Bercy lance sa task force Blockchain pour pousser l'adoption dans l'industrie

Par Delphine Cuny  |   |  798  mots
La Blockchain comment ça marche ? Un schéma explicatif de la technologie de chaîne de blocs, née il y a dix ans avec le Bitcoin. (Crédits : Ministère de l'Economie et des Finances)
La première réunion de ce groupe d'experts réunissant acteurs du public et du privé, universitaires et régulateurs, s’est tenue ce jeudi au ministère de l’Economie et des Finances, sous l’égide de la Direction générale des entreprises (DGE). L’objectif est d’inciter les filières industrielles, construction, agro-alimentaire et énergie en tête, à développer des applications à grande échelle.

[Article mis à jour à 10h]

Trois mois après la présentation de la « stratégie nationale Blockchain », le 15 avril dernier, par Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances, et Cédric O, le secrétaire d'Etat au Numérique, Bercy a donné le coup d'envoi de la « task force Blockchain » qu'ils appelaient de leurs vœux. Ce groupe d'experts nationaux, rassemblant des acteurs du secteur public (administrations, Bpifrance, Caisse des Dépôts, Autorité des marchés financiers et Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), du privé (représentants de filières, associations professionnelles comme La Chaintech et le Cercle du Coin), du monde universitaire (CEA, Inria, IMT, Dauphine), des personnalités qualifiées comme l'économiste Joëlle Toledano (qui a dirigé le rapport sur la Blockchain pour France Stratégie) et des pôles de compétitivité (Systematic, Cap Digital), a tenu sa première réunion jeudi 25 juillet.

La mission de cette task force, coordonnée par la Direction générale des entreprises (DGE), est de suivre le déploiement des projets et de favoriser le dialogue entre l'Etat et l'écosystème Blockchain. « L'Etat doit jouer un rôle d'accompagnateur et de facilitateur » avaient insisté les ministres dans leur tribune, publiée dans nos colonnes, estimant que la France devait « se donner les moyens d'être pionnière » dans cette technologie prometteuse de transmission et de stockage d'informations, née il y a dix ans avec le Bitcoin.

« Nous avons estimé qu'il fallait un point de rencontre entre les industriels et l'écosystème de la Blockchain, un peu hermétique, afin de lever un certain scepticisme » nous explique Romain Bonenfant, sous-directeur des réseaux et des usages numériques à la DGE.

Si les projets foisonnent dans la finance, dont certains sont très avancés comme l'émission obligataire réalisée sous forme de « security tokens » par la Société Générale en avril et les consortiums de financement du commerce international (komgo, wetrade, etc), Bercy s'est fixé comme objectif d'impulser une dynamique dans l'industrie.

« Cette task force est concentrée sur les applications industrielles de la Blockchain, là où le besoin d'action nous a semblé plus immédiat » indique Romain Bonenfant de la DGE. « Il y a eu jusqu'ici beaucoup d'expérimentations et de PoC [proofs of concept, démonstrations de faisabilité] d'une échelle limitée, mais peu de développements concrets par la suite. Ce n'est pas une spécificité française. L'Etat souhaite aider les applications Blockchain à passer à l'échelle dans les filières industrielles, notamment dans la construction, l'agro-alimentaire et l'énergie. »

Lire aussi : Le marché de la Blockchain dans la finance va exploser selon IHS Markit

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[Première réunion de la task force Blockchain à Bercy le 25 juillet. Crédit : DGE]

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Certification, traçabilité

L'industrie de la construction a présenté lors de cette réunion un cas d'usage autour de la rénovation de bâtiments, sur la certification de prestations, impliquant potentiellement les artisans et les assureurs. La filière agro-alimentaire va travailler de son côté sur un projet autour de la traçabilité piloté par l'Association nationale des industries alimentaires (Ania) et Coop de France (coopératives agricoles), tandis que l'industrie des nouveaux services énergétiques planche sur la certification de production d'énergie solaire. L'Etat espère aider à la structuration de l'écosystème. Il entend aussi faire mieux connaître les différents guichets pour les porteurs de projets : fonds Deeptech, concours d'innovation (4ème vague i-Nov dont l'appel à projets, lancé le 4 juillet, cite nommément la Blockchain).

Cette réunion, introduite par les députés Laure de la Raudière et Jean-Michel Mis, co-rapporteurs d'un rapport d'information sur la Blockchain et ses usages, a été l'occasion de partager des retours d'expérience : l'Agence nationale des Fréquences (ANFR) a par exemple présenté sa Blockchain des fréquences libres de droit, première Blockchain d'Etat qui a été testée à grande échelle lors du Tour de France. D'autres projets sont en réflexion aux douanes et dans l'audiovisuel sous l'égide du CNC, pour la gestion des droits d'auteurs des films en catalogue.

La DGE avait recensé au printemps 200 projets actifs ou en cours dans le domaine de la Blockchain en France.

La task force Blockchain se réunira deux à trois fois par an et tiendra en plus des sessions extraordinaires, l'une à l'automne pour la présentation d'une étude de prospective économique à l'initiative de la DGE et l'autre en fin d'année sur les conclusions de la mission confiée à l'Inria, le CEA et l'IMT par les ministres Bruno Le Maire et Frédérique Vidal (Recherche) et Cédric O sur les défis technologiques associés à la Blockchain.