Secret des affaires : l'intox du FN au Parlement européen

Par Grégoire Normand  |   |  711  mots
Florian Philippot, Marine Le Pen et Louis Alliot au moment d'une session au Parlement européen en 2015.
Louis Alliot affirme que les députés frontistes élus au Parlement européen n'ont pas voté en faveur de la directive sur le secret des affaires en avril 2016. Pourtant les résultats du scrutin apporte une toute autre réalité. A l'heure des "faits alternatifs" prônés par des membres de l'équipe de Donald Trump, le parti d'extrême droite français semble adopter la même position en pleine campagne présidentielle.

Invité du talk du Figaro mardi 14 février, le député européen et vice-président du Front national Louis Alliot était interrogé sur le vote des députés FN au Parlement européen relatif à une directive sur le secret des affaires votée en avril 2016.

Ce qui a été dit (à partir de 19'20) :

Le Figaro - "Le Front national a un discours de parti antisystème. Comment concilier cette position avec le fait de voter en faveur de la directive sur le secret des affaires ?

Louis Alliot - Ce n'est pas vrai. Je vous signale que cette affaire est beaucoup plus compliquée que ça. C'est déjà une fausse information. Il suffit d'aller sur le site de notre groupe européen et ils auront la véritable information."

La directive sur le secret des affaires a suscité de nombreux débats dans l'opinion publique et de la part des journalistes et des lanceurs d'alerte à la fois en France et en Europe.

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En quoi consiste la directive sur le secret des affaires ?

Cette directive est avant tout un projet proposé par la Commission européenne en novembre 2013 et porté plus particulièrement par le commissaire français Michel Barnier. Pour ses défenseurs, cette directive vise à mieux protéger les entreprises face à l'espionnage économique et industriel. La Commission européenne explique que :

"Le secret des affaires est une information importante pour les entreprises qui est traitée comme confidentielle et doit donner à l'entreprise un avantage compétitif. Les firmes européennes sont sans cesse exposées à l'appropriation illicite des secrets commerciaux ou des brevets [...] Le but de cette directive est d'harmoniser les lois nationales contre les acquisitions illégales et l'usage illicite des secrets commerciaux dans l'ensemble des pays de l'UE."

Du côté de la France, des dispositions similaires avaient été proposées à l'Assemblée nationale par le rapporteur de la loi Macron Richard Ferrand en 2015. Mais l'amendement avait provoqué la colère et des réactions dans beaucoup de rédactions, agences de presse et ONG. Une pétition lancée par un collectif de journalistes et d'associations avait recueilli plus de 500.000 signatures. Face à ces revendications, François Hollande avait décidé d'abandonner la législation sur le secret des affaires. Mais cette position ne fait que repousser l'échéance. Comme le rappelle un communiqué du conseil européen : "Après la publication de la directive au Journal officiel de l'UE et son entrée en vigueur, les États membres disposeront d'un délai maximal de deux ans pour intégrer les nouvelles dispositions dans leur droit national."

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Quels sont les votes des membres du Front national au Parlement européen ?

Les députés européens présents au moment du scrutin ont voté avec une très large majorité pour la directive sur le secret des affaires. Sur les 652 députés présents, 503 ont voté pour (77%), 131 ont voté contre (20,1%) et 18 se sont abstenus (3%) selon les données agrégées par le site votewatch. Sur les 68 députés français présents au moment du vote, 55 ont voté pour, 10 contre et trois se sont abstenus. Les seuls députés à s'être opposés à ce texte sont des élus écologistes ou membres du Front de gauche.

Quant aux 20 députés frontistes qui ont intégré le groupe parlementaire Europe des nations et des libertés (ENL) en 2015 (qui comprend 40 députés au total), ils sont au total 18 sur 20 élus à avoir voté pour ce texte. Ce sont d'ailleurs les élus français de ce groupe qui ont le plus pesé. Sur les 35 membres du groupe ENL présents au moment du vote, 7 ont voté contre, 5 se sont abstenus et 23 ont voté pour dont les 18 élus FN. Dans le détail, l'état major du Front national s'est montré favorable à la directive sur le secret des affaires. La présidente du Front national Marine Le Pen et son vice-président Louis Alliot ont clairement voté pour contrairement à ce qu'affirmait ce dernier au micro du Figaro.

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