Financement des startups : l’amorçage a le vent en poupe

Par Christine Lejoux  |   |  753  mots
Le Partech Shaker, 33 rue du Mail à Paris, permet aux startups et aux grandes entreprises de travailler dans une logique d'open innovation.
La société de capital-risque Partech Ventures vient de lancer un deuxième fonds d’amorçage, doté de 60 millions d’euros et destiné à prendre des tickets de 300.000 à 1 million d’euros dans des startups du digital.

Difficile de trouver meilleur symbole de la bonne santé de de l'amorçage, ce segment du capital-investissement qui consiste à financer les dépenses préalables à la création d'une startup : la société française de capital-risque Partech Ventures a lancé, mercredi 1er avril, "le plus grand fonds d'amorçage en Europe consacré aux startups Tech et Internet." Doté de 60 millions d'euros, Partech Entrepreneur II est d'une taille deux fois supérieure à celle de son prédécesseur, Partech Entrepreneur I, lancé en octobre 2013. Cette somme de 60 millions d'euros a été levée en l'espace de trois mois seulement, auprès du Fonds national d'amorçage, opéré par Bpifrance (la Banque publique d'investissement), de sept groupes industriels (Carrefour, Ingenico, Econocom, Groupama, Edenred, Neopost, Renault-Nissan) et d'une soixantaine de "serial entrepreneurs" comme Eric Carreel, président-fondateur de Withings ou Olivier Goy, patron de la plateforme de crowdfunding Lendix.

Une cagnotte qui permettra à Partech Entrepreneur II d'investir des tickets unitaires de 300.000 à 1 million d'euros dans quelque 70 startups en phase de création, basées dans les trois zones géographiques où Partech est implanté, à savoir la France, l'Allemagne et la Silicon Valley. Le lancement de Partech Entrepreneur II s'inscrit dans le cadre d'un engouement général pour le financement d'amorçage. "Les investissements dans l'amorçage ont quadruplé, aux Etats-Unis et en Europe, au cours des quatre dernières années", précise Romain Lavault, "general partner" chez Partech.

La dynamique de l'amorçage répond à celle de l'entrepreneuriat

Les chiffres sont particulièrement éloquents en France, où l'amorçage était le parent pauvre du capital-risque, ces dernières années, les fonds préférant investir dans les premiers ou deuxièmes tours de table de startups plus matures. Sur les 524 millions d'euros investis par le capital-risque français au second semestre 2014, 9% ont été alloués à l'amorçage, contre 6% seulement un an auparavant et 5% au second semestre 2012, d'après l'indicateur élaboré par le cabinet de conseil en levées de fonds Chausson Finance, qui souligne le retour du "seed capital (amorçage) à un niveau plus classique." Dans la même veine, la taille médiane des investissements d'amorçage dans des startups européennes du secteur "tech" a grimpé de 29% en 2014, à 900.000 dollars, selon la base de données CB Insights. Mieux encore, les investissements en amorçage aux Etats-Unis ont atteint en 2014 leur plus haut niveau depuis cinq ans, à 1,33 milliard de dollars, toujours d'après CB Insights.

Il faut dire que les fonds d'amorçage se multiplient. "De plus en plus d'incubateurs et d'accélérateurs s'équipent de fonds d'investissement, à l'image de Y Combinator aux Etats-Unis", décrypte Boris Golden, directeur d'investissement de Partech Entrepreneur II. A quoi s'ajoutent les véhicules d'amorçage lancés par des industriels tels que Google, ou, plus près de nous, Orange, dans le cadre de leurs stratégies d'open innovation. Une dynamique qui suit celle de l'entrepreneuriat, lequel s'impose désormais comme une véritable alternative de carrière pour les jeunes : "Lorsque j'ai terminé mes études, au début des années 2000, la plupart d'entre nous souhaitions travailler dans la finance. Aujourd'hui, les étudiants veulent devenir des entrepreneurs", témoigne Marc Ménasé, l'un des "serial" entrepreneurs présents au capital de Partech Entrepreneur II.

3.000 startups "appelées", 30 élues

Pourtant, "les risques que nous prenons en amorçage sont énormes car les business models des startups dans lesquelles nous investissons n'ont pas été éprouvés", reconnaît Boris Golden. L'amorçage s'apparente certes à un coup de poker mais, comme au jeu, le jackpot peut-être très considérable, comme cela avait été par exemple le cas pour les investisseurs de la première heure dans Facebook. C'est bien pour cela que Partech Entrepreneur II n'investira dans une jeune pousse que s'il en est le premier investisseur, précise Romain Lavault.

Par ailleurs, afin de maîtriser au mieux la prise de risque, le fonds misera sur 1% seulement des quelque 3.000 dossiers de startups qu'il s'attend à recevoir. Cette sélectivité, basée, entre autres, sur la capacité des jeunes pousses à proposer des "disruptions" fortes, qu'elles soient technologiques ou commerciales, permet à Romain Lavault d'affirmer "qu'un quart de la trentaine de sociétés financées par Partech Entrepreneur I (dont Kartable, PriceMatch ou encore Alkemics) ont déjà dépassé le million d'euros de chiffre d'affaires récurrent." Alors que 90% d'entre elles ne réalisaient pas le plus petit euro de chiffre d'affaires lorsque Partech est entré dans leur capital, quelques mois plus tôt.