Quand Société Générale copie Google et la culture cool de la Silicon Valley

Par Delphine Cuny  |   |  1044  mots
Les Dunes, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), doit incarner la transformation numérique de la banque.
La banque vient d’ouvrir un technopôle totalement connecté à Val-de-Fontenay près de Paris. De la table de ping-pong au pouf XXL et au bureau 100% nomade, tous les codes des géants du Web sont réunis pour bousculer les habitudes de travail et favoriser la flexibilité. Objectif : accélérer la transformation numérique de l’entreprise et rompre avec sa culture verticale.

Une table de ping-pong, un babyfoot, une salle de jeux d'arcade, des bean bags géants et des fresques de street-art dans les parkings : tous les codes sont là pour évoquer la culture cool de la Silicon Valley. Il y a même les bureaux réglables assis-debout qu'affectionnent les développeurs. Il ne manque que le toboggan à spirale ou le mur de distributeurs de bonbons gratuits pour s'imaginer au Googleplex de Mountain View ou au siège d'une startup cultivant son côté fun. Dans son technopôle hightech, totalement connecté, qui vient d'ouvrir à Val-de-Fontenay, à 20 minutes de la Place de la Bastille en RER, la Société Générale a clairement copié les géants du Web et l'assume.

« On s'est inspiré des entreprises les plus attractives, les GAFA par exemple, des espaces de co-working et des accélérateurs de startups, on a aussi interrogé la génération Y sur ses attentes. Le lieu multiplie les espaces chaleureux, collaboratifs et non statutaires. Il n'y a aucun bureau individuel ni fermé », a expliqué Sophie Février, la directrice du programme Les Dunes, lors d'une visite de presse ce mardi.

Symbole de la transformation numérique

Tout l'inverse du siège de La Défense, à l'autre bout de la capitale, avec ses hautes tours symbolisant la puissance et ses grandes salles de marché exhalant la concentration nerveuse. L'objectif est de déconcentrer le QG de la Défense et de rééquilibrer sa présence en Île-de-France (notamment pour des raisons de résilience), mais aussi de rompre avec la culture verticale de la banque et de bousculer les habitudes de travail. D'attirer de nouveaux profils, plutôt pas du genre encravaté.

« La conception même des Dunes, itérative, en co-construction et centrée sur l'expérience utilisateur, en fait l'incarnation de la transformation digitale de la Société Générale », fait valoir Françoise Mercadal-Delasalles, la directrice des ressources et de l'innovation.

Les premiers occupants seraient ravis. Depuis un mois, près de 2.500 employés ont rejoint ces élégants bureaux de 76.000 m2, signés de l'architecte Anne Démians, qui en accueillera 5.000 à terme : il s'agit aux deux tiers des équipes de l'informatique, travaillant sur l'infrastructure et les logiciels applicatifs des métiers ou des directions centrales, mais aussi une partie des services ressources humaines et de la communication. Des startups, internes et externes, s'installeront aussi sur "Le Plateau", dans l'espace transversal de l'entresol baptisé "La Vallée" : la SocGen veut de la "porosité" et que cet environnement stimule la créativité de chacun.

Des "sans bureau fixe"

Au-delà du mobilier design chic, des jolies inscriptions calligraphiées sur les murs et des espaces paisibles et confortables ("quiet zones") pour pouvoir « s'extraire du bourdonnement de la ruche », l'organisation du travail est plutôt radicale : le "Flexwork" marie partage de bureaux et télétravail. Xavier Lofficial, le directeur de la transformation, des processus, et systèmes d'information, explique :

« Ce n'est pas un Flex à l'ancienne avec de grands open-spaces ! Le collaborateur peut commencer le travail de chez lui, avec le concept de Work from home [télétravail à la maison, ndlr] puis dans son « quartier » [une zone déterminée des bâtiments]. Nous avons préservé des espaces de calme. L'objectif est d'améliorer la performance collective, avec des règles communes, sinon cette sérendipité peut tourner au souk ! »

Aucun risque que cela vire au souk, ceci dit : comme les consultants sans bureau fixe d'Andersen à la fin des années 1990, les salariés n'ont ici pas de bureau attitré et « c'est clean desk tous les soirs » précise-t-il : autrement dit, chacun doit déblayer son espace de travail en partant, laissant ses affaires dans son casier. Pas de téléphone non plus, juste un casque et un "softphone" sur l'ordi (un logiciel de téléphonie par Internet).

On doit pouvoir travailler de partout, du jardin, de la cantine, en toute fluidité, grâce au Wifi à tous les étages et une application qui permet de piloter les stores ou la clim', de réserver une salle de réunion, etc. Les équipes peuvent se retrouver et travailler en mode "pizza team" dans des îlots de 10 postes.

Le restaurant dans l'espace La Vallée, Crédits Jean-pierre Porcher

Economies par poste de travail

Autre revers de la médaille, la distance pour des collaborateurs qui travaillaient jusqu'ici dans l'Ouest de Paris. Plus d'une heure de transport, en enchaînant deux RER, se plaignent certains, la direction en convient. La banque a privilégié le volontariat et accompagné plus de 400 "mobilités pilotées" de personnes déplacées vers d'autres postes à La Défense, en concertation avec les syndicats.

La Société Générale réalise aussi des économies avec ce projet immobilier dont elle ne veut pas communiquer le budget. Françoise Mercadal-Delasalles reconnaît :

« C'est un projet d'efficacité opérationnelle. Nous réalisons des économies sur les coûts d'exploitation : le poste de travail tout compris coûte 7.000 euros contre 11.000 à La Défense. »

Le bâtiment Les Dunes, signé de l'architecte Anne Démians. Crédits Jean-Pierre Porcher

Un fossé béant semble séparer la culture de La Défense et l'esprit des Dunes, que l'architecte définit par la frugalité. Ce technocentre ne risque-t-il pas de rester dans sa bulle, comme une vitrine des nouveaux mots d'ordre d'agilité et de fluidité, séparée des équipes des marchés ou de la banque de détail ?

« C'est un risque », concède la directrice des ressources et de l'innovation. « Nous allons organiser le maximum de porosité, avec des réunions en visio avec La Défense ainsi que des événements et séminaires sur place. Et Frédéric Oudéa [le directeur général de la Société Générale, ndlr] a décidé de réunir tous les ComEx du lundi aux Dunes dès le 7 novembre. »