Financement des TPE : la Banque de France décrète la mobilisation générale

Par Christine Lejoux  |   |  947  mots
Faute, notamment, de financements suffisants, plus d’une TPE sur deux n’a investi ni en 2013, ni en 2014.
Moins de 60% des demandes de crédits de trésorerie des très petites entreprises sont satisfaites, contre 74% pour les PME, selon la Banque de France. L’institution veut mobiliser ses propres services, les banques et les entreprises pour améliorer le financement des TPE.

En matière de financement des entreprises, comme dans bien d'autres domaines, il y a deux poids, deux mesures. « Globalement, il n'y a pas de problème d'accès au crédit pour les entreprises françaises », a affirmé François Villeroy de Galhau, le vendredi 15 septembre, en préambule d'un colloque sur le financement des TPE (très petites entreprises). Le gouverneur de la Banque de France en veut pour preuve l'augmentation de 4,5% des concours bancaires aux entreprises à la fin novembre, en rythme annuel; Une évolution qui ne souffre en effet pas de comparaison avec la progression moyenne de 0,9% enregistrée au sein de la zone euro. Mais les choses sont bien différentes selon que l'on est une grosse PME aux reins solides ou une TPE dont le patron endosse tout à la fois les casquettes d'ingénieur, de commercial, de gestionnaire, de comptable et de responsable du personnel, si personnel il y a.

En effet, si les trois quarts des PME ont vu leurs demandes de crédits de trésorerie [par opposition aux crédits d'investissement ; Ndlr] satisfaites, au troisième trimestre de l'année 2015, cette proportion est en revanche inférieure à 60% pour les TPE. Certes, ces dernières - qui comptent moins de 10 salariés, sont indépendantes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total de bilan n'excède pas 2 millions d'euros - présentent généralement une plus grande fragilité financière que les PME. « Le taux de défaut des TPE est de 6% en moyenne, et même de 10% pour celles qui sont âgées de moins de trois ans, alors qu'il se limite à 3% pour les PME », souligne Dominique Garabiol, conseiller de la direction générale du groupe BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne). Il n'empêche, cette difficulté plus grande qu'éprouvent les TPE à accéder aux crédits de trésorerie doit représenter « à l'évidence un point de vigilance », a estimé François Villeroy de Galhau.

Les TPE représentent 20% de l'emploi dans le secteur concurrentiel

Et ce, d'autant plus que si les TPE sont aux antipodes des multinationales, elles n'en pèsent pas moins lourd dans l'économie française. Au nombre de 2,1 millions (hors micro-entrepreneurs), elles représentent près de 20% de l'emploi dans le secteur concurrentiel, et 20% environ de la valeur ajoutée créée par l'ensemble des entreprises. C'est dire si « le développement des TPE représente un enjeu majeur pour la croissance, l'emploi et la vitalité de notre tissu économique régional », a estimé le gouverneur de la Banque de France. Or, faute, notamment, de financements suffisants, plus d'une TPE sur deux n'a investi ni en 2013, ni en 2014. « Non seulement les TPE n'investissent pas tous les ans, mais, en outre, quand elles investissent, elles investissent peu », ajoute Elisabeth Kremp, chef du département des synthèses sectorielles de l'Insee. Pis, un tiers des TPE disparaissent après trois années d'existence seulement, et la moitié mettent la clé sous la porte au bout de cinq ans, selon Claude Piot, directeur des Entreprises de la Banque de France.

Pour remédier à cette problématique, la Banque de France a dévoilé le 15 septembre un plan de bataille à trois niveaux. D'abord, l'institution elle-même nommera au printemps des correspondants TPE au sein de chacune de ses succursales départementales. L'idée étant qu'à l'inverse de la Médiation du crédit, qui s'efforce en aval de dénouer des situations problématiques entre les entreprises et leurs banques, ces correspondants puissent, en amont, conseiller les patrons de TPE avant qu'ils ne rencontrent des difficultés financières, en les orientant vers les structures les plus adéquates, comme les organismes de microcrédit. « Lorsque nos entreprises saisissent la Médiation du crédit, elles sont souvent déjà mortes. Il est important de détecter les difficultés le plus tôt possible », approuve François Moutot, directeur général de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat.

Encore 100.000 réponses tardives aux demandes de crédit chaque année

Ensuite, la Banque de France exhorte les banques françaises à respecter les engagements pris dans la foulée de la publication de l'Observatoire du financement des entreprises, à l'été 2014. Parmi ces cinq engagements figure la nécessité de répondre aux demandes de financement dans un délai maximum de 15 jours ouvrés. Un engagement certes aujourd'hui rempli à 90%, mais, si l'on regarde le verre à moitié vide, cela signifie qu'il reste chaque année encore 100.000 réponses tardives, ce qui peut représenter un enjeu vital pour certaines entreprises. « Nous avons beaucoup de mal à tenir le délai de 15 jours pour les dossiers compliqués. En revanche, pour l'ensemble des dossiers, le délai est de 7 à 9 jours, et même de 2 à 3 jours pour les dossiers qui ne posent pas de problèmes particuliers », se défend Dominique Garabiol, du groupe BPCE.

Enfin, il incombe également aux entreprises de se mobiliser, sur la question du financement des TPE. Et plus précisément sur celle des délais de paiement. A la fin 2014, sur 600 milliards d'euros de créances détenues par les entreprises, pas moins de 420 milliards résultaient de délais interentreprises. Des délais qui menacent non seulement la santé financière des TPE, mais la relance de leurs débiteurs empêche également les patrons de petites entreprises, toujours au four et au moulin, de se concentrer sur le développement de leur activité. La Banque de France a donc bien l'intention de « participer activement » à la réflexion sur les produits financiers les plus adaptés à la réduction des délais de paiement.