Le Brexit est avant tout un problème pour le Royaume-Uni, selon les financiers européens

Par Christine Lejoux  |   |  868  mots
Manuel Valls a annoncé le 6 juillet des mesures, notamment fiscales, pour redorer le blason de la place financière de Paris.
« Le Brexit est une mauvaise nouvelle, en premier lieu et principalement, pour le Royaume-Uni », a asséné François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, le 6 juillet, lors des Rencontres internationales de Paris Europlace.

Les Rencontres financières internationales de Paris Europlace, qui se sont déroulées les 5 et 6 juillet à Paris, avaient une saveur toute particulière cette année. Hasard du calendrier, ce rendez-vous organisé par l'association chargée de la promotion de la place financière de Paris a eu lieu moins de quinze jours après le vote des Britanniques en faveur du Brexit, qui a mis en émoi l'Europe de la finance. Après avoir chuté le 24 juin, au lendemain du référendum britannique, dans des proportions jamais vues depuis la faillite de la banque Lehman Brothers, en 2008, les Bourses européennes, après quelques jours de répit, sont reprises d'angoisse : mercredi après-midi, les places de Paris, Francfort et Londres perdaient chacune plus de 1%.

Et ce, parce que les conséquences du Brexit sur l'économie du Royaume-Uni commençant déjà à se matérialiser, avec un fort ralentissement de la croissance dans le secteur des services, et la suspension de l'activité de plusieurs fonds immobiliers, en raison des nombreuses demandes de retrait d'argent effectuées par des investisseurs inquiets. « L'aversion au risque reprend le dessus, avec les craintes d'une diffusion du risque immobilier britannique à l'ensemble du secteur financier européen, et les inquiétudes sur les banques italiennes », décryptent les stratégistes de Crédit-Mutuel CIC.

Le Royaume-Uni ne représente que 3% environ du PIB mondial

Mais justement, le Royaume-Uni n'est pas l'Europe, tel est le message que plusieurs grands noms de la finance européenne ont voulu faire passer mercredi 6 juillet, invitant donc les investisseurs à garder la tête froide. « Le Brexit est une mauvaise nouvelle, en premier lieu et principalement, pour le Royaume-Uni », a asséné François Villeroy de Galhau. Le gouverneur de la Banque de France ne voit donc pas en quoi le vote des Britanniques en faveur de la sortie de leur pays de l'Union européenne modifierait sa prévision de croissance pour la France en 2016, qu'il maintient à 1,4%.

« Le Brexit n'est pas une bonne chose pour le Royaume-Uni, cela commence déjà à se voir. En revanche, il aura un impact limité sur l'économie européenne », a renchéri Jean Lemierre, président de BNP Paribas. Une opinion partagée par Samir Assaf, président de la banque de financement et d'investissement du groupe bancaire sino-britannique HSBC : « Le Royaume-Uni ne représentant que 3% environ du PIB (Produit intérieur brut) mondial, c'est l'économie britannique, et non l'économie mondiale, qui subira les principales conséquences du Brexit. »

Une réglementation qui ne doit pas s'alourdir encore

En outre, l'économie européenne de 2016 n'est plus celle de 2010, à l'orée de la crise des dettes souveraines. « La Grèce, l'Irlande, Chypre sont en bien meilleure forme. Les banques sont également plus solides et la réglementation de la finance s'est durcie », a argumenté Klaus Regling, « managing director » au sein du Mécanisme européen de stabilité. Les banquiers européens ont saisi la balle au bond, en soulignant que la réglementation de leur secteur ne devait pas devenir plus lourde encore, contrairement aux projets du Comité de Bâle, organe de régulation bancaire international, au risque de tuer dans l'œuf l'amorce de reprise de l'économie européenne.

« L'union des marchés de capitaux [qui doit faciliter le financement des entreprises européennes par les marchés ; Ndlr] n'étant pas encore une réalité, il est important que les banques puissent continuer à financer largement l'économie. Or Bâle 4 va à contre-courant de cette nécessité », a estimé Samir Assaf, abondant dans le sens de François Villeroy de Galhau. Un peu plus tôt, le gouverneur de la Banque de France avait en effet déclaré que « les propositions techniques actuelles avancées pour consultation par le Comité de Bâle devaient être revues. »

Manuel Valls à la rescousse de la finance française

De là à envisager la réglementation uniquement sous l'angle de la contrainte, reste un pas que Corso Bavagnoli, chef du service du financement de l'économie au Trésor, refuse de franchir. Pour ce dernier, la régulation française, « dont la qualité est reconnue hors de nos frontières, et qui a une tradition de dialogue avec l'industrie de la finance », représente au contraire un facteur « d'attractivité de la place financière de Paris. » Une attractivité que les acteurs de la finance française s'efforcent plus que jamais de mettre en évidence, dans le contexte du Brexit et de l'affaiblissement de la City londonienne.

Ils y ont été aidés ce mercredi par le Premier ministre Manuel Valls, qui a annoncé des mesures, notamment fiscales, destinées à redorer un blason durablement terni par feu la taxe à 75% sur les hauts revenus. « L'union sacrée entre l'industrie financière, les collectivités locales et les pouvoirs publics pour soutenir un projet de long terme pour la place de Paris se prolonge », s'est réjoui Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace. Avant de nuancer : « Il faut agir vite car la compétition est lancée. » De fait, Francfort, Dublin et autre Amsterdam ont elles aussi commencé à dérouler le tapis rouge à la finance londonienne.