Education financière : la France ne veut plus être le mauvais élève

Par Juliette Raynal  |   |  1110  mots
Le comité stratégique d'éducation financière s'est réuni, ce lundi 25 novembre, à Citéco, le nouveau musée dédié à l'économie. Plusieurs axes d"actions prioritaires ont été présentés pour améliorer le niveau de connaissance économique et financière des Français. (Crédits : Juliette Raynal)
Plus de deux ans après la mise en place d'un comité stratégique dédié à l'éducation financière, la France veut mettre un coup d'accélérateur à l'heure où plus de trois quarts des Français jugent leur niveau de connaissances moyen ou faible. Au programme : le déploiement d'un passeport "éducfi" à destination des collégiens et le maillage du territoire de différents points d'accueil : les uns dédiés à la gestion budgétaire, les autres au placement de son épargne.

"Les grands sujets économiques, les placements financiers, les questions de taux d'intérêt, d'inflation ne font pas partie de notre culture commune. L'objectif (..) c'est de faire en sorte que cette éducation financière fasse partie du patrimoine des Français ", a expliqué Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances, lors d'un point presse organisé, ce lundi 25 novembre, à l'occasion d'une réunion du comité stratégique d'éducation financière, mis en place en 2016 et orchestré par la Banque de France. Celle-ci se tenait symboliquement dans l'enceinte de Citéco, musée de l'économie inauguré il y a quelques mois au sein du très singulier hôtel Gaillard dans le 17ème arrondissement de la capitale, à deux pas du parc Monceau.

La France moins bonne que ses voisins européens

Selon une enquête de la Banque de France, réalisée en 2018 auprès d'un échantillon de plus de 2.100 personnes, 77% des Français interrogés jugeaient leurs connaissances financières moyennes ou faibles. Bien qu'il s'agisse d'une auto-appréciation, ces résultats semblent coller à la réalité. Il rejoignent ainsi la mauvaise performance de la France à la première évaluation Pisa, réalisée en 2012 par l'OCDE auprès des élèves âgés de 15 ans. "Les résultats des élèves français en culture financière sont inférieurs à la moyenne des 13 pays et économies de l'OCDE ayant participé à l'évaluation. Environ un élève sur cinq (19.4 %, contre 15.3 % en moyenne dans l'OCDE) n'atteint pas le niveau de compétence de base (niveau 2) en culture financière", écrit l'organisation internationale dans une note consacrée à l'Hexagone.

"C'est l'un des paradoxes de la France, nous avons du retard en matière de culture économique, mais nous sommes aussi une grande nation d'économistes. Notre défi, c'est que cette culture économique irrigue toute la population française", a commenté Bruno Le Maire.

Dans cette optique, le comité stratégique d'éducation financière, qui rassemble pouvoirs publics, acteurs institutionnels, professionnels et associatifs, cible trois populations en priorité : les jeunes, les ménages en situation de surendettement ou de fragilité financière ainsi que les entrepreneurs. Les actions menées à leur égard doivent s'accélérer lors des prochains mois.

Déploiement du "passeport Educfi"

Au cours de l'année scolaire écoulée, des collégiens de classes de 4ème et 3ème de l'académie de Versailles ont ainsi pu expérimenter le passeport d'éducation financière, baptisé "passeport Ecofi". Il s'agit d'une séance de découverte de gestion budgétaire et d'utilisation des moyens de paiement. "Cette expérimentation va être étendue à cinq autres académies en 2020", a indiqué François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, sans en dévoiler les noms. Aujourd'hui, cette introduction à l'éducation financière est dispensée par des salariés de la Banque de France, mais à terme, pour être généralisée, elle devrait l'être par les enseignants eux-mêmes, qui pourront s'appuyer sur des ressources pédagogiques mises à disposition par la banque centrale.

Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse, a par ailleurs rappelé que dans le cadre de la réforme du lycée, l'accent était désormais davantage porté sur la micro-économie. Selon lui, la présence de l'économie au collège et au lycée doit également s'effectuer à travers d'autres disciplines, comme les mathématiques où la question du calcul des taux d'intérêt peut être abordée. Il est également prévu que l'éducation financière fasse son entrée dans le service national universel (SNU). "Cette année 30.000 jeunes vont être concernés", a souligné Jean-Michel Blanquer.

Accompagnement budgétaire et information "neutre" sur l'épargne

Concernant les populations les plus fragiles, 150 points budget conseil (PBC) ont été labellisés suite à un appel à projets lancé entre avril et juin dernier drainant plus de 400 candidatures. Ces lieux d'accueil visent à informer, conseiller le public et à identifier les ménages en difficultés financières pour mieux les orienter. "Chaque structure labellisée bénéficie d'un soutien de 15.000 euros par an que l'Etat apporte", a précisé Christelle Dubos, secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, présente lors du point presse. Cela représente donc un total de 2,25 millions d'euros sur l'année 2019 et le gouvernement prévoit de labelliser 250 points d'accueil supplémentaires en 2020 de manière à couvrir tout le territoire. Par ailleurs, la Banque de France prévoit de former 18.000 intervenants sociaux supplémentaires sur ces questions en 2020.

Toujours dans une logique de proximité, la Banque de France pilotera le déploiement des "rendez-vous de l'épargne" à destination du grand public. "Le conseil que nous pouvons apporter aux Français en matière d'épargne est un sujet majeur", a souligné Bruno Le Maire, rappelant l'environnement de taux durablement bas et la nécessité pour les Français de diversifier leur épargne à l'heure où, justement, le gouvernement fait la promotion de nouveaux produits comme le Plan épargne retraite (PER) et se félicite du succès populaire de la mise en Bourse de la Française des Jeux (FDJ).

A partir de l'année prochaine, dans chaque département, un local de la Banque de France accueillera donc un point conseil sur les placements. "Ce sera par définition un conseil désintéressé, qui répondra à des critères d'intérêt général. Ce sera un conseil apporté par la Banque de France en toute neutralité", a souligné le ministre de l'Economie et des Finances. Ces réunions d'information seront coordonnées par l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Une nouvelle enquête en 2021

Quant aux entrepreneurs, le portail Mesquestionsdentrepreneur.fr, comprenant un jeu d'analyse financière, a récemment été lancé. Une deuxième version est prévue en 2020. La Banque de France mène également une réflexion sur le développement d'une appli mobile, à la fois pratique et ludique, à destination des 17-25 ans, qui correspond à la période de la vie où les jeunes gagnent en autonomie en poursuivant leurs études loin du domicile familial ou en entrant dans la vie active.

Pour mesurer l'impact de toutes ces actions, la Banque de France prévoit de mener une nouvelle enquête sur les connaissances économiques, budgétaires et financières des Français dont les résultats seront publiés en 2021. "Nous sommes tous mobilisés pour qu'elle montre une amélioration sensible", a conclu François Villeroy de Galhau.