Merkel-Macron : un (modeste) budget de la zone euro rempli d'incertitudes

Par Grégoire Normand  |   |  937  mots
Macron et Merkel proposent d’établir un budget de la zone euro "afin de promouvoir la compétitivité, la convergence et la stabilisation dans la zone euro", à partir de 2021. (Crédits : Hannibal Hanschke)
Emmanuel Macron et Angela Merkel ont adopté mardi soir au château de Meseberg en Allemagne une déclaration commune intitulée "renouveler les promesses de l’Europe en matière de sécurité et de prospérité" à l'occasion d'un conseil des ministres franco-allemand. Si le projet d'un budget de la zone euro a été acté, de nombreux flous demeurent sur le montant de l'enveloppe notamment.

La France et l'Allemagne ont enfin trouvé un terrain d'entente. Après plusieurs mois de tractations et de discussions, Angela Merkel et Emmanuel Macron se sont mis d'accord pour mettre en place un budget de la zone euro à partir de 2021. Si de nombreuses incertitudes demeurent, les deux dirigeants ont tout de même fait une déclaration commune pour préciser leurs ambitions :

"La France et l'Allemagne sont fermement résolues non seulement à préserver les acquis de l'Union européenne mais encore à renforcer leur coopération au sein de cette dernière en veillant constamment à assurer à la fois l'unité de ses États membres et son efficacité. L'Union européenne se montrera à la hauteur de ses valeurs et jouera un rôle important dans la protection des droits de l'homme et dans la défense, la réforme et le renforcement du multilatéralisme."

Cette position commune en faveur du multilatéralisme et de la coopération tranche avec le protectionnisme de Donald Trump qui ne cesse mettre en avant son slogan de campagne "Make america great again".  Le compromis trouvé a été "difficile", a admis la chancelière, alors que les deux pays ont également annoncé plusieurs accords sur la migration ou l'Europe de la Défense lors de ce conseil des ministres franco-allemand à Meseberg, dans le nord de Berlin. "Mais je pense que nous avons trouvé une bonne solution", a-t-elle jugé. Pour autant, l'annonce de telles mesures est-elle à la hauteur des ambitions ?

Un budget modeste de la zone euro

Cette enveloppe d'investissement sera définie sur une base pluriannuelle avec des ressources provenant à la fois de contributions nationales de l'affectation de recettes fiscales et de ressources européennes. Le financement de ce budget pourrait également se faire par une taxe sur les transactions financières.

Si cette mesure a été saluée, le gouvernement français risque d'être déçu par le montant et les modalités de mise en place. En effet, les sommes annoncées par l'AFP et Reuters s'élèvent à quelques dizaines de milliards alors que la France espérait plusieurs centaines de milliards d'euros. En revanche aucun montant ne figure dans le document. Par ailleurs, le budget de la zone euro doit encore obtenir le feu vert des 17 autres pays de la zone euro pour entrer en vigueur.

Un budget pour quelles ambitions ?

Dans la déclaration commune, les deux premières économies de la zone euro veulent promouvoir "la compétitivité, la convergence et la stabilisation dans la zone euro, à partir de 2021." En dépit de la mise en place de l'Union monétaire entre les 19 pays, de nombreuses divergences demeurent entre plusieurs régions. La crise financière de 2007-2008 a mis en exergue les fragilités des pays du Sud de l'Europe et les profondes divisions politiques et économiques qui existaient au sein du Vieux continent. Ce budget permettrait de financer des investissements dans l'innovation et le capital humain. Il pourrait financer "de nouveaux investissements et venir en substitution de dépenses nationales."

Pour prévenir les effets d'une prochaine crise sur le marché du travail, les deux Etats ont signalé leur intention d'étudier la mise en place d'un Fonds européen de stabilisation de l'assurance chômage. Les deux pays devraient mettre en place un groupe de travail dans le but de faire des propositions concrètes pour le conseil européen de décembre prochain.

Un partage des risques dans le secteur financier

Outre un budget de la zone euro, Angela Merkel et Emmnanuel Macron ont réaffirmé leurs ambitions de mettre en place des mesures de limitation des risques financiers. Sur ce dernier point, la première puissance économique de la zone euro a longtemps exprimé des réticences sur l'idée de transferts. A plusieurs reprises, le gouvernement allemand est resté fidèle à la doctrine édictée par Angela Merkel en 2010, "pas un euro pour la Grèce", même au pire moment de la crise.

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La chancelière et le chef d'Etat français ont néanmoins exprimé la nécessité d'un révision du traité intergouvernemental sur le mécanisme européen de stabilité (MES) "afin d'y inclure le backstop (filet de sécurité commun), de renforcer l'efficacité des instruments de précaution pour les États membres et de renforcer son rôle dans l'  évaluation et le suivi des futurs programmes." Entré en vigueur en septembre 2012, le MES a pour objectif de fournir une aide financière aux Etats membres qui peuvent connaître des risques financiers. Le couple franco-allemand propose d'intégrer le MES dans les traités européens. Ils veulent ainsi achever l'Union bancaire.

Des obstacles à surmonter

Lors du prochain sommet du Conseil européen à Bruxelles les 28 et 29 juin prochains, les deux pays voisins vont encore devoir convaincre les autres Etats membres de s'accorder sur leurs principales propositions. Mais là encore, les divisions devraient accroître les difficultés pour faire adopter de telles propositions. Par ailleurs, la coalition allemande traverse actuellement une période très tendue sur la crise migratoire. Ce qui pourrait également retarder le processus d'adoption du budget de la zone euro. Le parti bavarois CSU, dans une alliance avec l'Union démocrate chrétienne de la chancelière, a déjà demandé la convocation rapide d'une réunion des membres du gouvernement et des représentants des partis au pouvoir pour débattre des décisions annoncées la veille au sommet franco-allemand.

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