, principale organisation représentative des entreprises de l'agroalimentaire (hors coopératives). Pour rappel, le coût de l'alimentation a augmenté pour les Français de 21% entre janvier 2021 et octobre 2023.
Cette dynamique devrait d'autant plus s'amplifier avec l'avancement des négociations commerciales annuelles entre les distributeurs et les industriels qui vont se conclure de manière anticipée - au plus tard le 31 janvier, et non le 1er mars. Le gouvernement a porté cette mesure, adoptée par le Parlement, dans l'espoir que les baisses de prix de certains ingrédients (céréales, huiles, volailles...) se traduisent au plus vite par un tassement des prix en rayons.
Une bataille fait donc rage entre les industriels et la grande distribution. Les premiers commentaires commencent même à se faire entendre. « Il y a aussi des bonnes nouvelles, on s'est mis d'accord avec Yoplait, Entremont, une coopérative importante en Bretagne qui s'appelle Laïta », a affirmé mercredi sur BMFTV, le patron de Système U, Dominique Schelcher, évoquant un compromis sur « des hausses de prix raisonnables avec un prix du lait qui soit rémunérateur pour les producteurs ». Sur un ton proche de son homologue de Système U, le patron des grandes surfaces E.Leclerc, invité mardi au micro de France 2, a fait part de sa détermination à faire baisser les prix dans ses magasins.
« On va aller chercher des poches de baisse de prix, on va aller casser la gueule à l'inflation, et on va arriver avec une inflation, je pense, - fin janvier, début février - qui sera au moins moitié moins que l'année dernière », a déclaré Michel-Edouard Leclerc.
Une inflation qui ne reviendra pas sous les 3%
Reste qu'endiguer la flambée des prix reste un exercice difficile. Concernant les négociations commerciales, « le délai est plus court cette année et on pensait avoir une mobilisation plus forte », a ainsi regretté le PDG du 4e acteur de la distribution alimentaire en France. « Beaucoup d'industriels sont partis en vacances pendant les fêtes et on n'a vu personne. On était mobilisé, il faut que ça s'accélère », les négociations devant s'achever au plus tard à la fin du mois.
« Pour certains grands industriels, on n'a même pas eu de premier rendez-vous », a encore affirmé Dominique Schelcher, avant d'expliquer que « la loi sous laquelle on discute actuellement est très favorable aux industriels et ils le savent. »
Autant de difficultés qui pourraient empêcher l'inflation de revenir sous les 2%. Si, fin décembre, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire a confirmé au micro d'Europe 1 que la crise inflationniste est bien « derrière nous », il a aussi ajouté que « nous serons sous les 3% d'inflation en 2024 ». Ainsi, le niveau d'inflation restera « un peu plus élevé » qu'avant la crise, autour de 2%, en raison notamment du coût de la transition énergétique, a-t-il prévenu. Le numéro deux du gouvernement a énuméré plusieurs raisons : « Parce que nous relocalisons des activités, parce que la décarbonation de notre économie coûte cher, il est probable que le niveau d'inflation structurel sera un peu plus élevé que ce qu'il était avant la crise du Covid ».
Ainsi, dans ses dernières prévisions publiées mi-décembre, l'Insee s'attend à une inflation à 4,9% en moyenne annuelle en 2023 (après 5,2% en 2022), et à 2,6% sur un an en juin prochain. La Banque de France a, elle, prédit que l'inflation atteindrait 5,7% en moyenne annuelle en 2023 et tomberait à 2,5% en 2024, mesurée ici selon l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH).
(Avec AFP)