Quand les banques biberonnent les startups

Vendredi 10 juin, le Crédit agricole a fêté les deux ans du Village by CA, une pépinière de startups située à Paris, que la banque déclinera dans six villes françaises supplémentaires d’ici à la fin de l’année.
Christine Lejoux
Le Village by CA à Paris. Cette pépinière a pour vocation d'accueillir une centaine de très jeunes entreprises sur une durée de deux ans.

Pépinières, incubateurs, accélérateurs... En France, comme dans bien d'autres pays, on ne compte plus les structures d'accompagnement destinées à favoriser l'éclosion de startups. Celles-ci se sont multipliées, ces dernières années, souvent sous l'égide de grandes entreprises. Le Crédit agricole a ainsi fêté, vendredi 10 juin, les deux ans du Village by CA. Cette pépinière sise au 55, rue La Boétie, dans le 8e arrondissement de Paris, a pour vocation d'accueillir une centaine de très jeunes entreprises sur une durée de deux ans, en leur prodiguant espaces de travail, ateliers opérationnels et parrainage par de grands groupes qui leur ouvrent leur carnet d'adresses. Le tout pour un loyer oscillant entre 410 et 710 euros hors taxes par personne et par an.

Autre anniversaire célébré récemment, celui de la première année du programme Innov&Connect de BNP Paribas, dont l'un des volets consiste à héberger durant six mois des binômes de jeunes pousses et d'ETI (entreprises de taille intermédiaire) au sein de deux espaces d'open innovation, baptisés WAI (We Are Innovation) et situés à Paris et Massy-Saclay (Essonne).

Quel but ces grandes banques poursuivent-elles en pouponnant ainsi ? Surtout, les entreprises hébergées en tirent-elles de réels bénéfices ? Il semble que oui, à l'aune du premier bilan d'Innov&Connect : sur les huit binômes de startups et d'ETI créés l'an dernier, cinq ont débouché sur une véritable collaboration, à l'image des services de marketing mobile développés par Gowento pour la marque de lingerie Orcanta (groupe Chantelle). Satisfaction également au Village by CA, où les startups ont levé un total de 41 millions d'euros auprès d'investisseurs, en l'espace de deux ans.

« Dans le cadre de séances de coaching, nous leur apportons notre savoir-faire en matière de levées de fonds », explique Renaud Poulard, directeur associé chez Omnes Capital.

Cette société de capital-investissement est l'une des grandes entreprises partenaires du Village by CA, aux côtés de l'opérateur de télécommunications Orange, de l'énergéticien Engie, du groupe pharmaceutique Sanofi, du spécialiste de la restauration collective Sodexo, ou encore du cabinet de conseil BearingPoint.

41 millions d'euros levés et 400 emplois créés

En contrepartie de l'apport de son expertise, Omnes Capital dispose d'un accès privilégié à la centaine de startups hébergées au sein de la pépinière, lesquelles constituent autant de cibles d'investissement potentielles.

« Nous n'avons pas encore investi dans l'une des startups du Village, mais cela se fera », assure Renaud Poulard, rappelant que, d'une manière générale, Omnes ne finance que trois ou quatre dossiers, sur le millier qu'il reçoit chaque année.

Au-delà des 41 millions d'euros levés, les jeunes pousses hébergées au sein du Village by CA ont créé un total de 400 emplois, en CDD et en CDI, la moitié d'entre elles ayant vu leur chiffre d'affaires multiplié par plus de deux. Ces revenus, plus d'un tiers (36%) des startups le réalisent en direct avec les grands groupes partenaires du Village. C'est notamment le cas de Videotelling,  qui conçoit des vidéos pédagogiques permettant aux entreprises d'expliquer facilement leur métier.

« Au départ, nous travaillions uniquement pour des startups, mais notre présence au sein du Village nous a permis d'élargir notre clientèle à de grandes entreprises comme Microsoft, Engie et HP », se félicite Denis Fages, le fondateur de Videotelling.

Cette dernière compte également parmi ses clients le groupe pétrolier Total, qui ne fait pourtant pas partie des partenaires du Village.

« Le fait d'avoir été sélectionné par le Village by CA, qui a retenu 90 dossiers seulement sur 1.200 candidatures, et d'être parrainé par une grande entreprise partenaire rassure les prospects des startups », décrypte Fabrice Marsella, le « maire » de ce Village d'un genre bien particulier.

De façon plus directe, BearingPoint a mis en relation l'un de ses clients, un groupe de luxe, avec la startup Data&Data, qui, grâce aux technologies du big data et du « search » sur les réseaux sociaux, détecte en temps réel les nouvelles sources de vente d'objets de luxe contrefaits. Le groupe de luxe en question est ainsi devenu client de Data&Data, qui ambitionne désormais d'étendre son activité aux médicaments. La jeune pousse mise donc beaucoup sur la présence de Sanofi parmi les partenaires du Village by CA.

Six déclinaisons régionales du Village d'ici à la fin 2016

Le groupe pharmaceutique aurait, lui aussi, beaucoup à gagner d'un éventuel partenariat :

« Comme la plupart des secteurs d'activité, le monde de la santé se transforme très rapidement, sous l'effet de la révolution numérique, si bien que nous devons apprendre à travailler autrement », reconnaît Gilles Litman, directeur Performance et Innovation chez Sanofi France.

Or, qui mieux qu'une startup pour enseigner à un grand groupe la culture de la co-création, de la réactivité, de l'acceptation de l'échec, et des changements de business model, bref pour l'accompagner dans le cadre de sa transformation digitale ?

« La fréquentation des startups nous permet de repenser nos processus internes », témoigne Fabrice Marsella.

Ainsi, dans le domaine de la gestion des ressources humaines, la jeune pousse Coxibiz a converti Crédit agricole Assurances au recrutement d'assistants de gestion de sinistres « par challenge. » Une méthode qui consiste à ne pas utiliser le CV comme premier filtre pour évaluer un candidat, mais à le tester via une mise en situation en ligne.

Autre exemple, Deecisions, spécialisée dans les solutions collaboratives d'aide à la décision, participe à la création du futur espace de travail numérique des collaborateurs du Crédit agricole. La banque juge l'expérience du Village si concluante qu'une vingtaine de déclinaisons régionales sont à l'étude, dont six verront le jour d'ici à la fin de l'année, à Lille, Bordeaux, Toulouse, Brest, Orléans et Châteaudun (Eure-et-Loir).

Christine Lejoux

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