Zone euro : la croissance va rester faible

Par Romaric Godin  |   |  960  mots
Pierre Moscovici, commissaire aux affaires économiques, voit la reprise se concrétiser.
Dans ses prévisions d'automne, la Commission européenne prévoit une croissance inférieure à 2 % d'ici à 2017 pour la zone euro. Les nuages s'amoncellent au-dessus de la région et aucune politique économique réelle ne se dessine.

« La reprise est là et elle va se poursuivre. » Le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici, était ce jeudi 5 novembre résolument optimiste pour la présentation des prévisions macoéconomiques d'automne de la Commission européenne à Bruxelles.

Croissance faible

Pourtant, les motifs de réjouissance demeurent réduits. Comme le souligne dans son avant-propos Macro Buti, le directeur des affaires économiques et financières de la Commission, « la dynamique de la reprise reste faible. » La croissance de la zone euro restera ainsi en dessous de 2 % en 2015, 2016 et 2017, passant de 1,6 % prévu cette année à 1,8 % l'an prochain et à 1,9 % dans deux ans. Le chômage devrait donc logiquement demeurer fort, passant d'une moyenne de 11 % en 2015 à 10,3 % en 2017. Quant à l'inflation, sa reprise sera aussi modeste, de 0,1 % en 2015 à 1 % en 2016 puis 1,6 % en 2017 dans une accélération qui reste néanmoins soumise à bien des doutes.

L'Irlande en tête, la Grèce en queue

Dans le détail des États membres, on remarque que les trois grandes économies de la zone euro, Allemagne, France et Italie demeureront également sous les 2 % de croissance. En 2017, l'Allemagne aurait une croissance de 1,9 %, en France de 1,7 % et en Italie de 1,4 %. Seule la Grèce devrait connaître une contraction du PIB cette année (-1,4 %) et l'an prochain (-1,3 %) avant un net (et fort hypothétique) rebond en 2017 à +2,7 %. Mais on note cependant plusieurs économies sans réelle dynamique, malgré des politiques de « réformes » : le Portugal qui n'aura une croissance que de 1,7 % en 2015 et 2016 et 1,8 % en 2017 ou la Finlande (0,3 % cette année, 0,7 % en 2016 et 1,1 % en 2017). A l'inverse, l'Irlande va rester le champion de la croissance de la zone euro (6 % cette année, 4,5 % et 3,5 % ensuite), suivie par Malte et la Slovaquie.

Quels moteurs après la consommation ?

Marco Buti reconnaît que, malgré sa faiblesse, la croissance européenne n'est actuellement soutenue que par la faiblesse des prix du pétrole et la baisse de l'euro. A l'inverse, les vents contraires restent très forts : faiblesse de la demande externe, encore renforcé par le ralentissement des marchés émergents cet été, désendettement des Etats et des agents privés, faiblesse du secteur bancaire. « L'investissement devrait accélérer, mais moins que dans les reprises passées et dans d'autres économies avancées », remarque Marco Buti, qui reconnaît ainsi qu'il existe bien un « problème européen » qui, cependant, est assez largement ignoré par l'optimisme d'un Pierre Moscovici qui continue à compter sur « la reprise graduelle du commerce mondial. »

Ce problème est d'autant plus réel que la dernière statistique des commandes à l'industrie allemande parue ce jeudi matin met en lumière la faiblesse de la demande en Allemagne et en zone euro pour les biens d'équipement. La reprise de l'investissement risque donc de se faire encore attendre. Du coup, le modèle économique de la zone euro reste rempli d'interrogations : que se passera-t-il lorsque cesseront les effets de la baisse des prix de l'énergie qui libère du pouvoir d'achat pour les ménages ? Quelle composante de la croissance pourra prendre le relais ? La Commission souligne certes que l'arrivée des réfugiés devrait permettre un gain de croissance en 2017 de 0,2 à 0,3 point de croissance, mais, malgré tout, cette croissance reste faible. Du coup, les perspectives de la Commission ne permettent pas d'y voir très clair sur la dynamique future de la zone euro...

Baisse des déficits

La bonne nouvelle, pour Bruxelles, ce sera la réduction des déficits publics qui va se poursuivre. Le déficit de la zone euro va passer de 2 % à 1,5 % du PIB en 2017. En réalité, ceci signifie qu'il n'y a pas de réel problème de déficit public en zone euro. En 2017, seule la France devrait connaître un déficit supérieur à la limite des 3 % du PIB fixée par le « pacte de croissance et de stabilité. » A l'inverse, l'Allemagne devrait continuer de dégager des excédents budgétaires, passant de 0,9 % à 0,4 % entre cette année et 2017. Cette politique de réduction des déficits dans un contexte de faible croissance et de faible inflation n'est pas étrangère aux maux de la zone euro. Alors que l'union monétaire disposerait de moyens budgétaires pour dynamiser la croissance, elle persiste à ne surtout pas agir, rendant ainsi les efforts de la BCE dans sa politique d'assouplissement quantitatif (QE) largement infructueux.

Déséquilibres allemands

En ce sens, l'Allemagne demeure un véritable problème. Sa croissance demeure modeste malgré le plein emploi et une nette hausse des salaires réels. Le refus de son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, d'organiser une véritable relance dans son pays et au niveau européen, rend les déséquilibres au sein de la zone euro toujours aussi criants. L'excédent budgétaire allemand est sans doute utile pour réduire la dette publique allemande, mais elle serait aussi utile pour empêcher la zone euro de demeurer à la traîne de la croissance des pays développés.

Un signe, de ce point de vue, ne trompe pas : l'Allemagne va afficher entre 2015 et 2017 un excédent de ses comptes courants supérieur à 8 % (8,7 % en 2015 et 8,4 % en 2017). Un chiffre qui révèle un déséquilibre fondamental au sein de la zone euro. Sur le papier, Bruxelles le reconnaît puisqu'elle ne tolère qu'un excédent courant de 6 % du PIB. Il sera donc plus que jamais intéressant d'observer l'attitude de la Commission face aux excès allemands. En théorie, ces excès devraient être autant sanctionnés que les déficits excessifs. Dans les faits, on en est loin. Et cela trahit une vision biaisé de la politique économique dont la zone euro paie chaque jour le prix.