Fraude fiscale : UBS condamné à 3,7 milliards d'euros d'amende, un record

Par Delphine Cuny  |   |  620  mots
(Crédits : Arnd Wiegmann)
La plus grande banque suisse, UBS, a été condamnée ce mercredi à payer une amende de 3,7 milliards d'euros pour démarchage bancaire illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale en France par le tribunal correctionnel de Paris. Elle doit verser aussi 800 millions de dommages et intérêts à l'Etat français. Son recours en appel est suspensif.

[Article mis à jour à 20h05]

Le tribunal correctionnel de Paris a suivi le réquisitoire du ministère public. Il a condamné, ce mercredi 20 février, la plus grande banque suisse, UBS AG, à une amende de 3,7 milliards d'euros pour "démarchage bancaire illégal" et" blanchiment aggravé de fraude fiscale" en France. Il s'agit de l'amende la plus lourde infligée à une entreprise par la justice française. La filiale UBS France, jugée complice, a été condamnée à une amende de 15 millions d'euros.

La banque helvétique était poursuivie pour avoir envoyé illégalement, entre 2004 et 2012, ses commerciaux démarcher de riches potentiels clients français, repérés lors d'événements mondain, parties de chasse ou rencontres sportives, dans le but de les convaincre d'ouvrir des comptes non déclarés en Suisse et ainsi leur permettre d'échapper au fisc français. Les  procureurs  avaient estimé entre 8 et 23 milliards d'euros les avoirs français non déclarés gérés par UBS.

"Les fautes pénales relevées sont d'une exceptionnelle gravité" a déclaré la présidente du tribunal, Christine Mée.

L'action UBS est passée dans le rouge à l'annonce du jugement. Elle a fini en recul de 2,7%.

UBS a nié pendant tout le procès, plaidant l'ignorance, et qualifiant d'"irrationnel" le calcul du parquet national financier. La banque a indiqué qu'elle ferait appel, ce qui a un effet suspensif sur le jugement.

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Dommages et intérêts de 800 millions à l'Etat français

L'État français, seule partie civile, avait réclamé 1,6 milliard d'euros de dommages et intérêts à UBS. La banque suisse avec sa filiale française et trois de ses anciens cadres, ont été condamnés solidairement à lui payer moitié moins, 800 millions d'euros de dommages et intérêts.

"UBS conteste vigoureusement ce jugement" qui repose "sur des allégations infondées de la part d'anciens employés de la banque qui n'ont même pas été entendus durant le procès", a réagi la banque dans un communiqué. "La condamnation n'est étayée par aucune preuve concrète, mais repose sur les allégations sans fondement d'anciens employés qui n'ont même pas été entendus au procès. Rien n'indique qu'un conseiller d'UBS AG ait demandé sur le sol français à un client français d'ouvrir un compte en Suisse. Aucune infraction n'ayant été établie en France, la décision applique effectivement le droit français en Suisse" avance-t-elle.

L'agence de notation S&P a relevé que "le montant agrégé de 4,5 milliards d'euros dépasse le bénéfice net d'UBS en 2018, qui s'est élevé à 4,2 milliards d'euros".

Cinq des six anciens cadres de la banque jugés se sont vus infliger des peines de six à dix-huit mois de prison avec sursis et des amendes allant de 50.000 à 300.000 euros. Raoul Weil, l'ex-numéro 3 d'UBS AG, a été relaxé, du fait de sa position dans l'entreprise, pas directement en prise avec la gestion du marché français.

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À l'automne 2017, la filiale suisse du britannique HSBC avait négocié une amende de 300 millions d'euros avec le parquet national financier afin d'éviter un procès en France pour blanchiment de fraude fiscale. Aux Etats-Unis en 2009 et en Allemagne en 2014, UBS avait réussi à négocier un arrangement, s'acquittant d'une amende de 780 millions de dollars dans le premier cas et de 300 millions d'euros dans le second.

Son rival Credit Suisse avait plaidé coupable et accepté de payer une amende de 2,6 milliards de dollars aux Etats-Unis en 2014 pour avoir incité des Américains à l'évasion fiscale.