La Société Générale a fait saisir les comptes de Kerviel

Par Delphine Cuny  |   |  535  mots
Jérôme Kerviel accuse la banque de vouloir "[l']asphysier jusqu'à la fin de [ses] jours". La Société Générale dit le traiter comme n'importe quel débiteur.
La banque espère recouvrer le million d'euros auquel son ex-trader a été condamné en appel en septembre dernier. Jérôme Kerviel l'accuse de vouloir "l'asphyxier". Le volet fiscal reste en suspens.

Condamné en appel à verser 1 million d'euros de dommages et intérêts à la banque, en septembre, Jérôme Kerviel avait déclaré à l'époque estimer "ne rien devoir à la Société Générale". Il ne s'est pas pourvu en cassation, la banque non plus, mais celle-ci n'avait pas l'intention de s'asseoir sur ses indemnités. La banque de La Défense a donc saisi il y a quelques mois les comptes bancaires de l'ex-trader, qui s'en est ouvert au journal 20 Minutes, accusant la SocGen de vouloir "[l']asphyxier jusqu'à la fin de [ses] jours...":

« Inconsciemment, je pensais que la Société Générale ne le ferait pas...

J'ai envoyé un mail à mon banquier, le 18 janvier, car je devais effectuer un virement. Il m'a alors indiqué que ce n'était pas possible car mes comptes venaient d'être saisis. Ils ont pris entre 3.000 et 4.000 euros et m'ont laissé l'équivalent d'un RSA. Cela devient très compliqué de survivre... »

Comme n'importe quel débiteur...

La banque confirme et rappelle que son avocat avait jugé la sanction "humaine, un montant compréhensible pour l'opinion publique, quelque chose qui peut être payé". Elle ajoute :

« Même si le million d'euros auquel M. Jérôme Kerviel a été condamné ne représente qu'une partie infime du préjudice subi par Société Générale, la Cour d'appel de Versailles a manifestement voulu que l'auteur de l'abus de confiance soit en mesure de rembourser à sa victime ce montant. La banque respecte donc la décision des juges et récupère sa créance, comme elle le ferait à l'encontre de tout débiteur. »

Jérôme Kerviel, qui a été interdit à vie d'exercer dans la finance, a écrit un livre, "L'Engrenage : mémoires d'un trader", dont il a vendu les droits d'adaptation au cinéma, suivi d'un autre, "J'aurais pu passer à côté de ma vie", paru en novembre dernier. Il a refusé l'idée d'un appel à la générosité de ses soutiens, par le biais d'une souscription publique, suggérée par son avocat, Me David Koubbi.

Redressement fiscal en suspens

Interrogé sur France Info, Me David Koubbi a dénoncé « cette tactique d'essoufflement et de nuisance maximale ». Il garde espoir dans la (très longue) procédure en révision des condamnations pénales.

Quant aux 2,2 milliards d'euros de crédit d'impôt perçus par la Société Générale au titre de la perte imputée à l'ex-trader et dont Bercy avait décidé de demander le remboursement, total ou partiel, le sujet reste en suspens. La banque continue de penser que la décision de la Cour d'appel de Versailles, qui avait souligné sa part de responsabilité du fait de ses manquements, est « sans effet sur sa situation fiscale ». Elle reconnaît néanmoins dans son document de référence déposé le 8 mars qu'« un litige reste possible sur ce sujet devant les juridictions compétentes ». Se réfugiant derrière le secret fiscal, la banque n'avait pas caché qu'elle contesterait en justice un éventuel redressement fiscal. « Quand on connaît les délais, on en a pour dix ans », prédit une source proche du dossier.