Pascal Canfin : comment l'Europe s'arme dans la bataille verte mondiale

Face à la loi américaine sur le climat (Inflation Reduction Act), dont les séduisantes subventions menacent l'industrie européenne, le Vieux continent renforce son arsenal législatif pour rivaliser dans la course à la transition énergétique. Invité du forum « Partageons l'économie », organisé par La Tribune le 9 mai à Paris, le député européen et président de la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire en a décrypté les nouveaux mécanismes.
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Pascal Canfin : les nouvelles règles du jeu du capitalisme responsable

Le sujet n'a plus rien de théorique : la bataille de la transition énergétique est bel et bien engagée sur l'échiquier mondial. Pour parer la loi américaine sur la réduction de l'inflation (IRA) et ses généreuses aides aux technologies propres qui font craindre les délocalisations des cleantech européennes pour investir outre-Atlantique, mais aussi dans le contexte de la concurrence déloyale chinoise, l'exécutif européen renforce l'arsenal de son Pacte vert et l'accompagne désormais aussi d'un plan industriel.

« 2002 restera dans l'histoire comme l'année où la compétition mondiale pour la localisation des chaînes de valeur, des technologies et des industries nécessaires à l'atteinte de nos objectifs climatiques a vraiment commencé », déclare le député européen et président de la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire, Pascal Canfin. Pour l'élu Renaissance au Parlement européen, invité du forum de La Tribune « Partageons l'économie » qui s'est déroulé le 9 mai à Paris, c'est une bonne nouvelle, puisque la seule manière de gagner la bataille climatique, « c'est que tout le monde s'y mette et qu'il y ait une sorte de course à ce que la technologie la plus verte l'emporte et soit diffusée le plus largement possible ». Pour mieux peser, le Vieux continent mise donc désormais sur plusieurs dispositifs.

Ainsi, « il y a des négociations en ce moment même, qui devraient déboucher rapidement, pour que l'Europe soit du bon côté de ce que les Etats-Unis sont en train de construire pour se déconnecter progressivement des chaînes de valeur chinoises », indique l'eurodéputé qui affiche sa confiance. « Je pense que nous allons trouver un accord comme le Japon et les Etats-Unis l'ont trouvé il y a quelques semaines », avance-t-il. Les deux pays ont en effet récemment conclu un accord qui ambitionne de faciliter les échanges pour l'approvisionnement de batteries pour les véhicules électriques ainsi que de matériaux critiques, nécessaires à la transition énergétique, et ainsi limiter la dépendance à la Chine.

Par ailleurs, si le soutien massif (369 milliards de dollars) américain aux produits verts made in USA inquiète, il faut néanmoins « analyser l'IRA dans le détail dans sa complexité et ses nuances qui sont bien plus fortes que le marketing politique américain peut laisser penser », considère Pascal Canfin. Et de pointer, entre autres, que « nombre de décrets ne sont toujours pas sortis ».

Une salve de réformes

Toujours est-il qu'une riposte européenne face à l'offensive américaine est en bonne voie. La réforme du marché de l'électricité de l'Union européenne (UE), qui vise à accélérer l'essor des énergies renouvelables et doper la compétitivité industrielle, en fait partie, puisque l'attractivité de l'IRA vient s'ajouter à celle du différentiel du prix de l'énergie, plus élevé en Europe. « Nous allons réintroduire une prévisibilité du prix de l'énergie négociée entre nos industriels, les fournisseurs et les pouvoirs publics », affirme le député européen. Autre nouveauté, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne « abandonne sa doctrine historique qui ne regardait que la concurrence à l'intérieur du marché unique. Désormais, si un Etat tiers comme les Etats-Unis est capable de mettre une offre de par exemple 100 millions sur la table pour aider telle entreprise à s'installer, alors un Etat membre ou une coalition d'Etat membres seront autorisés sans que cela puisse être caractérisé comme une aide d'Etat de mettre au moins autant », développe-t-il. S'y ajouterait la simplification des financements et des autorisations dans les process de subventions. Enfin, l'Europe veut préparer un fonds de souveraineté afin de « structurer les investissements dans des filières stratégiques clés pour notre souveraineté ».

C'est ainsi toute une mécanique réglementaire qui se met en marche, s'ajoutant à celle de la taxonomie verte, de même qu'à la réforme du reporting extra-financier avec notamment la nouvelle directive CSRD (corporate social reporting directive) qui élargit les obligations des entreprises progressivement à partir de 2024. « Nous harmonisons les données de façon à ce qu'il y ait un marché unique des données transparentes, où tout le monde sait exactement dans quoi il investit, avec les mêmes définitions », résume Pascal Canfin. C'est sans oublier l'obligation pour les entreprises de publier leur plan de transition climatique expliquant leur stratégie d'adaptation de leur modèle économique à un monde qui limite le réchauffement à 1,5 degré. Autant de nouvelles règles du jeu pour une industrie verte européenne compétitive dont les entreprises sont sommées de se saisir pour accélérer leur transition.

Natasha Laporte

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