Royaume-Uni : Theresa May veut convoquer des élections anticipées

Par Sasha Mitchell  |   |  634  mots
Theresa May, devant le 10 Downing Street, le mardi 18 avril 2017.
Après concertation avec son gouvernement, la Première ministre britannique a annoncé vouloir davantage de stabilité (parlementaire) durant les négociations sur le Brexit. Pour convoquer ces élections, elle devra d'abord obtenir l'aval de la Chambre des communes.

Les marchés se sont affolés, les commentateurs politiques aussi. En milieu de matinée, le 10 Downing street a annoncé l'imminence d'une allocution de la Première ministre, sans donner plus de précisions. La livre sterling, qui progressait jusque-là ce matin contre le dollar, a brutalement chuté à 1,25 dollar, les spéculations allant bon train. A 11h05, dix minutes avant l'horaire prévu, Theresa May est apparue sur le perron de la résidence du chef de l'Etat britannique pour annoncer son souhait de convoquer - "à contrecœur", a-t-elle précisé - des élections législatives anticipées le 8 juin prochain.

Theresa May veut élargir sa majorité au Parlement

Mais la Première ministre devra d'abord obtenir l'aval des deux tiers des membres de la Chambre des communes, les élections se tenant normalement au Royaume Uni tous les cinq ans, selon le Fixed-term Parliaments act de 2011. Dans sa courte intervention, May a précisé qu'elle solliciterait les députés dès demain et qu'elle justifiait son choix par l'attitude de l'opposition qui lui mettrait des bâtons dans les roues en vue des négociations pour le Brexit. Référence notamment aux appels répétés à un deuxième référendum, aux velléités indépendantistes ressuscitées du Scottish National Party (SNP) "au nord de la frontière" mais aussi à la Chambre des Lords, dont la proposition de faire voter le Parlement sur le deal obtenu par le gouvernement d'ici à 2019 n'avait pas plu à l'exécutif.

Popularité des conservateurs, désarroi chez les travaillistes

Pour l'heure, les conservateurs ne disposent que d'une majorité de 5 sièges (330 au total), à la chambre basse du Parlement, et ce depuis les élections de 2015. Mais tout porte à croire qu'un scrutin tenu avant 2020 permettrait aux Tories d'accroître leur majorité de manière très substantielle. Dans les sondages, le parti conservateur s'affiche nettement en tête avec 44% des intentions de vote contre 23% pour les travaillistes et 12% aux Liberal democrats. Mieux encore, 50% des Britanniques estiment que Theresa May ferait une meilleure Première ministre que Jeremy Corbyn (14%), de plus en plus contesté au sein de son camp - ce n'est pas nouveau - et désormais dans les rangs de ses propres soutiens.

"Vous avez le choix entre un leadership fort et stable dans l'intérêt national avec les conservateurs ou une coalition faible et instable emmenée par Jeremy Corbyn [avec les Lib Dems, ndlr]", avertit en substance Theresa May.

Pour inverser la tendance, le député d'Islington-nord (Londres) aura fort à faire. Unir son parti, qui pourrait obtenir moins de 200 sièges (contre 229 actuellement) si les élections sont confirmées pour le mois de juin prochain, ne sera pas chose aisée. La mission s'annonce même impossible, lui qui a dû remettre en jeu son poste de leader du Labour à l'automne dernier, tout juste un an après son élection, sous la pression du Parliamentary Labour Party. Pour ajouter au pessimisme ambiant, une élection partielle, tenue en février, a vu les travaillistes perdre le siège de Copeland (nord-ouest) au profit des conservateurs. Première fois, depuis 1982, que le parti au pouvoir remporte un tel scrutin.

Du côté de Theresa May, qui avait pourtant assuré à de nombreuses reprises qu'elle ne convoquerait pas d'élections anticipées avant 2020, la volonté est donc claire : profiter du désarroi des travaillistes pour obtenir "sa" propre (forte) majorité au Parlement, et ce afin d'avoir les mains libres dans les négociations du "clean Brexit" qu'elle appelle de ses vœux. Mais pas seulement : il s'agit aussi ici de renforcer sa légitimité au sein de son parti, en se détachant de l'héritage de David Cameron, à qui elle a repris le poste de Premier ministre à l'été 2016. Une grande remise à plat, donc.